Je n’aurais jamais cru qu’il y a autant trafic d’animaux menacés. On parle de plusieurs million par année, cela va avec les cornes d’éléphants et de rhinocéros, les peaux de bêtes sauvages, et des animaux vivants comme les poissons tropicaux, les singes et autres. C’est tellement lucratif que même les zoos ne sont pas à l’abri de ces réseaux criminels internationaux
Nuage
Vol de singes au zoo de Beauval : le trafic d’animaux sauvages, un business juteux
Une peau de léopard exposée en novembre dernier à New Delhi, lors d’un événement organisé contre le trafic d’espèces menacées.Photo : AFP
COMMERCE ILLICITE – Si le vol de 17 singes rarissimes au zoo de Beauval reste encore mystérieux, il met en lumière la recrudescence de vols d’animaux rares ces dernières années. Avec un chiffre d’affaires de près de 15 milliards d’euros par an, le trafic d’espèces protégées est l’un des business illicites les plus lucratifs au monde.
Qui a volé les 17 singes rarissimes du zoo Beauval ? L’enquête suit son cours sur la disparition de ces sept tamarins-lions dorés et dix ouistitis argentés, révélée lundi soir par la direction de ce parc zoologique du Loir-et-Cher, mais la piste d’un réseau de revente à des collectionneurs particuliers pourrait se dessiner.
« Si c’était le cas, cela démontrerait que les zoos eux-mêmes ne sont plus du tout à l’abri de ces trafics », s’inquiète auprès de metronews Cécile Sissler-Bienvenu, la directrice du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) pour la France et l’Afrique francophone, rappelant que les vols de cornes de rhinocéros ont déjà touché de nombreux musées européens.
Le quatrième trafic le plus lucratif au monde
Le commerce illicite d’espèces protégées et de leurs produits dérivés (cornes, peaux, moustaches…) a en effet explosé ces dernières années. Notamment vers l’Asie où la possession de tels trophées peut exprimer un statut social, quand ils ne sont pas prisés pour leurs supposées vertus médicinales. Car pour les réseaux criminels internationaux, ce business aux risques moindres promet des profits considérables (dans le cas des singes de Beauval par exemple, le préjudice est évalué à 200.000 euros). Avec 14,5 milliards de chiffre d’affaires estimé, il est même désormais selon le WWF et l’IFAW le quatrième trafic le plus lucratif au monde derrière les stupéfiants, les contrefaçons et la traite d’êtres humains.
Quelles sont les espèces les plus visées par les braconniers et les trafiquants ? Après l’ivoire d’éléphant – aujourd’hui, un pachyderme est braconné toutes les 15 minutes – , puis la très précieuse corne de rhinocéros, qui se vendrait 51.000 euros le kilo au marché noir, les cibles se sont diversifiées. Les tigres, dont il ne reste plus que 3000 spécimens à l’état sauvage, ou les Pangolins, ces mammifères à écailles dont la viande est appréciée en Asie, sont désormais parmi les plus traqués au monde, souligne Cécile Sissler-Bienvenu. L’organisation Trafficestime de son côté que ce commerce illicite concerne chaque année 500 à 600 millions de poissons tropicaux, 15 millions d’animaux à fourrure, cinq millions d’oiseaux, deux millions de reptiles et 30.000 primates.
Des trafiquants toujours plus imaginatifsPour faire transiter leur marchandise, certains contrebandiers rivalisent d’imagination. La semaine dernière ainsi, une vingtaine de cacatoès à la crête jaune et un perroquet vert ont été découverts dans les bagages d’un homme interpellé en Indonésie : les animaux étaient dissimulés, vivants, dans des bouteilles en plastique. Mais des paquets de cigarettes, des boîtes de lait en poudre ou des livres pour enfants ont également déjà servi de cachettes. Et les trafiquants sont d’autant plus difficiles à appréhender qu’ils évoluent désormais aussi sur Internet, sur des sites de vente du type Le Bon Coin.
« Actuellement, on voit une explosion du marché de l’ivoire en ligne, mais on peut aussi y trouver des peaux de félins tachetés ou des animaux extrêmement rares, type reptiles ou oiseaux, qui se vendent très cher pour alimenter la demande de collectionneurs », déplore Cécile Sissler-Bienvenu.
Face à cette recrudescence, les Etats prennent peu à peu des mesures. Tandis qu’Interpol a lancé en octobre dernier l’opération Infra-Terra, ciblant 139 « criminels de l’environnement » poursuivis notamment pour trafic d’espèces sauvages, la France s’apprête ainsi à durcir les sanctions. Avec le projet de loi sur la biodiversité en discussion au Sénat en juillet, qui prévoit un plan d’action national de lutte contre le trafic des espèces sauvages menacées, les amendes pour des infractions simples passeront de 15.000 à 150.000 euros et celles commises en bande organisée pourront être punies de 750.000 euros et un an de prison. L’Hexagone, où 2000 animaux sauvages sont saisis chaque année chez des particuliers, deviendra alors l’un des pays européens à la législation la plus sévère.