La tourte voyageuse en partie victime de son ADN


Les tourtes voyageuses ou les pigeons voyageurs a permis une évolution rapide en éliminant des mutations génétiques nuisibles. En s’adaptant à l’environnement, ils ont progressé en grande colonie et cela ne leur a pas permis de faire face à la chasse intensive
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La tourte voyageuse en partie victime de son ADN

Un spécimen empaillé de tourte voyageuse

Un spécimen empaillé de tourte voyageuse   Photo : The Manitoba Museum

 

Une faible diversité génétique, jumelée à la chasse intensive des humains, aurait précipité l’extinction en quelques dizaines d’années seulement de la tourte voyageuse (pigeon voyageur), une espèce qui comptait pourtant de 3 à 5 milliards d’individus en Amérique du Nord.

Un texte d’Alain Labelle


Cet oiseau ressemblait à un croisement entre une tourterelle et un pigeon biset (Columba livia), celui que l’on retrouve dans nos villes. Avant l’arrivée des Européens, la tourte voyageuse (Ectopistes migratorius) était considérée comme le vertébré le plus abondant en Amérique, et possiblement dans le monde.

La tourte voyageuse formait d’immenses colonies qui faisaient enrager les agriculteurs, mais qui faisaient aussi la joie des chasseurs et des cuisinières. Les ornithologues expliquent que c’était un oiseau si facile à attraper, qu’un homme pouvait en capturer des centaines en une seule journée.

Illustration d'une partie de chasse à la tourte voyageuse.

Illustration d’une partie de chasse à la tourte voyageuse.   Photo : Wikipédia/Domaine public

Une disparition rapide

Son incapacité à survivre en plus petites populations a toujours intrigué les scientifiques. L’une des théories – et les présents travaux tendent à la confirmer – est que cet oiseau s’était adapté parfaitement à la vie en gigantesques groupes, mais aucunement à celle en plus petites colonies isolées. Or, les changements rapides dans l’importance des populations se seraient produits si rapidement, que l’espèce n’aurait pas eu le temps de s’adapter.

Les pigeons voyageurs se sont très bien débrouillés pendant des dizaines de milliers d’années, puis soudainement, ils ont disparu. Paradoxalement, l’énorme taille de leur population peut avoir été un facteur d’extinction.

Pr Beth Shapiro, Universtité de la Californie à Santa Cruz

Le saviez-vous?

La toute dernière tourte voyageuse, une femelle baptisée Martha, est morte au zoo de Cincinnati, en Ohio, le 1er septembre 1914.

Des réponses dans les gènes

La chercheuse Gemma Murray et ses collègues de l’Université de la Californie à Santa Cruz, aux États-Unis, ont analysé la diversité génétique de spécimens empaillés retrouvés dans les musées nord-américains.

Leurs résultats, publiés dans la revue Science, confirment la très basse diversité génétique observée dans de précédentes études, mais contredisent ceux qui pointaient aussi vers l’instabilité de la population.

Selon les récents travaux, la taille importante de la population des tourtes – et sa stabilité durant des milliers d’années – aurait permis une évolution adaptative plus rapide et l’élimination des mutations génétiques nuisibles, entraînant une perte énorme de leur diversité génétique.

Ces oiseaux étaient ainsi parfaitement adaptés à leur environnement, mais n’étaient nullement capables de faire face à une nouvelle menace, comme la chasse humaine intensive qui a suivi l’arrivée des Européens.

Ces travaux montrent donc l’effet de la sélection sur le génome d’un vertébré et contredisent d’autres résultats qui laissaient croire que c’est l’instabilité de la population qui a contribué à l’extinction étonnamment rapide de l’espèce.

Nos résultats sont conformes à l’idée que l’adaptation du pigeon voyageur à de grandes populations a pu devenir un handicap lorsque le nombre de spécimens s’est brusquement réduit. Ils correspondent à cette hypothèse et nous n’avons trouvé aucune preuve que la population était instable avant que les humains (Européens) ne commencent à les chasser.

Gemma Murray

Ces connaissances peuvent, selon les chercheurs, nous permettre de mieux comprendre l’aspect génétique derrière une extinction, et peut-être permettre d’aider les efforts de conservation d’autres espèces actuellement menacées.

http://ici.radio-canada.ca

Le Saviez-vous ► La tourte voyageuse


Voilà une démonstration ce que l’homme peut faire en peu de temps … détruire une espèce animale parce qu’il la trouve trop dérangeante, trop envahissante … et pas question de partage c’est tout ou rien
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La tourte voyageuse

 

La tourte voyageuse ou pigeon migrateur (1), savamment appelé Ectopistes migratorius, était un pigeon propre à l’Amérique, nichant dans le sud-est du Canada et le nord-est des États-Unis.

La tourte voyageuse était plus petite que le pigeon biset, avec des ailes et une queue plus pointues, ainsi qu’un corps plus gracieux. Elle possédait un bec de couleur noire et des pattes rouges, ainsi qu’un ventre blanc, un poitrail rouge-orangé et des parties supérieures d’un gris bleuâtre.

Cette espèce est surtout connue pour ses vols impressionnants rassemblant plusieurs milliers de volatiles… Qui étaient capables de cacher le Soleil ! L’ornithologue américain Jean-Jacques Audubon décrit dans les années 1830 un de ces vols :

Le ciel était littéralement rempli de pigeons, la lumière de midi était obscurcie comme par une éclipse ; les fientes pleuvaient comme des flocons de neige fondante. Les pigeons continuèrent à passer en nombres toujours aussi importants durant trois jours consécutifs.

— Jean-Jacques Audubon, Les Oiseaux d’Amérique

On estime que rien que dans les états du Kentucky, de l’Indiana et de l’Ohio, on trouvait près de trois milliards d’individus.

Malheureusement, la tourte voyageuse était particulièrement nuisible pour les agriculteurs(2) qui détruisaient le plus souvent les colonies par le feu.

De plus, elle fut l’objet de gigantesques concours de chasse, où jusqu’à 30 000 oiseaux pouvaient être tués pour remporter le prix de la compétition.

La naissance du transcontinental donna un coup fatal à l’espèce. En effet, les exploitants des chemins ferroviaires virent une manne providentielle dans l’oiseau et en tuèrent de gigantesque groupes pour approvisionner les villes de la côté Ouest.

De plus, ces oiseaux souffraient particulièrement de leur mode de déplacement ; il suffisait en effet de diriger son fusil vers le ciel et de tirer pour abattre d’un coup une dizaine de volatiles. On sait également qu’ils avaient besoin d’être nombreux pour repérer leur nourriture(3), car les glandées et fanées étaient très dispersées. Aussi, la reproduction de masse n’était possible qu’en grandes colonies chez cet oiseau, ce qui joua en sa défaveur.

Ces facteurs, ajoutés à la déforestation et à une probable épizootie virulente de la maladie de Newcastle eurent raison de l’oiseau.

Le déclin de l’espèce devient apparent au début des années 1860, où on voyait que quelques groupes laissaient passer la lumière lors de leurs voyages. 1878 a d’ailleurs été la dernière année où la chasse du pigeon migrateur fut bonne. À la fin du siècle, plus aucun spécimen ne fut observé dans la nature.

Malgré tout, la tourte voyageuse fut l’un des premiers oiseaux qu’on tenta de préserver aux États-Unis. Les zoos se rendirent vite compte que leurs espoirs n’étaient pas fondés : l’oiseau avait besoin d’être en liberté, ne s’alimentant que peu et ne s’accouplant plus.

Le 1er septembre, à une heure du matin, meurt au zoo de Cincinati la dernière représentante de l’espèce, Martha. Ironie du sort, les derniers représentants de la perruche de Caroline(4) mourront dans ce même zoo, quelques années plus tard.

Le pigeon migrateur est devenu le triste symbole d’un homme capable de détruire une espèce composée de milliards d’individus, mais qui tenta également dans ces derniers heures de la sauver.

(1) ↑ À ne pas confondre avec le pigeon voyageur, qui est quant à lui un simple pigeon biset (ou pigeon commun) dressé.
(2) ↑ Par exemple en 1871 dans le Wisconsin, une zone de près de 2 200 kilomètres carrés (un septième de l’État) fut complètement dévastée par une concentration d’une centaine de millions de tourtes voyageuses qui nichaient dans la zone.
(3) ↑ Bien que comme tout les membres de sa famille, le pigeon migrateur possédait une excellente vision.
(4) ↑ Il s’agissait du seul oiseau de ce type aux États-Unis, dont la disparition est tristement similaire à celle du pigeon migrateur.

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