Faut-il sauver Melania Trump?


On parle beaucoup de Donald Trump, mais sa femme Melina, c’est soit pour faire des blagues sur ses sourires forcés ou des questions sur son état au sein du couple. Les quelques articles que j’ai vus sur Melina Trump, étaient qu’elle ne semblait pas heureuse dans son rôle d’épouse et Première Dame qui en fait semble être mis de côté par la fille de Donald Trump.
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Faut-il sauver Melania Trump?

 

Source: Midtown Manhattan Patch

Source: Midtown Manhattan Patch

C’est triste et terrifiant, non? Que penser de la relation qui unit Donald et Melania à la lumière de ces observations? C’est ainsi que plusieurs mèmes et blagues ont été créés autour de l’hypothèse que Melania était coincée dans un mariage abusif avec le pervers narcissique le plus médiatisé du monde.

Source: Twitter

Source: SUTTON sur Twitter

On a vu circuler les mots-clics #freeMelania et #saveMelania avec différents degrés d’ironie. Pour certains, c’est une façon de ridiculiser Melania Trump en la décrivant comme une catin soumise qui est prête à subir les pires humiliations pour rester aux côtés d’un homme riche et puissant. On rigole de la voir ainsi prise à son propre jeu, dans ce drame aux allures de soap, personnages caricaturaux et lifestyle de milliardaire inclus.

Toutefois, plusieurs personnes se sont véritablement senties interpellées par la détresse de Melania et ont éprouvé de l’empathie pour cette femme déstabilisée de chausser les talons hauts de Première dame. C’est le cas de cette chroniqueuse qui a comparé le sourire crispé de Melania au

« sourire qu’on fait aux hommes qui nous harcèlent dans la rue et aux étrangers ivres qui nous acculent dans un coin pendant un party où on a perdu nos amis. C’est le sourire que tu fais à quelqu’un qui te fait peur, quelqu’un qui pourrait te faire mal si tu le fais mal paraître. »

Cette autre rédactrice a reconnu la relation toxique de ses propres parents dans les agissements du couple présidentiel. Dans son texte, elle explique que son père rabaissait sa mère lorsqu’il ne l’ignorait pas, comme Donald semble le faire avec Melania. Mais surtout, elle écrit qu’il n’y a rien de drôle à voir une femme prise dans une relation d’abus, peu importe qui elle est.

Photo: REX/Shutterstock

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C’est également mon malaise par rapport à toute cette discussion. Je ne crois pas que nous ayons affaire à une hallucination collective (ou un fait alternatif, tant qu’à y être) : Melania ne va pas bien. À mon avis, il est clair que la violence psychologique et la misogynie dont Donald Trump fait preuve dans ses fonctions publiques se répète ou se répercute dans sa vie privée. Ce qui ne signifie aucunement qu’il soit normal, justifié ou attendu que sa conjointe vive de la violence conjugale. Ce raccourci est dangereux.

Parce que si je m’inquiète pour elle, je suis aussi préoccupée par la façon dont on traite cet enjeu qui touche beaucoup d’autres personnes. On pose un regard détaché, voire moqueur sur Donald et Melania parce que leur vie est à mille lieux de ce qu’on connait. Mais dans le cas où leur dynamique de couple ressemble étrangement à la nôtre et où le visage fermé de Melania fait l’effet d’un miroir, comment reçoit-on les #freeMelania bardés d’émoticons hilares? Comment se sent-on lorsque tout le monde se paie la tête d’une femme à laquelle on s’identifie, malgré tout? J’imagine qu’on continue à se taire et à endurer.

S’il y a quelque chose à retenir de cette histoire, c’est l’ironie : pendant qu’on s’inquiète de l’abus possible de Melania Trump, les organismes dédiés à la lutte contre la violence faite aux femmes aux États-Unis subiront des coupes majeures… Décret de son mari.

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Le tabou de l’homme battu


Il est important que les femmes violentées puissent avoir toute l’aide nécessaire, mais aussi pour les hommes qui sont victimes de violences conjugales. On s’imagine que les hommes battus sont souvent frêles alors qu’en réalité, ce n’est pas toujours le cas. S’ils se défendent, ils peuvent être accusés eux-mêmes d’agresseurs
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Le tabou de l’homme battu

 

L'affaire Galchenyuk a soulevé une question souvent passée... (PHOTO MASTERFILE)

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L’affaire Galchenyuk a soulevé une question souvent passée sous silence: celle des hommes victimes de violence physique ou psychologique de la part d’une amoureuse ou d’un amoureux. Un phénomène réel et complexe.

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Est-ce que le hockeyeur Alex Galchenyuk a été victime de violence conjugale ? Ce sera au Directeur des poursuites criminelles et pénales de juger si des accusations doivent être déposées contre sa compagne. Or, l’affaire a soulevé une question souvent passée sous silence : celle des hommes victimes de violence physique ou psychologique de la part d’une amoureuse ou d’un amoureux. Un phénomène réel, complexe et souvent moqué.

Après des années de réflexion, l’Entraide pour hommes Vallée-du-Richelieu a mis en place, l’été dernier, un service d’aide destiné aux hommes qui subissent de la violence conjugale. Ce n’est pas un luxe, selon Geneviève Landry, qui a été intervenante avant de devenir directrice générale de cet organisme qui a pignon sur rue à Saint-Hyacinthe, Beloeil et Longueuil.

« Je me rends compte depuis longtemps qu’il y a des hommes victimes de violence conjugale », dit-elle.

Geneviève Landry relate l’histoire d’un homme qu’elle choisit d’appeler Steven. Il a été dirigé vers l’organisme parce que sa compagne a porté plainte pour violence conjugale. Après quelques séances, il a amorcé une rencontre en déboutonnant sa chemise devant son intervenante médusée : son torse comporte de nombreuses griffures.

«Steven m’a expliqué que ça faisait huit ans que sa blonde lui lançait des assiettes, le griffait et le mordait au visage. Il m’a dit : « Je m’assois et j’attends que ça passe. »» Geneviève Landry
Directrice de l’Entraide pour hommes Vallée-du-Richelieu

Cet homme est beaucoup plus corpulent que sa compagne. Il encaisse. Une fois, il a répliqué. Sa compagne a porté plainte immédiatement. Geneviève Landry ne cherche pas à excuser le geste fait par Steven, simplement à montrer qu’il était aussi une victime dans cette dynamique infernale.

1 cas sur 5

Il ne fait aucun doute que les femmes demeurent les principales victimes de violence conjugale. Or, dans 18 à 20 % des cas, la victime est un homme. Dénigrement, menaces, humiliation, ceux-ci vivent de la violence psychologique, mais aussi physique. Yves C. Nantel, du Service d’aide aux conjoints, parle de tasses d’eau bouillante lancées au visage, de coups de pied, d’agressions avec un ciseau ou un couteau.

Au Service d’aide aux conjoints, 10 % de la clientèle – exclusivement masculine – a vécu de la violence physique. Paul*, la soixantaine, a vécu pendant une dizaine d’années avec un coloc avec lequel il avait des relations sexuelles occasionnelles.

« On était comme un vieux couple », dit l’homme, qui a subi une intervention chirurgicale au coeur à l’hiver 2015.

Un vieux couple dysfonctionnel : il décrit son ancien colocataire et amant comme une personne manipulatrice, profiteuse et violente.

« Avant l’opération, j’étais capable de le remettre à sa place », assure Paul.

Affaibli par ses problèmes de santé, il a fini par appeler les policiers, qui lui auraient fait réaliser que son amant était dangereux pour lui. Il l’a fait expulser. En décembre, il recevait encore des appels de menaces de cet homme.

L’agresseur peut aussi être l’épouse ou la petite amie. Ce qui brouille complètement les cartes. Un homme victime de violence conjugale est une idée qui va à l’encontre du discours dominant.

« Il n’est pas normal que l’homme se soit fait agresser, c’est un agresseur, caricature Yves C. Nantel, intervenant et coordonnateur au Service d’aide aux conjoints. Ça reste très marginalisé. Cocasse… »

L’idée qu’un homme puisse être battu semble en effet un sujet de rigolade, si on en croit des commentaires glanés sur la page Facebook d’un site sportif où il était question de l’arrestation de la copine d’Alex Galchenyuk dans un dossier traité comme une histoire de violence conjugale. Un grand nombre de messages tendaient aussi à banaliser la situation.

Devant soi-même

Geneviève Landry confirme que ce sujet peut en effet susciter la moquerie.

« Ça va à l’encontre d’une vision de la virilité voulant que l’homme soit fort, indépendant et capable de se défendre tout seul. Ça ne correspond pas à l’image que ces hommes eux-mêmes ont de ce que c’est que d’être un homme », dit-elle.

Les victimes masculines vivent de la honte et mettent beaucoup de temps à révéler les sévices qu’ils subissent.

« Ils doutent d’eux-mêmes, ajoute Yves C. Nantel. Vu qu’il n’y a pas de reconnaissance sociale de la violence conjugale envers les hommes, c’est souvent une collègue ou une soeur qui dit à l’homme qu’il devrait consulter. Eux-mêmes ne savent pas si ce qu’ils vivent est de la violence… »

«La situation de violence envers un homme ou une femme, c’est la même chose, à quelques nuances près.»Yvon Dallaire
Psychologue

« Je trouve que ce que dit Sophie Torrent [auteure de L’homme battu : un tabou au coeur du tabou] est très pertinent, souligne le psychologue Yvon Dallaire. La femme qui est violentée, lorsqu’elle dénonce la situation, gagne un réseau. Des associations autour d’elle vont la défendre et la prendre en charge. Les hommes, lorsqu’ils sont violentés physiquement, ils perdent un statut. Un statut d’homme. »

Devant le système

Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que la violence conjugale faite aux hommes soit reconnue. Il n’est pas certain que les hommes eux-mêmes aient envie de mener ce combat.

« Contrairement aux femmes, les hommes n’ont pas envie d’aller sur la place publique pour faire parler d’eux », estime Yves C. Nantel.

Parce qu’ils ont honte, parce qu’ils ont peur qu’on se moque d’eux ou que leurs enfants subissent des railleries à l’école…

Plus encore, les hommes auraient une confiance « très mitigée » dans un système judiciaire qui, à leurs yeux, a un préjugé favorable aux femmes. Ainsi, ils prendraient très au sérieux une conjointe qui menace de les accuser, eux, de violence conjugale, de se sauver avec les enfants ou d’inventer des histoires d’agression sexuelle sur un enfant…

Yves C. Nantel estime que le système – structuré pour accueillir et soutenir les femmes victimes de violence – se méfie, lui aussi, des hommes victimes de violence conjugale. Des intervenants (souvent des intervenantes) aux policiers, peu de gens sont formés pour faire face à une situation où l’agresseur n’est pas l’homme. Sans compter que, dans bien des cas, la violence est « mutuelle », selon Geneviève Landry.

« Il faut une reconnaissance sociale de ce problème-là. Il faut offrir les services, estime le coordonnateur du Service d’aide aux conjoints. Il faut améliorer tout ce qui relève du dépistage et de l’intervention. »

* Nom fictif

Quatre chiffres pour comprendre

Difficile d’établir un portrait statistique précis de la violence conjugale. Les données que possède le ministère de la Sécurité publique ne sont basées que sur les interventions policières. Les chiffres révèlent toutefois que de plus en plus d’hommes se retrouvent du côté des victimes. Regard sur la situation en quatre statistiques issues du rapport de 2013 sur la criminalité dans un contexte conjugal au Québec.

>>>Consultez le rapport complet.

En hausse?

29,9 %

Le taux de victimes masculines de violence conjugale a grimpé de 29,9 % entre 2004 et 2013. À l’opposé, le taux de victimes féminines a diminué de 1,2 % pendant la même période. Cet écart est toutefois probablement dû au fait que la violence faite aux hommes est de moins en moins taboue.

« Avant les années 20, on ne parlait pas de violence faite aux femmes. Ça a commencé avec le mouvement féministe. Avec raison, on a ouvert un oeil sur la violence domestique subie par les femmes. On est en train d’ouvrir le deuxième oeil avec celle vécue par les hommes », croit Yvon Dallaire, psychologue et notamment auteur du livre La violence faite aux hommes 

Une réalité taboue et complexe. Éric Couto, travailleur social et étudiant au doctorat à l’Université Laval, nuance :

« À ma connaissance, il n’y a pas d’hypothèse admise pour expliquer [une telle hausse], puisque ce qui amène une personne à dénoncer la violence dépend de plusieurs variables. »

Des agressions plus violentes

19,8 %

Lorsque les femmes sont accusées de violence, dans 19,8 % des cas, elles ont commis une agression armée ou ayant causé des lésions corporelles (contre 10,1 % chez les hommes). Cela s’explique souvent par la différence de force physique entre les deux sexes.

« Les femmes vont compenser en utilisant un objet, alors que les hommes vont utiliser leurs poings comme objets de violence », explique le psychologue Yvon Dallaire.

Éric Couto propose une explication similaire et souligne néanmoins que, selon les données disponibles, les femmes sont malgré tout trois fois plus nombreuses à avoir craint pour leur vie dans une situation de violence conjugale.

La pointe de l’iceberg?

111

En 2013, le taux d’hommes victimes de violence conjugale était de 111 par 100 000 habitants. La même année, le taux de femmes qui en ont été victimes était de 415 par 100 000 habitants.

« Selon les chiffres issus du « cycle sur la victimisation » de Statistique Canada, les victimes de violence conjugale qui ont porté plainte à la police sont de l’ordre de 20 % à 25 % pour les femmes et de 7 % à 8 % pour les hommes, expose Éric Couto. Les femmes dénoncent trois fois plus la violence conjugale à la police que les hommes, selon ces chiffres-là. »

« Il faut prendre en considération que la violence physique fait beaucoup moins peur aux hommes que la violence psychologique, juge pour sa part Yvon Dallaire. Dès le plus jeune âge, les hommes sont habitués à se tirailler entre eux. Ils le disent si bien : ils sont capables d’en prendre. Dans une relation où une femme frappe, bien des hommes vont voir ça comme « de l’amour féroce ». Ça peut changer le portrait. »

Les jeunes plus à risque

37,8 %

En 2013, plus du tiers des victimes de crimes contre la personne dans un contexte conjugal (hommes et femmes) étaient âgées de 18 à 29 ans. Et entre 2009 et 2013, c’est chez les adolescents que le taux d’infractions a le plus augmenté. Éric Couto ne s’en étonne pas.

« Depuis le début des années 2000, les 18-40 ans ont toujours été le groupe le plus représenté dans les statistiques sur la violence conjugale, dit-il en rappelant que ceux-ci représentaient 69 % des cas en 2001. Plus on est jeune, plus on est à risque de déclarer vivre ce genre de situation. »

Très souvent, dans les couples, la violence est mutuelle, croit Yvon Dallaire.

« À travers la violence, il y a une grande souffrance, rappelle-t-il. Il y a l’incapacité à exprimer des besoins de façon adaptée. C’est la même chose chez les hommes et chez les femmes, mais, en général, les hommes ne sont pas portés à dénoncer cette violence. »

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