Cette dame a laissé beaucoup d’indices sur la vie de son temps dans un couvent à Rennes en France. J’aurais bien aimé être a l’autre bout du monde pour assister dans quelques jours à la conférence sur la sépulture de Louise de Quengo
Nuage
Retour sur l’extraordinaire sépulture de la Dame de Quengo

Ce cercueil en plomb a été mis au jour en 2015 au couvent des Jacobins, Rennes (Ille-et-Vilaine). Il a été accidentellement perforé à la tête par un engin mécanique avant l’intervention des archéologues. © Rozenn Colleter, Inrap
Par Bernadette Arnaud
Le cercueil en plomb datant du 17e siècle découvert à Rennes vient de livrer ses trésors : le corps quasi intact d’une noble bretonne enveloppé dans une tenue complète !
SÉPULTURE. C’est sans doute l’une des plus belles sépultures du 17e siècle jamais trouvées en France. Découverte à Rennes parmi 800 inhumations mises au jour entre 2011 et 2013 dans le couvent des Jacobins par une équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), un cercueil en plomb vient de livrer ses trésors après un an d’étude : un corps quasi intact enveloppé dans une tenue complète préservée des outrages du temps !
Un reliquaire en plomb contenant le cœur de son mari était disposé sur son corps
Retrouvé à la base d’un des murs de la chapelle de l’établissement dominicain, important lieu de pèlerinage et d’inhumation entre le 15e et 18e siècle, le cercueil en plomb a en effet permis l’étonnante conservation de la dépouille de Louise de Quengo, dame de Brefeillac, décédée en 1656 à l’âge de 60 ans. La noble bretonne était revêtue d’un habit religieux comme cela se faisait pour les élites laïques de l’époque, avec cape, chasuble, robe de bure, chemise en toile, jambières en sergé de laine et mules en cuir à semelle de liège. Louise de Quengo portait un scapulaire de dévotion autour de son bras droit et un crucifix dans ses mains jointes. Des bonnets et une coiffe couvraient sa tête, alors qu’un suaire délicatement posé enveloppait son visage.

Plus émouvant encore, un reliquaire en plomb contenant le cœur de son mari était disposé sur son corps (photo ci-dessus, © Rozenn Colleter, Inrap). Celui de Toussaint de Perrien, chevalier de Brefeillac-Querbrézelec, décédé en 1649 comme l’indiquait une inscription.
« Quand nous avons ouvert ce reliquaire, une puissante odeur de genièvre a envahi toute la salle d’autopsie », se souvient encore Rozen Colleter, archéo-anthropologue de l’Inrap.
Un moment d’émotion qui a marqué l’équipe. « Ce cœur se trouvait dans un sac de toile lui-même en forme de cœur », ajoute-t-elle.
En revanche, la Dame de Quengo ne possédait plus le sien. Au total, ce sont cinq reliquaires en forme de cœur qui ont ainsi été découverts dans les cinq autres cercueils en plomb exhumés lors des fouilles du couvent Jacobin.
« Cet ensemble est unique en Europe« , explique Rozenn Colleter.
Des techniques d’embaumement originales
L’analyse des étoffes, des essences végétales et des organes effectués lors de l’autopsie de la dépouille de Louise de Quengo ont été réalisées par les chercheurs du laboratoire d’Anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse (CNRS) de l’université de Toulouse, et du service médico-légal du CHU de la ville, révélant ainsi les protocoles d’embaumement quelque peu curieux de l’époque. Il n’existait en effet aucune technique efficace pour conserver l’entièreté des corps des défunts qui devaient parfois, pour certains, être rapatriés de loin. Pour éviter le pourrissement et neutraliser les odeurs, crânes et cages thoraciques étaient alors découpés pour en extraire les substances organiques et les remplacer par des matières odoriférantes.
« Dans le cas de Louise de Quengo, nous avons pu constater l’habileté avec laquelle le chirurgien a découpé le cartilage des côtes, soulevé le sternum, incisé, effectué le prélèvement du cœur puis ligaturé », explique Rozen Colleter.
Une œuvre de professionnel, bien loin des descriptions du travail grossier des apothicaires et autres barbiers véhiculées par la littérature.
En outre, les parties du corps pouvaient être inhumés en différents endroits. A l’origine, il s’agissait d’un moyen de multiplier les lieux de dévotion, à l’instar de ce qui se pratiquait pour les reliques. Ce fut notamment le cas pour Bertrand Du Guesclin (1320-1380) qui souhaitait être enterré à Dinand : mais seul son cœur y a été conservé, son corps étant inhumé dans la Basilique de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) avec les rois de France. De même pour Anne de Bretagne, dont le cœur restât à Nantes auprès de ses parents alors que le corps fut déposé dans la basilique royale. Dans le cas de Louise de Quengo, Rozen Colleter se prend à rêver :
« Son cœur se trouve peut-être quelque part dans un reliquaire de plomb conservé pieusement sur le corps de son époux. Qui sait… ».
A l’issu des analyses scientifiques, la dépouille de la Dame de Quengo sera réinhumée.
A l’occasion des Journées nationales de l’archéologie (JNA), qui se tiendront du 19 au 21 juin 2015, Rozen Colleter, anthropologue à l’Inrap, donnera à Rennes, une conférence sur l’étonnante sépulture de Louise de Quengo le 21 juin à 15h (réservation à prévoir). Le programme exhaustif des JNA et ses 1050 manifestations est disponible sur le site officiel.

L’un des corps découvert sur la fouille du couvent des Jacobins. Exceptionnellement bien conservé dans un cercueil en plomb, il passe ici au scanner.
© Rozenn Colleter, Inrap

Ces trois bonnets restaurés ont appartenu à Louise de Quengo.
© J. Guerrier, Materia Viva, Inrap
Les squelettes retrouvés dans les cercueils en plomb du couvent des Jacobins étaient bien conservés, notamment parce que les corps avaient été embaumés.
© Rozenn Colleter, Inrap
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