Non, Lucy ne s’est pas tuée en tombant d’un arbre


Après que les médias ont annoncé en toute pompe que Lucy l’australopithèque est probablement morte en tombant d’un arbre, alors que d’autres spécialistes ont contesté ces faits. Quoi que je sois très intéressé à un chercheur dont une de ses multiples spécialités est la taphonomie et ses conclusions me semble plausible, mais il faut se rendre à l’évidence qu’on ne saurait probablement jamais la cause de la mort de Lucy
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Non, Lucy ne s’est pas tuée en tombant d’un arbre

 

Le squelette de Lucy, ici exposé à Houston en 2007,continue de fasciner les chercheurs MICHAEL STRAVATO/AP/SIPA

Le squelette de Lucy, ici exposé à Houston en 2007,continue de fasciner les chercheurs MICHAEL STRAVATO/AP/SIPA

Par Rachel Mulot

Sciences et Avenir a demandé à un taphonomiste et archéozoologue français d’examiner à son tour les “fractures” de l’australopithèque. Verdict : elles ont été faites après sa mort…

« Il semble que Lucy ne se soit pas tuée en tombant d’un arbre. »

Christophe Griggo, archéozoologue et taphonomiste au laboratoire Edytem de l’université de Savoie-Mont-Blanc et maître de conférences à l’Université de Grenoble-Alpes a accepté de réexaminer pour Sciences et Avenir les élements du squelette de Lucy, l’Australopithecus afrensis découverte en 1974 dans l’Afar éthiopien.

Dans une étude parue dans Naturel’anthropologue John Kappelman, de l’université du Texas à Austin (États-Unis), estime en effet que cette australopithèque arboricole et bipède s’est tuée en chutant d’un arbre, subissant de multiples fractures au passage.

Christophe Griggo est spécialiste en archéozoologie, la science qui étudie les restes des animaux pour comprendre leurs relations avec l’homme,  mais aussi en  taphonomie osseuse.  La taphonomie est une discipline qui s’intéresse à tous les processus naturels ou anthropiques qui peuvent affecter les ossements au cours de la fossilisation, depuis la mort de l’animal jusqu’à leur découverte.  Son expertise lui permet de déterminer si des brisures sur des ossements ont été provoquées par un accident ante mortem, ou causées post mortem  par des glissements, remaniements ou compactage des terrains où le corps de l’animal a été enseveli. Il a également étudié des dizaine de milliers d’ossements d’animaux préhistoriques tombés dans des avens (gouffres), sur lesquels il a pu repérer, dans de très rares cas, la signature incontestable d’une chute. Rien de tel sur Lucy, apparemment.

Os frais, os sec : des fractures différentes

“La lecture de l’article publié dans Nature et un examen  approfondi des illustrations   — ainsi que d’autres images du squelette de Lucy — , me font penser que Kappelman et ses collègues profitent de la notoriété de Lucy pour faire le buzz, pointe-t-il. L’aspect des différentes fractures ou fissures indique qu’elles résultent très certainement de problèmes taphonomiquespost mortem.” 

Et d’énumérer :

“La tête de l’humérus, le plateau tibial, le sacrum, le pelvis, le tibia distal et le fémur distal présentent des écrasements qui pourraient bien correspondre à des mouvements du sédiment ou à un compactage sédimentaire.”

Un sol peut se compacter sous le poids des sédiments ou glisser le long d’une pente, même très faible ou encore se tasser après évaporation de l’eau.

“Les fractures des os longs, comme l’humérus, sont très souvent perpendiculaires à l’axe longitudinal des os, et surtout l’aspect assez irrégulier des cassures est caractéristique d’une fracturation sur des os secs… donc survenues longtemps après la mort.”

Christophe Griggo s’étonne que John Kappelman ne se soit pas penché sur la morphologie des surfaces de cassure des os longs.

“C’est l’observation indispensable que fait tout archéozoologue pour distinguer des cassures faites sur os frais de celles faites sur os secs, explique-t-il. Lorsqu’un os frais a été brisé, (au cours d’une chute, d’un accident ou pour l’extraction de la moelle), on retrouve des cassures en spirale et présentant des surfaces de cassure lisses. En revanche, des cassures (dues à des mouvements du sol ou à des compactages des sédiments) sur os sec, ayant perdu tout ou partie de son collagène, donnent des cassures perpendiculaires ou parallèles à l’axe de l’os, et des surfaces de cassure irrégulières.”

Piétinée par un troupeau ? Noyée ?

Le chercheur français partage donc les doutes exprimés par Donald Johanson, de l’université d’État de l’Arizona et  Tim White, de l’université de Californie à Berkeley, deux paléontologues américains qui partagent la paternité de la découverte de Lucy, il y a 42 ans, avec le paléoanthropologue français Yves Coppens.

Interrogé par le Guardian, Donald Johanson estime que Lucy aurait tout aussi bien pu être piétinée par un troupeau après sa mort, avant d’être recouverte par les sédiments et progressivement intégrée dans la roche.

“Il y a des myriades d’explications pour de telles fractures, proteste l’archéologue. Le scénario selon lequel elle serait tombée de l’arbre n’en est qu’un parmi d’autres […] impossible à prouver.”

 Tim White, de son côté identifie les “fissures”  du squelette de Lucy comme des “dommages de routine infligés aux fossiles”, comme on en voit par centaines sur le terrain.

“Si les paléontologues devaient appliquer la même logique et conclusion aux nombreux mammifères dont les os fossilisés ont été tordus, malmenés par les forces géologiques, alors nous aurions aussi des gazelles, des hippopotames, des rhinocéros et des éléphants grimpant aux arbres et tombant des branches”, ironise le paléontologue.

Le mystère sur les circonstances de la mort de Lucy, il y a 3,2 millions d’années, est donc loin d’être éclairci. Mais une hypothèse reste valable : si le fossile nous est parvenu aussi complet avec ses 52 os, c’est probablement parce qu’il a été enseveli très vite dans les sédiments qui l’ont protégé de l’altération climatique et des charognards. Dans les années 1980, les chercheurs imaginaient même que Lucy, découverte dans les alluvions d’une ancienne rivière, avait pu mourir… noyée.

http://www.sciencesetavenir.fr/

COMMENT DEVENIR UN VIEUX FOSSILE?


Devenir un témoignage de l’époque que nous vivons dans des millions d’années telles que les animaux préhistoriques, cela vous tente ? Voila, des petites recettes pas très simples et voir un peu compliquées pour devenir des fossiles … Sauf que rien ne garantit le résultat final ni si hommes et les femmes du futur vont faire la découverte et vous exposé dans des musées .. Si les musées existeront encore
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COMMENT DEVENIR UN VIEUX FOSSILE?

 

Un employé vérifie le fossile de dinosaures reconstruits dans le hall du Parc à thème de Chuxiong, dans la province de Yunnan, en Chine, le 15 avril 2008. Reuters/Stringer –

Si vous voulez que des paléontologues retrouvent dans quelques milliers ou millions d’années les os fossilisés de votre corps et leur confèrent un caractère scientifique et même une certaine dose d’immortalité, National Geographic a pensé à vous et vous donne quelques conseils. Sans garantie.

D’abord, les fossiles ne sont pas seulement des os. Un fossile peut être une partie d’un organisme, bien sûr, un élément du squelette d’un animal ou d’une plante transformée en carbone. Mais les fossiles peuvent aussi être la preuve du passage et de l’existence d’un organisme comme des empreintes ou le «Blue Lake rhino», un moulage vieux de 15 millions d’années d’un rhinocéros à deux cornes fait par de la lave refroidie par l’eau d’un lac.

Devenir un fossile est un accident. Pour que l’empreinte de ma chaussure laissée sur un trottoir recouvert de bitume frais passe à la postérité, il faudrait que ce trottoir soit recouvert intact et rapidement par une nouvelle couche de sédiments, plutôt du sable, qui le protège. C’est comme cela avec en plus une bonne dose d’humidité qui a rapidement séchée que des empreintes de dinosaures du Jurassique sont parvenues jusqu’à nous.

Cela semble plus facile de laisser quelques os aux paléontologues du futur. Comment se donner alors les meilleures chances de succès? En utilisant la Taphonomie, la science liée à la paléontologie qui étudie le processus qui intervient de la mort d’un organisme à sa fossilisation.

La taphonomie nous dit deux choses: il est préférable d’être enterré sans cercueil dans une zone naturelle préservée et ensuite d’être recouvert rapidement par des sédiments qui mettront le corps à l’abri des charognards qui pour bon nombre d’entre eux ont la désagréable habitude de broyer et manger les os.

Ensuite, l’endroit où le corps est enterré est crucial. On ne connaît à peu près rien des animaux qui vivaient dans les montagnes ou les autres habitats soumis à une érosion rapide. La grande majorité des fossiles ont été retrouvés dans des roches sédimentaires déposées au fond de lacs, de rivières, de mers et dans des déserts.

Maintenant, et c’est là toute la difficulté, pour devenir fossile, un corps doit être préservé des charognards mais aussi passer par un processus indispensable de recyclage écologique à base de bactéries, champignons, racines et autres insectes. Donc être enterré sous des tonnes de sédiments fins est une première étape, mais elle ne garantit ni le «nettoyage naturel» ni la préservation ensuite des os.

Car tous les sédiments ont leurs avantages et inconvénients. Au fond d’une rivière sablonneuse, les os seront déplacés sans cesse avant de finir par s’enterrer au milieu d’une quantité d’autres matériaux. Dans le désert, les os blanchis peuvent abriter des colonies d’insectes qui se creusent des refuges et des nids dans cette matière organique. Même chose au fond des océans où existent des vers qui se nourrissent des os et vivent à l’intérieur.

L’une des possibilités les plus favorables, qui peut même préserver des cheveux et des tissus, est celle de la cendre volcanique. Elle a permis de préserver des dinosaures avec leurs plumes et des mammifères duMésozoïque avec leur fourrure.

Mais il y a peut-être encore mieux, comme cet Archaeopteryx qui a coulé dans une boue privée d’oxygène au fond d’un ancien lagon il y a plus de 150 millions d’années. L’Europe était alors un archipel et le fond de l’océan si toxique que même les bactéries avaient du mal à survivre.

Voilà, vos os sont sauvés presque pour l’éternité. Mais après, encore faudra-t-il qu’ils soient découverts.

Dans les millions d’années qui viennent, la Terre va beaucoup changer, des océans vont recouvrir des terres, des montagnes vont s’élever, des continents vont se déplacer et émerger. De nombreux fossiles deviendront alors inaccessibles. Et puis l’érosion détruira le reste. C’est pour cela qu’un fossile est toujours… un témoignage miraculeux de la nature.

http://www.slate.fr