Être une blatte, ce n’est pas vraiment évident. Les obstacles, les pieds géants, les insecticides et la zombification … Et c’est de finir zombi qu’il est mieux d’être une blatte combattive. C’est un avantage d’avoir quelques notions de karaté pour éviter de se faire piquer par la guêpe émeraude.
Nuage
Pour se défendre, cette blatte utilise un coup de pied surpuissant
Une blatte américaine s’apprête à donner un coup de pied à une guêpe émeraude.
© TWITTER / VANDERBILT UNIVERSITY
Par Anne-Sophie Tassart
Un chercheur américain a étudié les interactions mouvementées entre les blattes américaines et les guêpes émeraudes. Les premières utilisent de véritables techniques de combat pour éviter de servir de repas aux larves des secondes.
La vie d’une blatte américaine (Periplaneta americana) n’est pas sans risque : outre le risque de se faire piétiner ou pourchasser à coup d’insecticides, elle encourt aussi le risque de finir « zombifiée » par une guêpe émeraude (Ampulex compressa). Cette dernière a une technique bien rodée : elle attrape sa proie juste à l’arrière de la tête avec ses mandibules puis la pique à deux reprises. Une première frappe au niveau des ganglions thoraciques paralyse les pattes avant de la blatte. La seconde attaque suit immédiatement à la tête. Elle permet à la guêpe d’injecter du venin directement dans le cerveau. L’histoire ne dit pas si la guêpe déclare juste avant d’un ton solennel « tu ne le sais pas encore mais tu es déjà morte »…
Le terrible destin de la blatte américaine : être dévorée par la larve de la guêpe, sans pouvoir réagir
Mais le fait est que la blatte devient alors totalement passive. La guêpe émeraude n’a plus alors qu’à la trainer dans un trou, y déposer un oeuf et reboucher l’entrée. La blatte américaine n’a plus alors qu’à attendre son terrible destin : être dévorée vivante par la larve de la guêpe, sans pouvoir réagir. Si la composition et l’action du venin de l’insecte parasite ont été largement étudiées, les comportements de défense de la proie l’ont cependant moins été.
Car oui, la blatte n’est pas totalement sans défense face à une telle attaque. Dans une étude parue le 31 octobre 2018 dans la revue Brain, Behavior and Evolution, le biologiste américain Kenneth Catania de l’université Vanderbilt, se penche sur les techniques mises en oeuvre par l’insecte pour échapper à la zombification.
Des « high kick » surpuissants qui font voler la guêpe au loin
Pour comprendre par quels moyens la blatte américaine peut échapper à son assaillante, le chercheur a utilisé la vidéo à haute vitesse et a ainsi pu déceler des comportements invisibles à l’œil nu. Il a ainsi pu mettre en évidence une « défense vigoureuse » comme il l’a qualifie lui-même dans son article.
Certaines « blattes élèvent leur corps, rendant leur cou hors de portée, et donnent un coup de pied avec leur épineuse patte arrière, bien souvent en frappant plusieurs fois la tête de la guêpe », note l’auteur.
Il précise également que lors de ses observations, ces « coups de pied puissants et stéréotypés ont souvent envoyé les guêpes dans les murs » de la petite zone expérimentale où elles étaient filmées.
Sur Twitter et sur Youtube, l’université a partagé un ralenti de ce high kick comparant la blatte américaine à Rick Grimes, l’un des personnages de Walking Dead qui tente de survivre dans un monde infesté de zombies.
© Youtube / Vanderbilt University
« Sois vigilante, protège ton cou, et frappe à plusieurs reprises la tête de l’assaillant »
Et si elle est malgré tout attrapée, la blatte américaine a encore quelques tours dans son sac. Elle peut par exemple parer le dard de la guêpe à l’aide de ses pattes et peut déplacer celle-ci voire la blesser grâce aux sortes d’épines qui recouvrent ses pattes. En outre, malgré la première piqûre, les blattes peuvent toujours mordre les guêpes émeraudes pour se défendre. D’ailleurs, lorsque ces dernières doivent délivrer la seconde attaque, leur abdomen est bien souvent proche de la « mâchoire » de la blatte.
« Ces fréquentes tentatives de morsure pourraient expliquer pourquoi les guêpes gardent les pattes qu’elles n’utilisent pas en hauteur et à bonne distance de la tête de leur proie », note le chercheur.
Posture caractéristique de la guêpe émeraude pendant la piqûre : les pattes sont maintenues éloignées du corps de la blatte et surtout, de sa tête © Brain, Behavior and Evolution/ K.Catania
Enfin, Kenneth Catania conclut très sérieusement : « Pour qu’une blatte ne devienne pas un zombie, la meilleure stratégie est : sois vigilante, protège ton cou, et frappe à plusieurs reprises la tête de l’assaillant ».
En se défendant, ses chances de survie atteignent 60% contre 14% si elle reste passive.
https://www.sciencesetavenir.fr