Une épidémie de la tordeuse du bourgeon d’épinette menace les forêts


Je me souviens quand la tordeuse d’épinette a fait des ravages en Abitibi, mon père a tout fait pour protéger ses arbres que nous avions sur le terrain et on peut dire qu’il a réussi. Mais une forêt cela est beaucoup plus difficile
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Une épidémie de la tordeuse du bourgeon d’épinette menace les forêts

La tordeuse des bourgeons de l'épinette se nourrit des... (Photo Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs)

La tordeuse des bourgeons de l’épinette se nourrit des nouvelles aiguilles de sapin beaumier – son repas préféré – et aussi d’épinette, qui est son deuxième choix.

PHOTO MINISTÈRE DES FORÊTS, DE LA FAUNE ET DES PARCS

 

STÉPHANIE MARIN
La Presse Canadienne

Une autre épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette frappe le Québec. Les experts s’en inquiètent, car le réchauffement du climat lui ouvre de tous nouveaux garde-manger au Nord où l’insecte risque de ravager les forêts commerciales.

L’impact est déjà senti: l’insecte a été trouvé cette année pour la première fois au Labrador, dans un territoire très au Nord, pour la première fois en 100 ans.

En 2016, il y a actuellement sept millions d’hectares d’arbres défoliés au Québec- ce qui est l’équivalent de l’état américain de la Virginie-Occidentale, a indiqué Daniel Kneeshaw, professeur d’écologie forestière à l’UQAM, aussi membre du Centre d’études de la forêt.

Il a présenté mercredi des résultats de ses études lors d’une table ronde organisée par le consortium de recherche Ouranos sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques, dans la foulée du colloque du Centre d’étude de la Forêt, qui s’est tenu plus tôt cette semaine.

«On est au début d’une épidémie», soutient le chercheur.

Les régions les plus touchées pour le moment sont au nord de Baie-Comeau et aussi au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Lors de la dernière grande épidémie au Québec, dans les années 1970 et 1980, il y a eu 35 millions d’hectares défoliés, soit 5 fois plus que la situation actuelle, a-t-il précisé.

Cet insecte ravageur se nourrit des nouvelles aiguilles de sapin beaumier – son repas préféré – et aussi d’épinette, qui est son deuxième choix.

«Notre grande inquiétude avec les changements climatiques, c’est que sa préférence va changer pour l’épinette noire. Et si cette préférence change, ça va ouvrir tout un garde-manger qui n’était pas nécessairement disponible là avant».

Et le réchauffement du climat pourrait mener à un meilleur synchronisme entre le cycle d’éclosion des bourgeons et celui de la tordeuse.

En voici la raison: lorsque l’insecte émerge de son cocon au printemps, il est affamé. Si les bourgeons des arbres ne sont pas encore sortis, il n’a rien à manger et meurt. C’est pourquoi il ne sévissait pas dans les territoires nordiques: il sortait de son hibernation avant la sortie des aiguilles. Mais maintenant que le climat est plus chaud, les bourgeons sortent aussi plus tôt au nord, alors la nourriture est disponible quand les insectes émergent.  Il est donc à craindre qu’ils aillent y vivre et s’attaquent aux forêts d’épinettes noires, les plus prisées par les entreprises forestières.

Ce qui pourrait affecter la productivité des forêts pour le bois d’oeuvre et les pâtes et papiers.

«Ça fait peur aux forestiers», dit le professeur.

La défoliation grave se produit lorsque la tordeuse mange 70 % ou plus des nouvelles aiguilles de l’année. Après plusieurs années consécutives de défoliation grave causée par la tordeuse, une partie plus ou moins importante des arbres peut mourir, selon le ministère québécois des Forêts, de la Faune et des Parcs.

Quant au lien entre cette situation et les changements climatiques, M. Kneeshaw dit ne pouvoir l’attribuer à cela à 100 %.

Il y a d’autres facteurs qui peuvent jouer, dit-il, «mais il y a des raisons d’être inquiet».

La tordeuse des bourgeons de l’épinette est l’insecte le plus destructeur des peuplements de conifères de l’Amérique du Nord, selon le ministère.

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Insectes ravageurs: les prochaines invasions


Quand j’étais adolescente, papa voulait protéger ses épinettes noires de la tordeuse d’épinette, depuis quelques années, nous entendons parler de l’agrile du frêne, un insecte asiatique d’ou les coupes d’arbres de frêne, mais d’autres insectes ont été introduites et peuvent causer de grands dommages à une grande richesse du pays, les forêts.
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Insectes ravageurs: les prochaines invasions

 

L'agrile du frêne est vorace et impossible à... (PHOTO ALAIN DION, LA VOIX DE L'EST)

L’agrile du frêne est vorace et impossible à éradiquer (photo), mais d’autres menaces planent sur les arbres.

PHOTO ALAIN DION, LA VOIX DE L’EST

Charles Côté
La Presse

Les frênes qui dépérissent sous nos yeux au Québec sont victimes de la pire espèce exotique jamais introduite sur le continent, selon les experts.

En effet, l’agrile du frêne est vorace et impossible à éradiquer. Introduit par accident dans une palette de bois dans la région de Detroit en 2002, il a atteint le sud du Québec.

Mais d’autres menaces planent sur les arbres.

La Presse a interviewé Robert Lavallée, entomologiste au Service canadien des forêts, pour identifier ces insectes ravageurs dont on risque d’entendre parler dans les prochaines années.

Selon M. Lavallée, les espèces exotiques, «c’est un peu comme une boîte à surprise: on ne sait jamais quand elle peut nous exploser à la figure».

L’agrile du frêne est un bon exemple, dit-il. Il n’était pas un problème en Chine, mais en dix ans, il s’est répandu dans 24 provinces et territoires, du Québec jusqu’au Colorado, à l’ouest, en Géorgie, au sud, tuant des dizaines de millions d’arbres. «L’éradication est impossible et les frênes vont probablement tous y passer», affirme l’entomologiste.

Mais l’agrile n’est que le dernier d’une série d’insectes et de maladies exotiques qui ont infesté les forêts canadiennes.

«Il y en a eu plus de 80, dit-il. Quand on pense par exemple à la maladie hollandaise, elle a décimé les ormes, qui ont bien du mal à se rétablir.»

Érables et chênes menacés

Une espèce qui frappe à nos portes, le longicorne asiatique, fait frémir M. Lavallée. «Je ne souhaite surtout pas ça au Québec», dit-il

Découvert en 1996 à Brooklyn et apparu en Ontario en 2003, ce grand insecte s’attaque à toutes les principales espèces de feuillus, comme les érables et les chênes.

Au printemps 2013, le gouvernement fédéral avait annoncé son éradication en Ontario, dans les deux seuls lieux où on l’avait trouvé. Cependant, un nouveau foyer a été trouvé à Mississauga quelques mois plus tard.

Pour l’éradiquer, il faut abattre tous les feuillus dans un rayon de 400 mètres de l’arbre infecté.

«L’approche est toujours la même: abattage massif, dit M. Lavallée. Vous pouvez imaginer l’impact sur un quartier.»

L’expert a l’oeil sur une autre espèce qui présente une menace immédiate pour le Québec: la cochenille du hêtre.

Introduit au Canada vers 1880, par des des hêtres ornementaux importés d’Europe et plantés à Halifax, la cochenille est un petit insecte qui s’installe sur l’écorce du hêtre pour y enfoncer un tube lui permettant de se nourrir de sa sève.

Les blessures causées par les cochenilles servent d’entrées à deux types de champignons qui tuent l’arbre en quelques années.

M. Lavallée poursuit ses recherches pour trouver un agent pathogène naturel, comme un champignon, susceptible de tuer l’insecte.

«La maladie progresse lentement vers l’ouest du Québec et compromet sérieusement la croissance et la survie des hêtres», dit-il.

Une autre espèce qui est aux portes du Québec représente une menace réelle pour l’industrie forestière: le longicorne brun de l’épinette.

Lui aussi est apparu à Halifax et s’est répandu dans tout le sud de la Nouvelle-Écosse. M. Lavallée travaille à trouver des façons de lutter contre cet insecte, qui pourrait compliquer les exportations canadiennes de bois d’oeuvre.

«On étudie deux méthodes de lutte: avec des phéromones qui attirent les mâles et les empêcheraient de trouver les femelles et aussi des champignons, qui seraient pathogènes pour ces insectes et que les mâles inoculeraient aux femelles pendant la reproduction.»

Il reste l’espoir que les arbres eux-mêmes développent une résistance.

«Il y a environ un frêne sur 1000 qui résiste à l’agrile, et les chercheurs s’intéressent à cela aux États-Unis», dit M. Lavallée.

Changements climatiques

Cependant, les changements climatiques pourraient intensifier les attaques des ravageurs exotiques.

Par exemple, le puceron lanigère de la pruche, un insecte asiatique, fait des ravages juste au sud de la frontière.

La disparition des pruches, en particulier le long des ruisseaux de montagne, y a causé de «graves conséquences environnementales», selon le gouvernement fédéral canadien, qui souligne que cet insecte ne survit pas aux températures inférieures à -30oC.

«Il n’y a pas de réponse unique et simple, résume M. Lavallée. Les changements climatiques peuvent favoriser la remontée vers le nord de certaines espèces limitées par le froid hivernal. Par contre, des automnes plus doux et plus longs et des redoux hivernaux suivis d’un gel peuvent faire baisser la survie de certaines espèces.»

En plus des espèces exotiques, les ravageurs autochtones continuent d’inquiéter. La tordeuse du bourgeon de l’épinette, cette petite chenille d’un papillon de nuit, semble prospérer sur la Côte-Nord, ce qui est nouveau, explique Louis De Grandpré, chercheur en écologie forestière au Service canadien des forêts. Cela pourrait être relié au réchauffement climatique.

 «Les insectes, ce qui les limite, c’est la température, dit-il. Si l’été est trop frais, l’insecte ne peut pas compléter son cycle vital. Mais les foyers de défoliation sont beaucoup plus au nord que tout ce qu’on a vu par le passé. Depuis neuf ans, la population de tordeuse se maintient sur la Côte-Nord. Contrairement à ce que son nom indique, la tordeuse s’attaque d’abord au sapin baumier. Mais si l’insecte peut se maintenir dans la région où l’épinette noire est dominante, comme la Côte-Nord, il va avoir l’occasion de s’adapter et d’attaquer aussi l’épinette.»

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