Leurs enfants victimes d’abus Ces mères autruches qui ne dénoncent pas


Comment peut-on  se taire quand un enfant est abusé sexuellement par le conjoint .. comment une mère préfère se taire et ne pas protéger leur enfants ? Se fermer les yeux devant l’atrocité des sévices que des enfants subissent n’est-ce pas considéré comme complicité ?
Nuage

 

Leurs enfants victimes d’abus

Ces mères autruches qui ne dénoncent pas

TVA Nouvelles

Avez-vous entendu parler des mères autruches? Ce qualificatif décrit les mères qui préfèrent se mettre la tête dans le sable plutôt que d’affronter la réalité et tenter de changer la situation dont sont victimes leurs enfants.

Le phénomène a été mis en lumière lors des procès de pères ayant abusé de leurs enfants, au cours desquels des victimes ont témoigné que leur mère était au courant mais préférait fermer les yeux. TVA Nouvelles a rencontré deux victimes qui ont accepté de raconter leur histoire.

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Chantale Thibeault (Crédit: TVA Nouvelles)

Chantale Thibeault a subi de multiples sévices sexuels que lui a infligés son père dans la maison familiale alors qu’elle n’était qu’une enfant. Il y a deux semaines, 30 ans après le début des agressions, Noël Thibeault s’est retrouvé derrière les barreaux pour ce qu’il a fait subir à sa fille et à deux autres enfants.

Mme Thibeault croit que sa mère est aussi coupable parce qu’elle ne l’a pas protégée, mais elle ne se sent pas prête à porter plainte.

«J’en ai assez de tout ça. Pour moi, c’est beaucoup, de faire ça contre mon père et tout ça. Et pour moi, dans le fond, de ne plus avoir de contacts avec elle, c’est assez», explique-t-elle.

Comportement punissable

De leur côté, Isabelle Brophy ainsi que son frère et sa soeur ont porté plainte contre leur mère, Reine-Aimée Martel, après que leur père, Réal Brophy, ait été condamné à six ans de prison pour les avoir agressés.

«Je pense que c’est par lâcheté et par déni qu’elle n’a pas regardé la situation en face», croit-elle, en insistant sur l’importance de dénoncer, pour ces enfants qui voient leur mère ne pas leur venir en aide.

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Isabelle Brophy (TVA Nouvelles)

«Je me suis souvent posé la question: qu’est-ce qui m’a fait le plus mal, est-ce que ce sont tous les sévices physiques et sexuels que j’ai subis de la part de mon beau-père, ou bien c’est le rejet de ma mère? Je vous dirais que je pense que c’est le rejet de ma mère, le fait qu’elle n’ait rien fait, le fait qu’elle m’ait abandonnée», confie Mme Brophy.

L’an dernier, la DPJ a retenu 11 284 signalements d’enfants où il y avait abus ou risque d’abus. Parmi ceux-ci, 8110 concernaient des sévices physiques et 3174, des sévices sexuels. Isabelle Brophy demeure convaincue que derrière ces signalements, il y a encore trop de mères qui font encore l’autruche.

«On reste comme peut-être avec l’impression que la mère est soumise, la mère ne peut pas rien faire, mais ma mère à moi aurait pu nous sauver et nous empêcher de tout vivre ça», regrette Mme Brophy, qui demeure convaincue que derrière tous ces signalements, il y a en a encore trop qui font l’autruche.

Reine-Aimée Martel a écopé d’une peine de 18 mois dans la collectivité.

Difficiles à condamner

 

Il n’est pas facile de porter des accusations et d’obtenir des condamnations contre ces mères qui ferment les yeux sur les agressions sexuelles dont sont victimes leurs enfants, mais c’est possible.

La juge à la retraite Andrée Ruffo croit qu’il s’agit d’un crime.

«Bien sûr que c’est un crime, d’être passif, d’être silencieux. On est complice de l’abus répété de nos enfants.»

Durant toutes ces années où elle a siégé au Tribunal de la jeunesse, Andrée Ruffo a vu passé de nombreuses mères autruches.

«Jamais les mères n’étaient accusées. Il faut les rendre responsables, redevables de la sécurité de leurs enfants. Il est grand temps qu’on les accuse» ajoute-t-elle.

Bataille difficile

 

C’est grâce à la ténacité de procureure comme Hélène Carl qu’on commence à voir davantage de mères au banc des accusés.

«C’est déjà difficile d’obtenir des verdicts de culpabilité pour les agresseurs, alors imaginez pour la mère qui s’est fermé les yeux.»

Elle a obtenu deux condamnations en plaidant l’article 21b du Code criminel, qui stipule qu’on participe à une infraction «si on accomplit où omet d’accomplir quelque chose en vue d’aider quelqu’un à commettre un crime».

«C’est important de savoir que le parent qui laisse son enfant se faire battre et qui n’agit pas est autant responsable et que ça peut entrainer des accusations au même titre que le parent, je souhaite que ça réveille des gens» explique la procureure de la Couronne.

Hubert Van Gijseghem, psychologue judiciaire, qualifie de pathétiques ces mères qui commettent le crime de ne pas protéger leurs enfants. À son avis, rien ne leur permet de plaider la non-responsabilité criminelle.

«Des mères très peu construites et qui sont prêtes à sacrifier leurs enfants sur l’autel de la perversion de leur conjoint ou de leur mari pour des raisons purement pragmatiques, c’est-à-dire pour ne pas perdre leur pourvoyeur» affirme le psychologue.

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