L’hiver, un des grands dangers de cette saison est de ne pas être assez bien protégé du froid.
Nuage
Le froid qui tue

Gilles Brien
Biométéorologue et auteur du livre «Les Baromètres
Vos dents claquent. Votre corps frissonne. Les poils de vos bras se dressent. Le sang se retire de votre nez et de vos oreilles. Vous commencez à grelotter. Vous avez frette. S’il n’y a pas d’abris possibles, les contractions involontaires de vos muscles produiront de la chaleur durant quelques instants. Mais si le froid persiste et qu’il y a du vent, greloter devient vite insuffisant.
À mesure que vous perdez votre chaleur corporelle, votre température interne diminue. Le coeur se met à travailler plus vite, et pompe plus de sang chaud vers les organes vitaux. Du coup, la pression artérielle et la respiration augmentent. Au bout de quelques heures, votre corps a transféré toute sa chaleur à l’air ambiant. Vous êtes en hypothermie ou pire. Vous êtes cuits…
Le froid tue 150 personnes par année au Canada selon Environnement Canada. Quinze fois plus que la foudre. Heureusement cette année, le bilan sera moindre. Malgré le temps glacial des derniers jours, les températures moyennes de l’hiver en font l’un des plus chauds du siècle.
Le risque de mourir de froid par hypothermie dépend d’une conjugaison de facteurs: l’état de santé, l’âge, la fatigue, le vent, la température. Les enfants et les personnes âgées sont les plus à risque, car les enfants perdent leur chaleur plus rapidement, tandis que les médicaments et les maladies réduisent la capacité des plus vieux à bien régulariser leur température.
Un facteur de risque d’hypothermie en progression: la maladie d’Alzheimer. Les personnes atteintes ne réalisent pas pleinement le danger de sortir à l’extérieur par temps froid. Elles ont aussi souvent du mal à savoir comment se vêtir adéquatement avant de quitter la maison.
Les femmes seraient moins à risque que les hommes de mourir du froid, car elles supportent physiologiquement mieux le froid. La preuve: la mésaventure subie par Donna Molnar, une Ontarienne de 55 ans. Le 19 décembre 2008, un vendredi, en banlieue d’Hamilton, il fait – 4 °C et il neige quand Donna prend sa voiture pour aller à l’épicerie. Elle n’arrivera jamais à destination.
Tombée en panne en pleine tempête de neige, Donna est retrouvée le lundi suivant par un chien policier qui avait reniflé son corps sous une vingtaine de centimètres de neige. La température avait plongé à -15 °C pendant la nuit. Par miracle, Donna était encore consciente. Elle a expliqué s’être arrêtée à cause de la poudrerie pour chercher de l’aide. Puis elle avait trébuché dans un champ. Dans son cas, la neige tombée qui avait recouvert son corps avait joué un rôle isolant en empêchant une baisse de température qui lui aurait été fatale.
L’ex-députée de Matane, Nancy Charest, dont le corps a été découvert en décembre 2014, n’a pas été aussi chanceuse. Retrouvée sans vie, à moitié dévêtue en bordure d’une route de Matane par un froid glacial, la femme était intoxiquée par l’alcool. Dans son cas, l’hypothermie avait déclenché une étrange réaction: le «déshabillage paradoxal». Ce phénomène survient quand une personne en état d’hypothermie sévère retire tous ses vêtements, croyant qu’elle a trop chaud, alors qu’en fait, elle est en train de geler.
Les engelures en hiver: causées surtout par l’alcool
Les engelures en hiver sont un vrai fléau au Canada. Ce type de blessures est même en progression dans la population selon Statistique Canada. Une vaste étude récente qui a duré 12 ans, en Saskatchewan, sur l’état de santé de 650 000 personnes a conclu que la consommation d’alcool était responsable de 46 % des engelures en hiver. Les pieds et les mains comptent pour 90 % des engelures. Les oreilles viennent ensuite, suivies du nez, des joues et… du pénis.
L’augmentation de cas d’engelures ces dernières années s’expliquerait par une plus grande participation de la population à des activités sportives extérieures. Mais il y a une autre raison: l’itinérance. Depuis la crise économique de 2008, l’itinérance a explosé dans les grandes villes du Canada.
Référence: Valnicek, SM et al, « Frostbite in the prairies : a 12 year review », Plast Reconst Surg, 1993, 92 pp 633-41
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