C’est le même constat en Amérique. J’ai d’ailleurs eu connaissance de personnes qui me disaient qu’ils ne voulaient pas faire vacciner leurs enfants à cause des effets secondaires, mais aussi que certaines des maladies visées avaient disparu. Pourtant sans vaccins, ces maladies reviennent
Nuage
Vaccins : pourquoi les théories des anti sur Internet ont autant de succès

La mouvance anti-vaccins prend de l’ampleur en France. © Creative Commons
Par Lise Loumé
La mouvance anti-vaccins s’est propagée en France et dans le monde par le biais d’Internet. Pourquoi de nombreuses personnes adhèrent à ses théories ? Décryptage.
Se protéger soi-même et protéger les autres : voilà toute l’importance de la vaccination, sujet majeur de santé publique dont Sciences et Avenir a consacré son dossier du numéro de décembre 2015
Un rappel important à un moment où le vaccin est plus que jamais victime de son succès. Il a permis d’éradiquer totalement la variole. La poliomyélite, la diphtérie, le tétanos ne sont plus que des souvenirs dans les pays développés.
« Et justement, parce que ces maladies ont disparu, des citoyens des pays développés finissent par ne considérer que les effets secondaires et les risques éventuels que peut comporter la vaccination, comme tout produit de santé », analyse Serge Montero, président du comité Vaccins du Leem (Les Entreprises du Médicament) lors d’une table-ronde sur le sujet organisé le 10 décembre 2015 à Paris.
« Paradoxalement, alors que la population occidentale implore les scientifiques de trouver un vaccin contre le Sida et Ebola, deux maladies qui ont causé la mort de millions d’individus pour la première, de milliers pour la deuxième, et ce en majorité dans les pays les plus pauvres, elle a tendance à décrier les vaccins qui sont à sa disposition ».
70 % des sites et blogs remettent en cause des faits scientifiquement démontrés
Car la mouvance anti-vaccins est très présente en France.
« Si 9 % de la population était méfiante envers les vaccins au début des années 2000, cette proportion est montée à… 40 % dans les années 2010 ! », explique Gérald Bronner, sociologue et professeur à l’Université Paris-Diderot.
Malgré ce que laissent penser ces chiffres, la mouvance n’est pas née avec Internet.
« Elle est en fait apparue en même temps que les vaccins eux-mêmes ! », précise le spécialiste.
Dès la fin du 19e siècle donc. « Mais les argumentaires anti-vaccins sont longtemps restés cantonnés à des milieux de radicalité, et ne gagnaient pas l’espace public ».
C’est donc bien Internet qui a permis une large propagation de ces idées.
« Le Web est un marché dérégulé dans lequel ceux qui ont le plus de temps et les plus engagés – les militants, croyants, et « lanceurs d’alerte » autoproclamés – sont ceux qui occupent le plus d’espace », analyse-t-il.
L’Hexagone, comme les autres pays européens, compte un peu moins de 5 % d’anti-vaccins. Pourtant, le nombre de sites et de blogs français contestant la vaccination est majoritaire sur le sujet.
« De manière générale, 70 % des sites et blogs présents sur la Toile diffusent des contenus qui s’apparentent à des croyances et remettent en cause des faits scientifiquement démontrés, explique-t-il. Dès qu’une personne effectue des recherches sur la dangerosité potentielle des vaccins sur Internet, elle tombe facilement sur ces sites, dont les sources ne sont souvent ni vérifiées ni datées ».
Tomber sur ces sites est une chose, adhérer à leur contenu en est une autre. Pourquoi parviennent-ils à convaincre autant de monde ?
« Ces théories fonctionnent sur de nombreux individus parce qu’elles favorisent ce que les sociologues appellent la « démagogie cognitive » : elles agissent sur le fonctionnement « ordinaire » du cerveau », qui comporte de nombreux biais : par exemple, notre cerveau surévalue par un facteur 10 ou 15 les plus faibles probabilités, ce qui fait que nous surévaluons le risque par rapport au bénéfice apporté », explique Gérald Bronner. « Autre exemple de biais : nous concevons davantage les conséquences de nos actions plutôt que de nos inactions.
Selon lui, ce biais permet notamment d’expliquer pourquoi des parents anti-vaccin ne se soucient pas suffisamment des conséquences de leur inaction, c’est-à-dire de n’avoir pas fait vacciner leur enfant. Sans oublier que les amateurs d’informations un tant soit peu indécis ont plutôt tendance à rechercher des informations qui confirmeront leurs premières opinions et à éviter la confrontation à d’autres idées.
Sortons du démagogisme et de l’idéologie organisés par le Web »
Alors comment redonner confiance dans la vaccination ?
« Sortons du démagogisme et de l’idéologie organisés par le Web et apprenons à rétablir le centre de gravité de nos opinions scientifiques dans une appréciation raisonnable et raisonnée des risques et des bénéfices des progrès scientifiques et technologiques », résume le sociologue.
Ce qui, selon Serge Montero, passe par davantage d’informations fiables et sourcées provenant des scientifiques et des médecins sur la Toile, afin de ne plus laisser le champ libre aux théories non fondées sur les vaccins.
« Précisons que même si Internet est une source majeure d’informations pour se faire une opinion sur les vaccins, elle arrive après le médecin traitant et l’avis des proches », conclut Marie-Aliette Dommergues, pédiatre et infectiologue du Centre hospitalier de Versailles.
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