Je suis contre l’euthanasie assistée,alors que penser des personnes aux États-Unis qui veulent avoir l’opportunité d’un suicide rationnel. C’est-à-dire, choisir de mourir avant une dégradation physique et mentale d’une personne qui avance en âge. Jusqu’où cela peut être acceptable. Qui dit que ces personnes ne sentent pas obligé de faire ce choix de peur d’être un fardeau pour la famille, ou même la société.
Nuage
L’idée du «suicide rationnel» pour les personnes âgées émerge aux États-Unis
Un suicide qualifié de «rationnel» parce qu’il ne résulte pas d’une souffrance mentale motivant un acte impulsif guidé par les affects. | Justin Natividad / Unsplash
Repéré par Ines Clivio
Repéré sur Washington Post
Elles y pensent de plus en plus.
Doit-on légaliser la mort voulue par un être humain? Le débat avance plus vite aux États-Unis qu’en France, puisque depuis le 13 juin dernier, le Maine est le huitième État à avoir fait entrer le suicide médicalement assisté dans sa législation. Les seniors américain·es vont encore plus loin. Ces générations avancent l’idée que la mort pourrait être encadrée médicalement avant même qu’un individu se trouve en phase terminale, comme l’exige la loi pour le moment. Il s’agirait alors d’un «suicide rationnel».
Dena Devis, professeure de bioéthique à l’université Lehigh de Pennsylvanie, défend ce terme dans une interview accordée au Washington Post. Opposée à l’idée communément admise sur le sujet, Davis évoque un suicide «rationnel» parce qu’il ne résulte pas d’une souffrance mentale motivant un acte impulsif guidé par les affects. À l‘image de la conception des stoïciens, il est ici considéré comme une décision relevant du libre arbitre, qui manifeste et sauvegarde à la fois la dignité humaine. La question est évoquée avec le plus grand sérieux par des personnes qui évoluent dans le milieu médical.
Maître de sa vie comme de sa mort
Dena Devis a rencontré un groupe de dix personnes retraitées de Philadelphie, qui ont décidé de se réunir secrètement hors de l’établissement dans lequel elles séjournent pour discuter de leur souhait de mettre fin à leur jour. Toutes préfèrent choisir de mourir plutôt que de subir une dégradation de leur état physique et/ou mental. Ces personnes ne mettent pas en avant l’argument du confort, de la quantité des soins ou de l’adaptation des infrastructures. Même une belle maison de retraite ne pourra pas les empêcher de perdre le contrôle sur leur santé.
«Nous disons “merci c’est gentil”, mais ce n’est pas ce que nous désirons», explique Lois, une des résidentes.
En avril, un sondage de la fondation américaine KHN a montré que quelque 364 suicides en 2017 étaient liés à une présence de longue durée en établissement spécialisé. De nombreuses personnes souffraient de dépression ou d’une autre maladie mentale. Reste à déterminer combien de passages à l’acte résultent d’une décision rationnelle. D’après Dena Davis, il serait temps d’ouvrir le débat.
Un tabou à briser
Les personnes interrogées ont conscience de la portée subversive d’un tel sujet. Il va à l’encontre de nombreuses normes sociétales, de convictions religieuses et morales et des efforts des intervenant·es en prévention du suicide qui prétendent que chaque vie vaut la peine d’être sauvée.
«En tant que membres de la société, nous avons la responsabilité de prendre soin des gens à mesure qu’ils vieillissent, explique Yeates Conwell, psychiatre à l’université de Rochester. La promotion du “suicide rationnel” risque de créer un sentiment d’obligation de recourir à cette méthode plutôt que de préconiser de meilleurs soins qui répondent à leurs préoccupations.»
Il serait pourtant vital de lancer le débat dans la mesure où, à partir d’un certain âge, «le souhait de mourir ou de vivre évolue fréquemment», ajoute Yeates Conwell.