La science médico-légale pourrait devenir encore plus près de l’heure véritable de la mort d’une personne grâce à l’ARN et les méthodes actuelles seraient complémentaires pour un bon examen d’un décès
Nuage
Le corps ne cesse pas toutes ses activités après la mort
Dans ces travaux, des échantillons de tissus ont été prélevés sur plus de 500 donneurs morts depuis 29 heures. Photo : iStock/nico_blue
Au cours des 24 heures qui suivent la mort d’une personne, des changements génétiques continuent de se produire dans certains tissus du corps, ce qui permet de créer des modèles d’activité qui peuvent être utilisés pour établir le moment du décès.
Un texte d’Alain Labelle
Cette nouvelle connaissance de la mécanique génétique permettra aux enquêteurs dans les dossiers d’homicides d’avoir un portrait médico-légal plus juste.
En fait, ces travaux montrent qu’il est maintenant possible d’établir plus précisément le moment de la mort d’une personne à 9 minutes près.
Le saviez-vous?
L’année dernière, des chercheurs européens et américains avaient établi que certains gènes chez la souris et le poisson-zèbre restaient actifs jusqu’à quatre jours après leur mort.
L’ARN en question
Au départ, le généticien espagnol Roderic Guigó et son équipe de l’Université Pompeu Fabra ont voulu comprendre comment l’activité génétique, ou l’expression des gènes, se comparait dans les tissus morts et vivants.
Pour l’établir, ils ont examiné les changements dans l’acide ribonucléique (ARN), une molécule qui possède de très nombreuses fonctions dans la cellule.
Jusqu’à aujourd’hui, il était habituellement convenu que l’ARN était instable et ne survivait pas à la mort, contrairement à l’ADN.
Or, il semble bien que l’ARN est plus stable qu’on ne l’estimait jusqu’à aujourd’hui, si bien que certains gènes dans l’ADN continuent à être transcrits dans l’ARN après la mort.
L’équipe espagnole a analysé l’activité et la dégradation des gènes dans 36 différents types de tissus humains, comme ceux du cerveau, de la peau et des poumons.
Des échantillons de tissus ont été prélevés sur plus de 500 donneurs morts depuis 29 heures. Elle a découvert que l’activité des gènes après la mort variait dans chaque tissu. Elle a ensuite modélisé cette activité.
Ainsi, leurs travaux montrent que l’analyse de quatre tissus permet d’établir une heure assez précise de la mort d’une personne. Ces tissus se trouvent dans la graisse sous-cutanée, les poumons, la thyroïde et la peau exposée au soleil.
Ces nouvelles connaissances ont permis à l’équipe de mettre au point un algorithme qu’un médecin légiste pourrait un jour utiliser pour déterminer l’heure du décès.
D’hier à demain
La température corporelle et certaines informations physiques comme la rigidité cadavérique permettent depuis des dizaines d’années de déterminer le moment du décès. Certains autres scientifiques utilisent aussi les changements observés dans la communauté microbienne pendant la décomposition pour l’établir, particulièrement sur des personnes mortes depuis longtemps.
Cette approche est certainement complémentaire à l’analyse génétique mise au point en Espagne. Par exemple, au cours des 24 premières heures après la mort, l’activité des bactéries, contrairement à celles des gènes, ne change pas beaucoup. Les gènes seraient à ce moment plus utiles pour déterminer depuis combien de temps une personne est morte. Après cette période, l’analyse de la vie bactérienne pourrait s’avérer plus utile.
Le détail de ces travaux est publié dans la revue Nature Communications.
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