L’internet, endroit rêvé pour s’inventer un cancer


C’est une des raisons que je ne partage pas sur les réseaux sociaux surtout sur Facebook des gens qui disent avoir le cancer et souvent accompagnés de divers problèmes. Ils reçoivent des encouragements et des dons. Le problème est que souvent, c’est des gens qui recherchent l’appât du gain ou qu’ils souffrent du syndrome de Munchhausen via Internet. Faut dire qu’il y tellement d’information sur le cancer, qu’il est facile de s’inventer une maladie.
Nuage


L’internet, endroit rêvé pour s’inventer un cancer

Certaines histoires sont trop belles pour être vraies. D'autres, trop tristes... (PHOTOMONTAGE LA PRESSE)


PHOTOMONTAGE LA PRESSE

VIOLAINE BALLIVY
La Presse

Certaines histoires sont trop belles pour être vraies. D’autres, trop tristes pour ne pas avoir été inventées de toutes pièces. Il ne faut pas toujours se fier aux apparences… surtout sur l’internet.

Jennifer Halford n’avait pas 35 ans quand elle a découvert qu’elle souffrait d’une forme particulièrement agressive de cancer du sein. Quelques mois plus tôt, elle avait perdu sa fille cadette de 4 ans, emportée par la maladie. Quelques mois plus tard, elle perdrait sa maison, rasée par les incendies historiques de Fort McMurray. 

Destin tragique auquel il est difficile de rester insensible : sa communauté l’a soutenue, on lui a offert de l’argent, des jouets pour ses autres enfants, des vêtements. Puis un jour, tout s’est arrêté. D’un coup. La sympathie s’est transformée en colère. Jennifer Halford n’a jamais eu le cancer. Les nausées causées par la chimio, la perte de ses cheveux, elle avait tout inventé.

À sa première comparution en cour, Jennifer Halford a plaidé coupable à six chefs d’accusation. Le juge s’est montré clément : il a opté pour 2 ans de sursis et 100 heures de travaux communautaires

« Elle n’a pas agi pour l’appât du gain, mais pour compenser un manque d’attention, de soins psychologiques et physiques, de soutien émotionnel », avait plaidé son avocat.

En d’autres termes : elle ne souffrait pas d’un cancer, mais probablement du syndrome de « Munchhausen par internet ».

L’expression revient au professeur Marc Feldman, qui a été l’un des premiers à étudier comment le syndrome de Munchausen – un désordre psychologique en vertu duquel le patient simule une maladie ou un traumatisme, aussi appelé « trouble factice » – se transpose dans l’internet. Et surtout, s’y développe à la vitesse grand V. 

« On voit beaucoup plus de cas depuis le développement de l’internet », remarque Marc Feldman.

Chercher et trouver de l’information médicale (plus ou moins crédible) sur le web est un jeu d’enfant, tant les sites à prétention scientifique sont nombreux.

« Avant, les gens devaient passer des heures dans les bibliothèques pour s’informer des signes et symptômes des maladies, parler à des médecins, etc., pour berner quelques personnes de leur entourage. Maintenant, avec les forums et les réseaux sociaux, ils peuvent toucher rapidement 10 000 personnes avec leur histoire », explique l’expert, auteur du livre Dying to Be Ill (« Mourir d’envie d’être malade »).

Le cancer est la maladie la plus souvent retenue parce qu’elle est assez commune, bien documentée, s’étire souvent sur plusieurs années et attire immédiatement la sympathie – qui imaginerait qu’une personne a menti sur son diagnostic ?

« Des gens vont raser leurs cheveux et leurs sourcils pour imiter les effets de la chimio, suivre des régimes draconiens et perdre beaucoup de poids. Ils réussissent à berner leur famille, parfois même leur conjoint », dit Marc Feldman, aussi psychiatre.

Et même leur médecin, quand le malade va jusqu’à s’infliger des blessures ou s’administrer des substances toxiques.

L’appât du gain

Les malades recherchent essentiellement de l’attention, de la compassion. Un besoin essentiel de l’être humain, rappelle Samuel Vassière, professeur de psychiatrie à l’Université McGill, spécialiste des troubles factices.

« L’évolution a sélectionné deux traits indispensables à la survie de l’espèce : savoir être attentif au besoin des autres et bien s’occuper d’eux, et savoir solliciter l’attention et les soins des autres. » La maladie inventée comble ce dernier besoin. 

« En faisant semblant d’être vulnérable, on reçoit de l’attention, des soins, de l’amour. La ligne entre la tromperie et l’autotromperie est floue. » – Samuel Vassière, professeur de psychiatrie à l’Université McGill

Pour certains, la maladie permet de donner un « sens à sa vie », dit Samuel Vassière. « En s’autodiagnostiquant sur l’internet, les malades – imaginaires ou non – retrouvent un cadre prévisible d’expériences, une communauté de souffrants qui valident leurs sentiments et les rassurent, poursuit le professeur. Ils trouvent ainsi une identité. »

Ceci explique cela : la plupart des malades inventent ainsi leur maladie sans jamais solliciter de dons du public, satisfaits de l’attention des autres (ils en recevront souvent malgré tout, de témoins touchés par leur drame). Mais d’autres le font dans ce seul but. Marc Feldman explique que ces gens font plutôt preuve d’un comportement malicieux, répréhensible. Les juges sont alors généralement plus sévères, remarque-t-il.

La blogueuse australienne Belle Gibson a ainsi été condamnée, en 2018, à une amende de 450 000 $ CAN pour avoir faussement prétendu avoir guéri son cancer du cerveau grâce à un régime particulier expliqué dans un livre de recettes et une application de son cru.

Les sites tels GoFundMe ont été accusés de faciliter ce genre d’escroquerie en permettant trop facilement à tout un chacun de quémander des dons. Une Américaine a lancé le site GoFraudMe (« Allez, fraudez-moi », plutôt que « Allez, financez-moi »), frustrée d’avoir été flouée par une sollicitation frauduleuse, accusant GoFundMe de ne pas vérifier le dossier médical des solliciteurs. GoFundMe réplique qu’elle interdit à ses participants de mentir ou de tromper les internautes.

« Dans les rares cas où les autorités ou un usager découvriront qu’une campagne est utilisée à mauvais escient, les donateurs seront remboursés. » – Caitlin Stanley, porte-parole de GoFundMe

À la Société canadienne du cancer, on recommande néanmoins de faire des recherches avant de sortir son portefeuille

« Généralement, les sollicitations sont faites de bonne foi et les fraudes sont assez rares quand la collectivité est derrière, que des gens connaissent le malade, le voient, note André Beaulieu, porte-parole de l’organisme. Mais il faut faire attention. Des fois, même la famille est leurrée. »

La Société n’a toutefois pas remarqué d’impact sur les dons reçus après la condamnation de faux malades.

Marc Feldman se décrit comme un « optimiste » en affirmant que le syndrome de Munchausen peut être guéri, « à condition que la personne accepte de reconnaître qu’elle a menti, ce qui n’est vraiment pas facile, puis de suivre une thérapie ». « C’est un gros défi pour les médecins », opine Samuel Vassière.

D’abord pour reconnaître la maladie, puis pour la traiter. Ironiquement, le trouble réel dont souffrent les personnes atteintes du syndrome de Munchausen serait donc encore plus difficile à soigner que la maladie qu’elles avaient inventée.

Trois cas de cancers inventés

Dan Mallory

L’auteur du roman à succès La femme à la fenêtre (The Woman in the Window, publié sous pseudonyme), Dan Mallory, a admis, en février dernier, qu’il n’avait jamais souffert d’un cancer du cerveau, comme il l’avait pourtant affirmé. Dan Mallory avait également faussement prétendu que l’un de ses frères et sa mère avaient succombé à un cancer, alors que sa mère est en rémission depuis plusieurs années et que son frère n’en a jamais été atteint. L’auteur a reconnu ses mensonges après une enquête du New Yorker. Il a alors attribué ses dérives au trouble bipolaire dont il souffre (réellement).

Candace Ann Streng

Cette Américaine a été condamnée à 28 mois de prison pour avoir faussement prétendu souffrir d’un cancer du sein avancé et recueilli quelque 40 000 $ CAN en dons pour financer le recours à des traitements expérimentaux. Selon Marc Feldman, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à souffrir de troubles factices.

Belle Gibson

La blogueuse australienne Belle Gibson s’est enrichie en commercialisant une application et un livre de recettes qui auraient guéri le cancer du cerveau… dont elle n’a jamais souffert. Elle a été reconnue coupable de fraude en 2017 et condamnée à rembourser l’équivalent de 450 000 $ CAN perçus illégalement. Ce qu’elle n’a toujours pas fait : lors d’une comparution en cour en juin dernier, elle a déclaré ne pas avoir les moyens de rembourser cette somme. Selon des documents déposés par les procureurs, elle aurait pourtant dépensé près de 120 000 $ CAN lors de divers voyages depuis deux ans, a rapporté The Guardian.

https://www.lapresse.ca/

Internet a-t-il créé de nouvelles maladies mentales?


Internet est-il responsables de nouvelles maladies mentales ? Les psychiatres ne sont pas tous d’accord. Ceux qui sont contre croit plutôt qu’Internet est un nouveau moyen pour les maladies mentales connues. On donne l’exemple une femme qui souffrait su syndrome Münchhausen par procuration envers son enfant qu’elle l’a rendu malade tout en tenant un journal de la vie de son fils qui a 5 ans est mort par sa faute. On parle aussi des jeux en ligne ceux qui en souffre utilise internet pour l’accessibilité plus facilement. Alors qu’un nouveau trouble comme ceux qui disait espionné par la CIA est dû à l’invention des puces informatiques implantées. Quoi qu’il en soit ces maladies nouvelles ou pas, doivent être être plus étudiées
Nuage

 

Internet a-t-il créé de nouvelles maladies mentales?

 

Amanda Hess  traduit par Catherine Rüttimann

Les psychiatres américains sont divisés sur la question.

Garnett Spears a passé une grande partie de sa courte vie dans les hôpitaux. Lacey, sa mère, l’a trimballé de ville en ville et de docteur en docteur à mesure que la mystérieuse maladie dont il était atteint s’aggravait. L’année dernière, il est mort à l’âge de 5 ans. Au début du mois, Lacey a été condamnée pour meurtre au second degré pour sa mort. Les procureurs ont établi qu’elle avait empoisonné son fils avec de hautes doses de sodium inoculées par le biais d’un tube intestinal, l’emmenant ensuite à l’hôpital pour s’attirer la sympathie des médecins et des amis.

«Münchhausen par procuration par Internet»

En 1951, un médecin britannique du nom de Richard Alan John Asher a inventé le terme de «syndrome de Münchhausen» pour évoquer les patients qui feignent une maladie ou qui se rendent eux-mêmes malades sans raison apparente (à distinguer de la «sinistrose», où une personne feint une maladie ou l’induit chez autrui dans un but tangible, comme celui de convaincre un médecin de leur prescrire un certain médicament ou de s’attirer un verdict favorable dans un procès). En 1977, des chercheurs avaient identifié une nouvelle permutation du syndrome –«Münchhausen par procuration»– le fait pour un sujet de feindre une maladie chez quelqu’un d’autre; l’un des premiers cas enregistrés impliquaient une mère qui, comme Lacey Spears, avait empoisonné son bébé avec du sodium. Mais Lacey Spears n’a pas juste empoisonné Garnett; elle a aussi tweeté et bloggé à ce propos Garnett’s Journey»), documentant le tout avec des photos postées sur MySpace.

Certains estiment que Lacey Spears manifestait une forme encore plus nouvelle du syndrome de Münchhausen que ce qui avait été identifié jusqu’ici: «Münchhausen par procuration par Internet».

Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) –le guide publié par l’Association américaine des psychiatres (AMA)– reconnaît les syndromes qui s’apparentent à Münchhausen sous le nom de «trouble factice imposé à soi-même» et de «trouble factice imposé à autrui», mais il ne comporte aucune mention spécifique pour les cas qui nécessitent le concours d’Internet. A vrai dire, parmi les centaines de troubles définis par le DSM, aucun ne fait référence à des troubles spécifiquement liés à Internet; l’AMA ne reconnaît ni «dépendance à Internet», ni «trouble lié aux jeux d’argent en ligne», ni «trouble lié aux jeux en ligne». 

Le psychiatre Marc Feldman, l’un des principaux spécialistes du syndrome de Münchhausen, a inventé le terme de «Münchhausen par Internet» en 2000 en référence aux cas qui impliquent l’utilisation d’Internet. Depuis lors, le terme a été popularisé par les utilisateurs de Wikipédia et par les journalistes, donnant lieu à des développements en long et en large dans Village Voice , The Stranger, Gawker et Wired.

Mais dans la communauté des psychiatres, l’idée de mettre à jour la littérature en utilisant des diagnostics spécifiques à Internet est controversée. Alors que certains médecins estiment que les classements psychiatriques doivent rester en phase avec les nouvelles technologies afin de diagnostiquer les patients modernes de façon adéquate, d’autres font valoir l’argument selon lequel l’«inflation diagnostique» risque de stigmatiser de nouveaux comportements humains –comme le fait de passer beaucoup de temps en ligne– plutôt que de se concentrer sur la racine psychiatrique du problème.

En d’autres termes, le conflit existe entre ceux qui pensent qu’Internet a le pouvoir d’inspirer de nouveaux comportements problématiques affectant le cerveau humain et ceux qui estiment qu’il s’agit simplement d’un nouveau véhicule pour exprimer des maladies mentales connues.

«Internet influence tout dans la société et ça a changé tellement vite que le domaine de la médecine, y compris celui de la psychiatrie, peine à rattraper son retard», dit Jeffrey Lieberman, qui dirige le département de psychiatrie au Centre médical de l’Université de Colombia et qui a été président de l’AMA. Mais en même temps, «nous ne voulons pas donner à chaque nouvelle mode ou à chaque changement culturel le nom de maladie, car pathologiser la grande diversité du comportement humain normal recèle peu de valeur».

La psychiatrie et les nouveaux usages

En 1840, le recensement américain reconnaissait seulement deux catégories de maladies mentales: les «fous» et les «idiots». A mesure que la science médicale a progressé, les médecins ont été en mesure de faire la distinction entre les maladies avec plus de précision. Et alors que les facteurs environnementaux changeaient, de nouvelles complications ont émergé: certains troubles approuvés par le DSM, tels que «l’utilisation maladive de tabac» et «le manque dû à la caféine», n’existaient pas avant que les humains ne se mettent à fumer des cigarettes et à boire du café.

Dans le DSM-5 de 2013, l’AMA a écrit que le «trouble lié aux jeux en ligne» était une condition qui méritait plus de recherche, mais n’a pas accepté de l’inclure en tant que diagnostique officiel (les symptômes proposés incluent une «préoccupation pour les jeux en ligne», des expériences d’«irritabilité, d’anxiété ou de tristesse» quand les jeux en ligne sont confisqués et la mise en danger «d’une relation significative, d’un emploi, d’une opportunité éducative ou de carrière à cause de la participation à des jeux en ligne»).

L’AMA a signalé sa volonté d’incorporer des symptômes liés à Internet dans sa description de maladies existantes. L’article concernant le «trouble d’anxiété vis-à-vis de la maladie» dans le DSM actuel, par exemple, note que les gens qui en souffrent font quelquefois «des recherches excessives sur le trouble soupçonné (par le biais d’Internet par exemple)». Et l’article qui parle du trouble du déficit d’attention encourage les praticiens à relever comment un patient réagit à une «stimulation externe constante», notamment à du contenu absorbé «via des écrans électroniques».

Lorsqu’une nouvelle permutation du comportement humain fait son apparition –comme le fait de fixer un écran électronique pendant des heures et des heures, ou de faire des recherches en ligne sur une maladie de façon obsessionnelle– cela ouvre la voie à un débat scientifique: s’agit-il d’une activité parfaitement normale, d’un symptôme d’une quelconque maladie existante, ou d’un signe de trouble nouveau qui mérite sa propre classification? La question de savoir si l’on peut ou non être «accro» à Internet, par exemple, est une bataille qui a été menée par publications psychiatriques interposées depuis des années.

La difficulté à analyser la distinction vient en partie du fait que la plupart des troubles mentaux sont diagnostiqués exclusivement sur la base des symptômes du patient plutôt qu’à partir de tests réalisés en laboratoire ou d’imagerie cérébrale

. Comme le dit Jeffrey Lieberman, «nous n’avons jamais été en mesure de dépasser les symptômes pour établir un diagnostic de maladie mentale».

Puisqu’il n’est pas possible de simplement faire faire un test sanguin à un patient pour déterminer de quel trouble psychiatrique il souffre, les médecins sont obligés d’analyser les symptômes afin de déterminer quel est le cadre psychiatrique le plus adéquat.

Le trouble lié aux jeux en ligne est-il si différent du trouble lié aux jeux?

Et à l’heure actuelle, les comportements problématiques liés à Internet sont tellement nouveaux que le consensus scientifique est ténu quand il s’agit de déterminer à quels troubles sous-jacents établis ils appartiennent, ou de dire si ces patients auraient intérêt à recevoir des traitements nouveaux et différents.

Dans certains cas, il est assez évident qu’un symptôme lié à Internet constitue simplement une nouvelle expression d’un trouble existant:

«Les gens ont des troubles psychotiques depuis des centaines, sinon des milliers d’années, mais certaines formes communes de délires paranoïaques –tels que “la CIA me traque” ou “les gens écoutent mes pensées par le biais d’une puce informatique implantée dans mon cerveau”– n’auraient pas existé il y a quelques centaines d’années, parce que nous n’avions pas de puces informatiques et qu’il n’y avait pas de CIA», dit Jeffrey Lieberman.

Mais dans d’autres cas, les nouveaux symptômes suggèrent un changement possible de la façon dont le trouble touche effectivement le cerveau.

Dans le cadre d’un examen précoce de l’idée de dépendance à Internet, publié dans le Social Science Computer Review en 2005, Janet Morahan-Martin, psychologue auprès de l’Université de Bryant, notait par exemple que l’obsession pour les jeux d’argent en ligne «est une variante nouvelle d’un comportement ancien, mais le schéma du trouble lié aux jeux d’argent en ligne peut être différent en ligne et hors ligne». Dans de nombreux cas par exemple, «le schéma pathologique des jeux d’argent peut être accéléré en ligne parce que les jeux d’argent en ligne sont toujours accessibles et fournissent un feedback instantané».

Dans le cas de Münchhausen et de Müunchhausen par procuration, Marc Feldman argumente que la manifestation en ligne de la maladie est tellement distincte de la version traditionnelle qu’elle nécessite sa propre classification:

«On avait tendance à penser que la seule finalité de ce comportement était d’induire les professionnels médicaux en erreur, de s’attirer la sympathie et l’intérêt des infirmières, des assistants sociaux et des médecins.»

Les fraudeurs les plus investis, qui ont été affublés du titre de «hospital hobos» (littéralement clochards d’hôpital, NDT) dans les années 1990, allaient jusqu’à subir ou à faire subir à autrui des procédures qui n’étaient pas nécessaires, puis à passer au médecin ou à l’hôpital suivant pour entretenir la supercherie.

Mais désormais «Internet a étendu la base des gens qui se lancent dans ce type de comportement», dit Marc Feldman.

Ce que le web facilite

Quelqu’un peut feindre une maladie de façon convaincante en fouillant sur Wikipédia ou sur WebMD (site web américain destiné au grand public qui contient des informations sur la santé et sur les soins de santé, un équivalent de Doctissimo, NDT), ou en téléchargeant de faux dossiers médicaux ou de fausses radiographies et en les présentant à un médecin.

Une malade moderne n’a même pas forcément besoin de passer par un médecin ou d’altérer son apparence physique pour mettre en œuvre le stratagème. Elle peut simplement démarrer un blog ou rejoindre un groupe de soutien en ligne, et la voilà avec un «cancer des ovaires à un stade avancé» ou un «enfant très malade». J’ai demandé à Marc Feldman ce que les «vagabonds d’hôpital» penseraient de ce nouveau type de personnes qui font semblant sur Internet et il m’a dit:

«J’imagine qu’ils auraient du mépris pour leur amateurisme.»

En 2012, une équipe de professeurs de l’Université de Bournemouth a publié un rapport sur les études existantes au sujet du syndrome de Münchhausen par Internet dans le Journal of Medical Internet Research. Leur recommandation était que Münchhausen par Internet soit formellement reconnu par le DSM comme un trouble discret. Marc Feldman m’a dit que les professionnels de la santé mentale devaient être attentifs à la façon dont les syndromes tels que celui de Münchhausen se manifestaient en ligne, afin de pouvoir diagnostiquer les patients de manière efficace et de leur venir en aide.

Donner une codification officielle à l’expression en ligne du trouble pourrait alerter les médecins quant au fait que leurs patients propagent peut-être de fausses informations médicales en ligne ou qu’ils font appel à leurs réseaux sociaux pour faire du mal à d’autres gens. Cela pourrait aussi leur permettre de considérer certains comportements comme des signes potentiels de maladie. Lacey Spears, par exemple, est passée de médecin en médecin pour essayer de brouiller les pistes, mais elle tweetait tout au long du processus.

Cela ne veut pas dire que le système de santé mentale doit forcément reconnaître deux versions distinctes, l’une en ligne et l’autre analogique, pour chaque trouble connu par la science, mais il doit au moins inclure de plus vastes références à Internet dans la description des symptômes.

«En faculté de médecine on apprend tous à être attentifs à l’état “biopsychocial”, dit Marc Feldman. Cela devrait inclure l’utilisation d’Internet.»

http://www.slate.fr

Les malades imaginaires d’Internet


Avec Internet, les réseaux sociaux, il est facile de raconter tellement de mensonges pour attirer l’attention sur nous. Des gens prétendent être malades et n’ont aucune preuve tangible de leur état, mais réussissent tout de même à recevoir compassion, et même des compensations monétaires.
Nuage

 

Les malades imaginaires d’Internet

 

(Agence Science-Presse) En avril dernier, la blogueuse, auteure et vedette montante des médias australiens, Belle Gibson, a admis qu’elle avait inventé son cancer de toutes pièces. Étonnamment, il s’avère que les cas de malades imaginaires sur Internet sont plus nombreux qu’on ne le pense.

Les médecins appellent cela depuis les années 1950 le syndrome de Münchhausen : c’est-à-dire le besoin de simuler une maladie pour attirer la compassion.

Une étude parue en 2011 dans Clinical Neuroscience suggérait que 9 % des patients recevant un traitement chirurgical ou médical complexe souffriraient de ce syndrome à un degré ou à un autre. Et le Dr Mark Feldman, de l’Université de l’Alabama, a inventé le concept de « Münchhausen par Internet », signe que le réseau permet d’amener la tromperie à un niveau inédit : les preuves sont plus faciles à falsifier et les termes médicaux sont à la portée de tous.

Feldman est l’un de ceux qui avaient commenté le cas de Belle Gibson en avril : interrogé par The Guardian, il la voyait comme

« particulièrement prédatrice dans ses comportements », avec cette capacité à élargir la tromperie au fil du temps. « Elle est plus sociopathe que la plupart des patients. »

http://www.sciencepresse.qc.ca/

Münchhausen par procuration : un syndrome rare


Heureusement que le syndrome de Münchhausen par procuration est rare, car en plus d’être atteint de ce trouble du comportement, il entraîne des victimes pour avoir l’attention du corps médical du parent atteint.
Nuage

 

Münchhausen par procuration : un syndrome rare

 

Les personnes atteintes d’un syndrome de Münchhausen par procuration tentent d’obtenir du corps médical qu’il diagnostique telle ou telle maladie à leur progéniture. Ils n’hésitent pas pour arriver à leur fin à simuler ou provoquer chez l’enfant les symptômes évocateurs, quitte à mettre parfois sa santé en danger. Une maltraitance psychologique complexe.

Le syndrome de Münchhausen par procuration est une maltraitance

Le syndrome de Münchhausen par procuration est un syndrome rare dans lequel un parent – souvent la mère – cherche à faire passer son enfant pour malade afin d’obtenir d’un médecin qu’il pose tel ou tel diagnostic. Le but n’est pas de faire souffrir l’enfant mais plutôt d’obtenir l’attention du corps médical en tant que maman. Pour les enfants des victimes, c’est néanmoins clairement une maltraitance.

Les personnes atteintes de ce syndrome n’hésite en effet pas à inventer des symptômes voire à les provoquer, quitte à mettre la santé de leur enfant en danger. Le parent peut prétendre que l’enfant a de la fièvre, provoquer chez lui des vomissements en lui faisant ingérer des vomitifs ou des saignements en lui administrant des anticoagulantsC’est donc une forme de maltraitance qui prend l’apparence de soins à l’enfant.

Une maltraitance qui vient souvent de la mère

Le syndrome de Münchhausen par procuration touche dans la très grande majorité des cas les mères. Il s’agit souvent de femmes qui ont été ou sont encore en contact avec le milieu médical et sont par exemple aide-soignante ou infirmière. Elles sont très souvent extrêmement bien informées sur la maladie dont souffre prétendument leur enfant. Elles n’hésitent d’ailleurs pas dans certains cas à suggérer au médecin de pratiquer tel ou tel examen – quitte à ce qu’il soit invasif – pour établir le diagnostic.

Le syndrome de Münchhausen par procuration et ses conséquences

Le syndrome de Münchhausen par procuration peut mettre la santé de l’enfant en danger lorsque le parent utilise des méthodes dangereuses pour provoquer l’apparition de symptômes plus ou moins importants.

Il peut également nuire à son bien-être et à son développement. Il arrive par exemple qu’une mère atteinte de ce syndrome pousse son enfant à se renfermer pour essayer d’obtenir un diagnostic d’autisme, au point que l’enfant finit par développer des signes qui miment réellement ce trouble.

Ce syndrome peut également générer des conflits importants entre les parents ou avec le corps médical lorsque celui-ci refuse de poser le diagnostic que la personne atteinte du syndrome veut obtenir.

La gravité du syndrome de Münchhausen par procuration est variable

Le syndrome de Münchhausen par procuration défraie la chronique de temps à autre lors d’affaires particulièrement sordides. Dernier exemple en date, une infirmière de Turin est actuellement poursuivie pour tentative de meurtre sur son fils de 4 ans après lui avoir injecté de l’insuline à plusieurs reprises. Des faits de maltraitance de cette gravité restent toutefois plus rares.

La forme la plus fréquente du syndrome de Münchhausen consiste plutôt à rechercher pour l’enfant un diagnostic psychiatrique. Comme ce type de diagnostic est essentiellement basé sur l’interrogatoire des parents, le parent atteint du syndrome peut plus facilement donner de fausses réponses de manière à guider le médecin.

Comment prendre en charge le syndrome de Münchhausen par procuration ?

Il n’existe pas de traitement médicamenteux contre le syndrome de Münchhausen par procuration. Une psychothérapie est toutefois recommandée. Dans les faits, il n’est toutefois pas évident de mettre en place une telle prise en charge. Les personnes atteintes de ce syndrome nient souvent les faits et il arrive qu’elles préfèrent fuir lorsqu’elles se sentent acculées.

Le syndrome de Münchhausen est une forme de maltraitance infantile. Il est donc nécessaire de signaler tout cas à la protection de l’enfance afin de protéger l’enfant et de l’écarter du parent maltraitant.

par Thomas Coucq, journaliste santé
Sources : Merci au Pr Michel Botbol, Psychiatre au CHRU de Brest, à l’Association Française de Psychiatrie et au Dr Ivan Godfroid, Psychiatre de Liaison au CHU de Charleroi.

http://www.e-sante.fr/

Des enfants soignés à tort


J’avais été étonné ce qu’une mère puisse faire subir à un enfant pour attirer l’attention comme le cas d’une maman qui avait empoisonné au sel son fils, On parle du syndrome de Münchhausen par procuration, mais j’avoue être tout étonnée, choquée par tout ce qu’une personne peut faire pour rendre un enfant malade lui causant de grands tords voir même la mort. Même, si cela est rare, des cas sont décrits et cela fait des victimes de trop
Nuage

 

Des enfants soignés à tort

 

D'après la police, l'Américaine Lacey Spears aurait empoisonné... (PHOTO RICK FLORES, ASSOCIATED PRESS)

D’après la police, l’Américaine Lacey Spears aurait empoisonné son fils en lui injectant d’énormes quantités de sel dans l’estomac par un tube gastrique, installé quatre ans plus tôt.

PHOTO RICK FLORES, ASSOCIATED PRESS

Marie-Claude Malboeuf
La Presse

Ce sont des enfants en santé, au corps pourtant zébré de cicatrices. Ils ont été opérés plusieurs fois, ont été piqués, affamés, suffoqués ou gavés de médicaments inutiles. Leurs bourreaux? Leurs parents, qui ont inventé – ou carrément causé – leur maladie. Chaque année, cette étrange forme de maltraitance fait son lot de victimes au Québec, parmi lesquelles un bébé qui «a vécu l’enfer», l’an dernier, à l’hôpital Sainte-Justine. L’histoire de cet enfant ressemble de façon troublante à celle d’un petit Américain, dont la mort fait présentement les manchettes au sud de la frontière.

Lacey Spears a inondé ses comptes Facebook, MySpace et Twitter de photos de son fils malade.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Un bébé de 1 an a vécu «un mois d’enfer pur et simple» à l’hôpital Sainte-Justine, parce que sa mère a fait croire aux médecins qu’il souffrait de reflux gastrique, en le pinçant pour le faire pleurer et en le faisant vomir. Elle aurait de plus arraché ou saboté en douce les tubes d’alimentation et les solutés du nourrisson.

La femme des Cantons-de-l’Est a pressé «maintes fois» les médecins de percer l’estomac de son garçon afin de l’alimenter par un tuyau, écrit le tribunal de la jeunesse, qui a placé l’enfant en famille d’accueil l’an dernier.

Les médecins ont refusé d’aller aussi loin. Mais avant de démasquer la fabulatrice, ils avaient déjà infligé à son petit une série de traitements aussi inutiles que douloureux, soit:

  • dix jeûnes, quatre repas barytés, une vidange gastrique et des gavages;
  • l’installation de huit tubes et de huit intraveineuses;
  • deux anesthésies générales et deux sédations;
  • deux dilatations dangereuses d’une zone fraîchement opérée;
  • neuf prises de sang et des irradiations.

Pour atténuer la douleur, le bébé a dû ingurgiter de la morphine et des opioïdes.

Tous les ans

Aussi étrange soit-elle, cette forme de maltraitance fait régulièrement des ravages au Québec. Entre 2002 et 2013, au moins 23 enfants en danger ont dû être placés en famille d’accueil par le tribunal de la jeunesse. Une fois sur deux, leur mère ne s’était pas contentée d’inventer leurs symptômes, elle les avait provoqués ou avait truqué des examens.

«Leurs histoires sont impossibles à oublier, affirme le pédiatre retraité Jean Labbé. Les parents qui frappent leurs enfants ont généralement perdu la maîtrise d’eux-mêmes. Là, tout est réfléchi, planifié. Ils arrivent même à utiliser les médecins comme outils.»

L’expert en protection de l’enfance a pu sauver quatre petites victimes au cours de sa carrière au Centre hospitalier de l’Université Laval, à Québec. Une mère avait annoncé à son fils qu’il allait subir une greffe des poumons ou mourir, et lui imposait d’interminables traitements. Une autre se précipitait aux urgences après avoir empoisonné sa fille avec des antidouleurs – qui augmentaient son rythme cardiaque et la rendaient rouge, tremblante et en sueur.

«C’est la forme de maltraitance la plus rare, précise le Dr Labbé, mais c’est potentiellement l’une des plus dommageables puisque 6% à 9% des victimes en meurent.

«Les pédiatres sont formés pour se fier aux parents, puisque 99,9% d’entre eux ne sont pas des imposteurs», souligne le Dr Labbé.

Difficile à prouver

À Montréal, l’hôpital Sainte-Justine a refusé notre demande d’entrevue en disant que ces cas étaient très marginaux. Mais l’Hôpital de Montréal pour enfants est bien au fait du phénomène.

«Tous les ans, quelques parents éveillent nos soupçons parce qu’ils réclament des procédures innombrables et intrusives ou un diagnostic de maladie grave», affirme la pédopsychiatre Lila Amirali.

«Mais c’est très long et très difficile de prouver ce qui se passe, parce qu’en apparence, ils sont dévoués et exemplaires. On y est parvenus seulement deux fois.»

Pour compliquer les choses, près du tiers des parents imposteurs travaillent dans le domaine de la santé. Et les autres utilisent l’internet pour fabriquer leurs histoires. L’une des mères démasquées par le Dr Labbé était analyste médicale et avait fréquenté une faculté de médecine en douce, sans y être inscrite. Accro aux hôpitaux, elle s’était elle-même fait amputer de deux organes sains (un rein et l’appendice), avant de s’en prendre à ses enfants, dont l’un est mort dans des circonstances douteuses. Elle avait visité 19 hôpitaux pour brouiller les pistes.

Soif d’attention

Pourquoi? Fraudeurs, certains parents veulent toucher des prestations, des dons ou obtenir des médicaments.

D’autres, presque toujours des mères, souffrent plutôt d’un trouble mental. Elles jouissent de leur domination sur les médecins, ou cherchent à être admirées pour leur dévouement ou à éveiller la compassion.

«En se servant de leur enfant, elles tentent d’obtenir par ricochet l’attention dont elles ont été privées toute leur enfance», résume le Dr Labbé.

Avant d’être officiellement reconnu en 2013 (dans la 5e édition du manuel de diagnostic psychiatrique DSM), leur trouble a porté plusieurs noms. On parle désormais de «trouble factice imposé à autrui». Mais pendant plus de 25 ans, on a parlé d’un «syndrome de Münchhausen par procuration». «Münchhausen», en référence au célèbre baron du même nom, dont les fabulations guerrières ont été immortalisées dans un livre. «Par procuration», parce qu’ils utilisent le corps d’autrui au lieu du leur.

«Les mères qui présentent [ce trouble] sont capables de mentir de façon tellement convaincante qu’on en arrive à douter de notre propre raison», indique un rapport d’expertise déposé en cour.

Caméras cachées

Les parents atteints nient tout et ne sont même pas conscients de leurs motivations, précise la Dre Lila Amirali. Ils ne sont pas psychotiques, mais la très grande majorité souffre d’un trouble de la personnalité (limite, narcissique, antisocial ou paranoïaque).

«Seuls avec l’enfant qui pleure, ils ne réagissent pas ou se montrent cruels, mais dès que quelqu’un entre, ils se transforment en mères ou en pères exemplaires», ajoute le Dr Labbé, qui a vu des vidéos qui le prouvent.

Grâce à des caméras cachées dans des hôpitaux d’Atlanta, de Londres et de North Staffordshire, des dizaines de fabulateurs ont été pris sur le fait des deux côtés de l’Atlantique. On les voit suffoquer leur enfant pour qu’il convulse, l’empoisonner au désinfectant ou injecter leur urine dans l’intraveineuse. Une autre femme a déjà donné des coups de marteau à son petit, pour simuler un trouble hématologique.

Plusieurs de ces bébés se sont retrouvés avec des séquelles neurologiques. Une douzaine d’autres (frères et soeurs des enfants filmés) étaient déjà morts, sans doute assassinés.

Filmer les parents à leur insu pourrait sauver des vies et éviter des «souffrances incommensurables» ont donc conclu les chercheurs anglais et américains, qui ont publié leurs comptes rendus en 1997 et 2005 dans le journal Pediatrics.

Au Québec, le droit à la vie privée est toutefois protégé. «Pour filmer les parents, il faut leur autorisation, explique la Dre Amirali. Mais lorsqu’on a des soupçons, on fait tout pour les encadrer. On nomme un coordonnateur de dossier et une travailleuse sociale.»

Fausses accusations

Malgré les preuves recueillies, l’existence même d’un «syndrome de Münchhausen par procuration» est régulièrement contestée.

Aux États-Unis et en Angleterre, des centaines de mères ont été accusées d’en souffrir par des médecins et les services sociaux. Certaines ont été blanchies, mais seulement après avoir été emprisonnées ou avoir perdu la garde de leur enfant vraiment malade. Un bébé anglais est même mort après avoir été brutalement privé de sa famille – et de médicaments.

Leurs malheurs alimentent la croisade du groupe Mothers Against Munchausen by Proxy Allegations (MAMA). Elles inquiètent aussi des psychologues, des psychiatres et des philosophes, interviewés dans le magazine de vulgarisation Psychology Today. Selon eux, les mères trop critiques ou insistantes aux yeux des médecins sont victimes d’une chasse aux sorcières. Invoquer le syndrome devient une arme trop facile pour les faire taire, disent-ils, ou pour disculper certains professionnels dépassés.

Contagion

Un médecin pourrait toujours sauter trop vite aux conclusions, mais cela se produira «rarement», affirment deux Britanniques dans un survol scientifique publié en avril dans The Lancet.

Il faut au contraire repérer les parents atteints le plus rapidement possible, disent-ils, avant que leurs enfants ne subissent des «dommages graves». En plus d’endurer des examens douloureux, ces derniers «grandissent loin de leurs camarades, avec une scolarité handicapée, vivant  un monde irréel dans l’atmosphère blanche des hôpitaux, sentant peser sur eux l’angoisse de la maladie et de la mort», écrit la psychiatre française Catherine Isserlis.

Autre conséquence: la contagion. À Chicoutimi, une enfant de 8 ans prend le relais de sa mère et «simule [elle-même] des problèmes de santé et demande des médicaments», révèle un jugement de 2006.

L’objectif des parents n’y change rien; dès qu’un enfant reçoit des soins superflus, il faut le protéger, précise l’article du Lancet.

Le Dr Jean Labbé est d’accord. De nombreux parents deviennent maladivement inquiets lorsque leur enfant souffre de maladie chronique ou frôle la mort, illustre-t-il. Quand leurs angoisses et leurs exagérations entraînent une multiplication d’examens inutiles ou nuisibles, il faut les raisonner.

«Souvent, les médecins y parviennent, mais pas toujours, dit-il. J’ai déjà dû signaler deux cas du genre à la DPJ.»

Lacey Spears a inondé ses comptes Facebook, MySpace... (PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK) - image 2.0

Lacey Spears a inondé ses comptes Facebook, MySpace et Twitter de photos de son fils malade.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Un cas-choc américain fait les manchettes

Comme la mère du bébé maltraité à Sainte- Justine, une femme de l’État de New York jurait que son fils était gravement malade et vomissait tous ses repas. Comme la Québécoise, l’Américaine voulait nourrir son fils par un tube directement relié à l’estomac.

Deux histoires semblables, deux dénouements. Car seuls les médecins américains ont procédé à une gastrostomie. Quatre ans plus tard, le petit Garnett était mort. D’après la police, sa mère, Lacey Spears, s’est servie de son tube pour lui injecter d’énormes quantités de sel, qui l’ont empoisonné.

Pour les experts américains, la jeune femme de 26 ans semble souffrir du syndrome de Münchhausen par procuration. Vouloir alimenter inutilement son enfant par un tuyau est un gros signal d’alarme, disent-ils.

Chose certaine, Lacey Spears avait besoin d’attention. Pendant cinq ans, elle a inondé ses comptes Facebook, MySpace et Twitter de photos de son fils malade, dont plusieurs le montraient à l’agonie. Tout en se posant comme une mère modèle, elle fabulait apparemment sans arrêt, en s’inventant un fiancé mort et un autre fils.

Mardi, la jeune femme a toutefois plaidé non coupable à des accusations de meurtre devant le tribunal du comté de Westchester, où elle doit retourner le 2 juillet. Son histoire hallucinante est racontée en plusieurs volets sur le site Lohud/The Journal News.

 Aux États-Unis comme en Europe, des mères fabulatrices ont déjà abouti en prison. En 2010, une fraudeuse britannique, Lisa Hayden-Johnson, a reçu une peine de trois ans pour avoir confiné son fils à un fauteuil roulant. Ses mensonges lui avaient permis de recevoir quantité de dons et de rencontrer des célébrités, parmi lesquelles des membres de la famille royale.  L’Américaine Kathy Bush a aussi passé trois ans derrière les barreaux après avoir intoxiqué sa fille Jennifer avec un médicament contre l’épilepsie. À 8 ans, la petite avait déjà été hospitalisée plus de 200 fois et opérée à plus de 40 reprises. L’affaire a été très médiatisée après avoir éclaté, en 1999, Kathy Bush s’étant déjà rendue jusqu’à la Maison-Blanche afin de réclamer une meilleure couverture d’assurance médicale.

Ce sont des enfants en santé, au corps... (PHOTO PIERRE ANDRIEU, ARCHIVES AFP) - image 3.0

PHOTO PIERRE ANDRIEU, ARCHIVES AFP

Eminem, une victime célèbre

 

Dans deux chansons, le rappeur Eminem raconte que sa mère lui inventait des maladies et le droguait.

«Victime du syndrome de Münchhausen . Toute ma vie on m’a fait croire que j’étais malade alors que je ne l’étais pas», chante-t-il dans Cleaning Out My Closet. Puis, dans My Mom:

«Le Valium contaminait tout ce que je mangeais, l’eau que je buvais, les maudits pois dans mon plat.»

Dans Headlights, il s’excuse en disant que sa mère était malade.

Au moins 23 cas en 12 ans au Québec

Depuis 2002, au moins 10 filles et 13 garçons ont été retirés à leur mère par le tribunal de la jeunesse, parce que celle-ci inventait ou leur imposait des maladies. C’est ce que révèle notre revue des jugements publiés sur le site web CanLii. La moitié des victimes avait moins de 6 ans. Voici certaines histoires.

2013

Fausses allergies (Drummondville)

Deux frères de 2 et 3 ans ont été hospitalisés une demi-douzaine de fois chacun, dans cinq hôpitaux différents. L’aîné souffrait d’anémie parce qu’en dépit des résultats négatifs de divers tests, sa mère persistait à agir comme s’il était allergique au soya.

«Il lui est arrivé, à quelques reprises, de sortir d’un hôpital pour aller consulter immédiatement à un autre hôpital», souligne le juge.

2012

Une pédiatre inquiète (Montréal)

À 13 mois, un bébé avait déjà avalé 11 antibiotiques, subi des traitements d’inhalothérapie et de cortisone. Malgré les soupçons de sa pédiatre, l’escalade s’est poursuivie en cliniques de développement et de nutrition, en gastroentérologie, en immunologie et en pneumologie. Quand le garçon a été confié à sa grand-mère maternelle, à l’âge de 3 ans, il n’a plus eu besoin de médicaments.

Miracle (Saint-Jean-sur-Richelieu)

Une fille de 9 ans est arrivée à un rendez-vous médical dans les bras de son oncle, se disant trop souffrante pour marcher.

Mais en apprenant son placement en famille d’accueil, elle «met ses souliers et quitte sans boiter ou sans avoir quelque difficulté que ce soit». La fillette «doit présenter des symptômes physiques pour pouvoir avoir une relation avec la mère», estimait son travailleur social.

2011

Examen truqué (Québec)

Lors d’un examen médical, la mère a ajouté du sel dans la sueur de sa fille de 5 ans pour simuler une fibrose kystique.

La fillette a également «été vue en cardiologie, en pneumologie, en pédopsychiatrie, en orthophonie, en gastroentérologie et en radiologie», énumère un juge.

Ses frères ont eux aussi subi des interventions inutiles. En prime, leur mère leur donnait trop de médicaments, les exposant à des problèmes cardiaques, de glandes surrénales ou de fatigue.

2009

Cocktail extrême (Québec)

Avant de s’en prendre à ses enfants, la mère s’était s’est fait enlever l’appendice et un rein sains, en plus d’avoir injecté de l’urine dans son soluté. Elle a ensuite informé son fils de 7 ans qu’il devrait lui-même subir une greffe de poumons. Les sept médicaments dont elle le gavait l’exposaient à un retard de croissance, de l’ostéoporose,  des cataractes, des nausées, douleurs abdominales et des problèmes d’audition.

Une inhalothérapeute a fini par sonner l’alarme, «n’ayant jamais vu pendant ses 20 ans de carrière un tel amalgame de médication pour traiter la fibrose kystique».

2003

Hypocondrie (Montréal)

La mère a donné de l’Ativan et de la codéine à sa fille de 1 an. L’enfant et son frère de 2 ans ont été hospitalisés 13 fois (pour de supposés arrêts respiratoires, convulsions et crises d’épilepsie). Trois ans après avoir perdu leur garde, la mère n’était toutefois plus dangereuse aux yeux de deux experts. Selon eux, elle a agi ainsi parce qu’elle était droguée, anxieuse et méfiante, ayant vu son frère mourir d’un cancer non diagnostiqué.

«Le scepticisme face au monde médical est un phénomène de plus en plus répandu et l’internet a fait en sorte que les gens sont de plus en plus portés à l’hypocondrie», indique l’un d’eux.

2002

«Résurrection» (Mont-Laurier)

Dès sa naissance, le cadet de 4 ans a été gavé de médicaments et «soumis à toutes sortes d’investigations inutiles, souvent intrusives et douloureuses, qui ont culminé par une opération».

En présence de sa mère, il perd du poids, mais dès qu’il est confié à quelqu’un d’autre, il «ressuscite littéralement». La mère – qui se disait elle-même atteinte d’un cancer du sein et d’une leucémie – a malgré tout demandé au CLSC de préparer son fils aîné, âgé de 7 ans, à la «mort imminente de son frère».

En chiffres

En plus d’être difficile à repérer, le trouble qui consiste à inventer ou provoquer des maladies chez un enfant n’est pas toujours nommé ni défini de la même façon. Selon les chercheurs, il est donc sous-diagnostiqué. Voici ce que révèlent les études portant sur les seuls cas détectés et prouvés de syndrome de Münchhausen.

Les victimes

  • 50% ont 2 ans ou moins lorsqu’on les repère
  • Il y a autant de filles que de garçons

Les agresseurs

  • 90 % sont des mères
  • 90 % ont un trouble de la personnalité (antisocial, narcissique, sociopathe, histrionique, limite)
  • 70 % interviennent activement pour provoquer des symptômes
  • 60 % ont fait une tentative de suicide
  • Le tiers travaille dans le domaine de la santé
  • Le tiers récidive après avoir été démasqué

Les dommages

  • De 6% à 9% des victimes meurent
  • 7% ont des séquelles permanentes
  • 17% sont aussi victimes d’une autre forme de maltraitance
  • 25% avaient des frères et soeurs qui sont morts
  • De 30% à 50% sont retirés à leurs parents

Sources:

«Early recognition and management of fabricated or induced illness in children», Bass, Glaser, The Lancet, avril 2014.

«Quand la réalité dépasse la fiction: le syndrome de Munchausen par procuration», Jean Labbé, octobre 2009

http://www.lapresse.ca