Le Saviez-Vous ► Au Moyen Âge, les médecines alternatives concurrençaient déjà la médecine scientifique


Faut croire qu’avec les siècles et la science médicale qui avance, il y a encore des croyances populaires, et des charlatans qui feront croire n’importe quoi au gens crédules qui espèrent guérir d’une maladie. Quoique certains domaine de la médecine alternative qui fonctionne.
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Au Moyen Âge, les médecines alternatives concurrençaient déjà la médecine scientifique


Médecin laissant couler le sang d'un patient. | Peter Isotalo via Wikimedia Commons

Médecin laissant couler le sang d’un patient. | Peter Isotalo via Wikimedia Commons

Estela Bonnaffoux et Nonfiction

Homéopathie, acupuncture, ostéopathie… des «fakemeds» dénoncées comme fausses médecines. Déjà à l’époque médiévale, les médecins étaient confrontés à des pratiques concurrentes.

Homéopathie, acupuncture, ostéopathie… ces médecines dites alternatives, complémentaires ou parallèles, sont depuis plusieurs mois dénoncées par des professionnel·les de santé, qui les qualifient de «FakeMeds», «fausses médecines». Ce débat n’est pas neuf: déjà à l’époque médiévale, les médecins étaient confrontés à des pratiques concurrentes. Comme aujourd’hui, elles avaient leurs partisans et leurs détracteurs.

La médecine: un moyen parmi d’autres

Au Moyen Âge, on ne fait pas nécessairement appel au médecin lorsqu’on tombe malade. Dans les zones rurales, on préfère souvent des soins qu’on pense plus efficaces, plus rapides ou plus économiques. On peut porter sur soi des talismans qui apportent la guérison, ou des amulettes qui protègent des maladies. La prière fait aussi partie des pratiques thérapeutiques: il est rare qu’on s’adresse directement à Dieu, mais on n’hésite pas à implorer différents saints, en fonction du martyre qu’ils ont subi. Parce qu’elle a réussi à s’extirper du ventre du dragon qui l’avait avalée, sainte Marguerite d’Antioche est ainsi associée aux accouchements.

Les malades se tournent aussi vers des guérisseurs et guérisseuses, souvent illettrées, mais qui ont acquis un savoir oral et empirique, fondé sur l’observation et l’expérience. Rebouteux qui redressent les os, bergers qui connaissent les plantes médicinales, femmes expérimentées qui accouchent leurs voisines… Le profil de ces soignant·es est extrêmement varié et leur pratique peu encadrée, malgré les ordonnances royales visant à la contrôler. De quoi agacer le médecin, qui avec l’essor des universités au XIIIe siècle, cherche de plus en plus à se définir comme un scientifique (vir scientificus).

Les médecins les détestent

Les textes expriment donc une certaine méfiance envers les individus qui n’ont pas reçu de formation médicale. Exemple avec les vetulae (littéralement les «petites vieilles») : détentrices de recettes pas si éloignées de nos remèdes de grand-mère, elles ressemblent quand même beaucoup à des sorcières, comme le suggère (pas très) subtilement Sebastian Brant dans sa Nef des fous (1494):

«Nous sommes si abusés que nous croyons le conseil d’une vieille et ses herbes cuites sur les rivages de la Thessalieplutôt que les bons médecins.»

Même constat chez Henri de Mondeville, chirurgien du XIVe siècle: le peuple est tellement crédule qu’il fait confiance au premier venu capable de s’improviser médecin. En effet, les charlatans qui se vantent de pouvoir tout guérir ne manquent pas. Certains sont dangereux: Grégoire de Tours (539-594) rapporte qu’un dénommé Didier étirait les membres de ses patients paralytiques jusqu’à ce que les malheureux soient «guéris ou morts»… D’autres paraissent plus inoffensifs, comme ces imposteurs décrits par le médecin Antonio Guaineri au début du XVesiècle:

«Ils affirment qu’à partir des urines non seulement ils savent si la femme est enceinte, mais encore si elle l’avait déjà été auparavant, combien d’enfants elle a, si elle a eu un autre mari, si son père et sa mère sont encore en vie, et bien d’autres affirmations de ce genre!»

Plus précis que nos tests de grossesse actuels… Plus sérieusement, les charlatans copient ici la marque de fabrique des médecins, l’uroscopie, c’est-à-dire l’observation des urines. C’était bien la peine de suivre tous ces cours à la fac de médecine.

Le savoir populaire, une «fakemed»?

On l’a compris, les médecins ne voient pas toujours d’un très bon œil ceux qui leur font concurrence. Mais ils ne rejettent pas en bloc les remèdes magiques ou populaires. C’est le cas de Gilbert l’Anglais au XIIIe siècle:

«La veille de la Saint Jean-Baptiste, un homme âgé d’au moins 20 ans doit, avant la troisième heure du jour, arracher avec la racine, d’abord la grande consoude, puis la petite consoude, tout en récitant trois fois le Notre Père. […] En silence, il doit tracer, avec leur sève, les mots suivants sur un parchemin: “Le seigneur a dit croissez † uehihoch † et multipliez-vous chabathay † et remplissez la terre amath”.»

Comble de l’efficacité, ce talisman permet même de choisir le sexe de son futur enfant! Vous voulez un garçon? Il suffit que Monsieur le porte pendant les galipettes. Et vice versa si on souhaite une fille.

Alors, méthode miracle? Pas du tout, selon Antonio Guaineri, qui reprend, pour la forme, le remède de Gilbert, «même s’il est complètement inefficace». Il admet malgré tout qu’il est possible qu’il fonctionne, à condition d’y croire (un peu notre effet placebo). Et le médecin italien d’ajouter plus loin que les malades peuvent bien se soigner à coup d’incantations si cela leur chante… mais qu’elles ne sont pas du ressort de l’homme de science. Troublant écho d’une querelle sans cesse réactivée et qui oppose différentes conceptions du soin.

http://www.slate.fr/

Le Saviez-Vous ► Manger le placenta: d’hier à aujourd’hui


Il y a quelque temps, les médias avaient souligné un fait insolite d’un vol de placenta dans un hôpital pour semble-t-il le manger. Cependant, il y a très peu d’adeptes de la placentophagie à notre époque. Dans des temps plus reculés, il y a eu quand même quelques sociétés qui trouvaient des propriétés à utiliser le placenta, mais la majorité préféraient le brûler ou l’enterrer.
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Manger le placenta: d’hier à aujourd’hui

 

    Dans ma dernière revue de presse, je faisais référence à un article du site Scientific American qui abordait une pratique peu répandue : manger le placenta après l’accouchement. On sait en effet que peu de mères occidentales du 21e siècle le consomment après naissance de leur enfant. Qu’en est-il toutefois des mères ailleurs dans le monde ou de celles qui nous ont précédées? La réponse risque malheureusement de décevoir les adeptes de la placentophagie.

    En effet, ce n’est pas d’hier que la placentophagie a mauvaise presse. Déjà dans l’Ancien Testament, on met en garde les Israélites en disant que s’ils ne suivent pas les préceptes de Dieu, ils vivront comme des bêtes, allant jusqu’à pratiquer la placentophagie. Selon les anthropologues, ce passage ferait référence à une ancienne pratique tribale. La famine serait toutefois la principale raison expliquant la placentophagie dans les temps anciens, croient-ils.

    Dans les 300 dernières années, seule une très petite minorité d’humains modernes consomme le placenta humain, révèlent la plupart des études anthropologiques. Dans certaines cultures, on condamne même fortement la placentophagie, ce qui indiquerait qu’elle n’est pratiquée qu’à l’occasion. La majorité des cultures brûle ou enterre le placenta.

    Ainsi, dans une étude réalisée en 1975 sur 296 groupes culturels humains, aucune trace de placentophagie n’a été notée. Dans un autre article passant en revue des rapports ethnologiques concernant 179 sociétés humaines, une seule culture mentionne la placentophagie, mais la pratique rarement.

    Dans quelques cultures, des propriétés magiques ou médicinales peuvent toutefois être associées au placenta. Un fragment du placenta ou du cordon ombilical peut alors être conservé comme un talisman. Voici quelques exemples :

  • Dans la grande Pharmacopée de Li Shih-chen vers 1596, on recommande une mixture de lait humain et de tissus placentaires pour soigner un type d’épuisement caractérisé par de l’anémie, de la faiblesse dans les extrémités et la froideur des organes sexuels associée à l’éjaculation involontaire de sperme. Dans certaines régions de l’Indonésie, le placenta était enterré avec soin et préservé pendant la première année de vie de l’enfant pour l’utiliser en cas de maladie.

  • Dans la campagne polonaise, certains paysans sèchent le placenta et l’utilisent sous forme de poudre comme un médicament.

  • Les Kurtachi des Iles Salomon préservent le placenta dans un pot de chaux qui contient la réserve de chaux en poudre de la mère.

  • En Jamaïque, les membranes placentaires sont utilisées pour prévenir les convulsions chez un enfant irrité par un fantôme.

  • Les Chaga du Tanganyika mettent le placenta dans un réceptacle puis le rangent au grenier. Il est alors moulu en farine pour faire un gruau offert aux femmes âgées de la famille.

  • Dans la tribu des Kol au centre de l’Inde, une femme infertile peut manger du placenta pour retrouver la fertilité, mais cela pourrait porter malheur à la famille à qui appartenait le placenta.

    Pourquoi les humains ne mangent-ils pas le placenta?

    L’absence visible de traditions culturelles associées à la placentophagie dans les rapports ethnographiques soulève des questions sur son absence dans la culture humaine préhistorique, historique et moderne.

    Du point de vue anthropologique, on peut se demander pourquoi les humains ne pratiquent pas la placentophagie. Pourrait-il y avoir des avantages évolutifs à ne pas le faire? Plusieurs hypothèses, dont certaines un peu farfelues, ont été émises par les anthropologues :

    • Puisque le placenta contiendrait des substances analgésiques, le fait que les femmes ne consomment pas le placenta pourrait leur causer une plus grande douleur lors de la naissance et cela les obligerait à aller chercher l’aide des autres membres du groupe auquel elles appartiennent. Ultimement, l’absence de placentophagie pourrait renforcer les liens sociaux au sein du groupe;

    • la consommation de placenta ou de liquide amniotique cru serait nuisible pour l’humain, les différences entre le placenta humain et le placenta des autres espèces augmentant la dangerosité de sa consommation;

    • l’utilisation du feu par les humains a mené à l’évitement de la placentophagie chez notre espèce. Les femmes enceintes qui seraient exposées à la fumée et à la cendre filtreraient en effet ces produits toxiques avec leur placenta. L’accumulation de toxines dans le placenta pourrait donc être problématique si celui-ci est consommé, ce qui aurait mené à l’élimination de ce comportement.

    Quelques chiffres sur la placentophagie aujourd’hui (selon des données de 2013) :

    •    66 % des gens ont entendu parler de la placentophagie.

    •    23,1 % en ont entendu parler dans les médias.

    •    À peine 3% des répondants avaient déjà consommé des tissus placentaires.

    •    Raisons données pour consommer le placenta : 34 % pour améliorer l’humeur, 10 % parce que cela leur a été recommandé par un partisan de la placentophagie, 8 % pour restaurer les hormones, 7 % pour augmenter la lactation et 7 % pour récupérer après l’accouchement.

    Sources:
    Gwendolyn E. Cremers & Kathryn Graff Low.
    Attitudes Toward Placentophagy: A Brief Report. Health Care for Women International, 2013 May 2013.
    Kristal MB.
    Placentophagia: a biobehavioral enigma (or De gustibus non disputandum est). Neurosci Biobehav Rev. 1980 Summer;4(2):141-50.
    Kristal MB, DiPirro JM, Thompson AC.
    Placentophagia in humans and nonhuman mammals: causes and consequences. Ecol Food Nutr. 2012; 51(3):177-97. doi: 10.1080/03670244.2012.661325
    Menges M. [
    Evolutional and biological aspects of placentophagia]. Anthropol Anz. 2007 Mar; 65(1):97-108.)
    Selander J, Cantor A, Young SM, Benyshek DC.
    Human maternal placentophagy: a survey of self-reported motivations and experiences associated with placenta consumption. Ecol Food Nutr. 2013;52(2):93-115.
    Young SM, Benyshek DC, Lienard P.
    The conspicuous absence of placenta consumption in human postpartum females: the fire hypothesis. Ecol Food Nutr. 2012;51(3):198-217. doi: 10.1080/03670244.2012.661349.
    Young SM, Benyshek DC.
    In search of human placentophagy: a cross-cultural survey of human placenta consumption, disposal practices, and cultural beliefs. Ecol Food Nutr. 2010 Nov-Dec;49(6):467-84. doi: 10.1080/03670244.2010.524106.

    Rédigé par Kathleen Couillard

    http://www.mamaneprouvette.com/

    Le Saviez-vous ► L’origine de la formule magique Abracadabra


     

    Abracadabra, un mot qui dans l’esprit des enfants, et peut-être certaines grandes personnes aurait de la magie … Et pourtant … rien n’est magique !
    Bref, ce mot ne date pas des contes des mille et une nuit, il est encore plus vieux, il fait parti en fait du monde de la superstition, de monde occulte ….
    Nuage

     

    L’origine de la formule magique Abracadabra

    La formule sous la forme d’un triangle inversé

    Abracadabra! Un mot anodin, aux consonances enfantines, qu’on entend encore parfois dans la bouche de magiciens en herbe pour époustoufler leur assistance et sortir un lapin de leur chapeau haut-de-forme

    Mais réduire le pouvoir cette formule « magique » à de simples spectacles de magie serait une grave erreur… ABRACADABRA fait partie de ces rares mots qui possèdent une histoire vieille de plusieurs millénaires, alliant superstition, occultisme et démonologie!

    Une des plus vieilles traces de l’utilisation du mot Abracadabra dans la littérature se trouve dans le poème Liber Medicinalis daté du IIe siècle, écrit en latin par un dénommé Serenus Sammonicus (un contemporain de l’empereur Caracalla) et dont voici une proposition de traduction:

    « La fièvre que les Grecs appellent hmitritaion est plus dangereuse. (…) Ecrivez sur un morceau de papier ABRACADABRA, puis répétez ce mot autant de fois qu’il y a de lettres dans le mot, mais en retranchant chaque fois une lettre, de sorte que le tout ait la figure d’un cône. Cela fait, suspendez avec un fil de lin le morceau de papier au cou du malade. »

    Selon Serenus, cette simple formule aurait donc la faculté de soigner une malade atteint d’une fièvre mortelle! Mais d’où sort-il cette croyance? C’est ici que les avis des spécialistes commencent à diverger.

    Selon certains, dont l’abbé Migne dans son Dictionnaire des Sciences occultes (1846) (source: Google Books), Abracadabra est un mot dérivé du démon Abraxas popularisé par la secte des Basilidiens qui le considère comme le Dieu suprême. Quelle est donc cette mystérieuse secte? C’est un mouvement religieux fondé au IIe siècle par Basilide, un disciple de Simon le Magicien, qui pense que chaque homme posséde deux âmes, une bonne et une mauvaise, expliquant ainsi assez brillamment le conflit perpétuel entre les pulsions et la raison.

    Sacrilège suprême pour les Chrétiens, Basilide considère également que Jésus-Christ n’est qu’un simple démon envoyé sur Terre par Abraxas…

    Médaillon à l'effigie d'Abraxas

    Médaillon à l’effigie du démon Abraxas (aussi appelé Abrasax)

    Abraxas aurait donc donné Abracadabra… Mouais, on a de sérieuses raisons d’être sceptique. Certes, les dates coïncident: les Basilidiens et le poème de Serenus Sommonicus appartiennent à la même époque, le IIe siècle après Jésus Christ. Mais étymologiquement, ça ne tient pas vraiment la route, et cela n’explique pas du tout la dernière partie de la formule magique…

    Une deuxième explication est tirée directement d’une phrase en hébreu fondatrice de la chrétienté: Ab (le père), Ben (le fils), Ruach hakodesh (et le Saint-Esprit).

    Non, si vous voulez mon avis, l’explication se trouve plutôt du côté de la formule araméenne qu’aurait prononcé Dieu en personne « Evra kedebra », c’est à dire « je créerais selon mes paroles ».

     

    Talisman Abracadabra

    Talisman Abracadabra utilisé jusqu’au XVIIIe siècle pour chasser la maladie!

    Quoi qu’il en soit, le texte de Serenus Sammonicus fait mouche parmi ses contemporains, en atteste la multitude de talismans ABRADADABRA retrouvés par les archéologues. Et la tradition ne s’arrête pas de sitôt, preuve en est cette phrase tirée du livre The Troublesome Voyage of Captain Edward Fenton écrit par une certaine Eva Rimmington Taylor… au XVIe siècle!

    « Banester sayth he healed 200 in one yer of an ague by hanging abracadabra about their necks », que l’on pourrait traduire par quelque chose du genre « Banester déclara qu’il avait soigné 200 malades de la fièvre en un an en faisant pendre le talisman abracadabra autour du cou des patients ».

    extrait-The-Troublesome-Voyage-of-Capt-Edward-Fenton

    Extrait de The Troublesome Voyage of Capt. Edward Fenton d’Eva Rimmington Taylor

    Et ça ne s’arrête pas là! Deux siècles plus tard, c’est sous la plume de Daniel Defoe, l’auteur génial de Robinson Crusoé, que l’on retrouve une mention de la formule magique dans son Journal de l’Année de la peste (1720). Il y décrit les différentes méthodes utilisées pour se protéger de la maladie durant la grande peste de Londres de 1665… dont fait partie l’usage d’un talisman ABRACADABRA, tout comme dans la Rome antique!

    Mais avec les progrès de la médecine les rites anciens se meurent et depuis le XIXe siècle, plus personne n’a recours à la méthode de Serenus Sammonicus pour chasser la maladie. Ce sont maintenant les magiciens qui s’approprient la puissance de la formule magique… Tout fout l’camp!

    http://www.etaletaculture.fr