Est-ce que les vampires existent ? J’en doute, enfin peut-être chez une espèce de chauve-souris et sur un arbre en Nouvelle-Zélande. En fait, c’est une souche qui est en symbiose avec ses voisins. Cette souche n’a aucune activité comme la photosynthèse, mais elle survie en pompant grâce aux racines, les ressources des arbres voisins.
Nuage
Cet arbre en apparence mort vampirise les ressources de ses voisins
Céline Deluzarche
Journaliste
Une souche de kaori apparemment morte parvient pourtant à produire du tissu calleux en suçant la sève, durant la nuit, des arbres vivant alentour. Cette étrange symbiose racinaire pourrait amener à reconsidérer notre définition même de l’arbre.
C’est un arbre mort au milieu d’une forêt en Nouvelle-Zélande. Il n’a plus de branches, plus de feuilles, et ne produit plus aucune photosynthèse. Cette souche de kaori (Agathis australis), un conifère géant pouvant mesurer jusqu’à 60 mètres de haut, continue cependant à avoir une activité en « vampirisant » les ressources de ses voisins grâce à ses racines.
Une souche vampire qui suce la sève des arbres durant la nuit
Cette souche zombie a attiré l’attention de deux chercheurs de l’université d’Auckland, qui ont constaté qu’elle continuait à suinter de la résine et présentait une excroissance de tissu calleux, laissant entendre que l’arbre n’était pas si mort que ça. Ils ont alors équipé la souche de capteurs pour mesurer le flux d’eau circulant dans le tronc, et ont découvert une drôle d’activité souterraine : durant la journée, lorsque les arbres alentour transpirent, la souche est totalement inerte. Mais la nuit venue, ou lors de jours très pluvieux, elle se réveille et la sève circule dans ses vaisseaux.
N’ayant plus d’activité photosynthétique, la souche est normalement incapable de produire du carbone par elle-même. Mais elle a trouvé une astuce : greffer ses racines sur celles de ses voisins afin de pomper l’eau et les nutriments que ces derniers absorbent durant la journée. Ce genre de greffe est possible lorsque l’arbre détecte des racines biocompatibles à proximité, expliquent les chercheurs. Dans ce cas, ils estiment que la greffe est survenue avant la mort de l’arbre, mais ce n’est pas certain.
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Une souche d’arbre n’ayant plus aucune activité photosynthétique parvient à survivre en pompant les ressources captées par les arbres vivants à proximité.
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Ses racines se sont greffées sur celles des autres, formant un réseau racinaire complexe.
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On ignore encore les raisons de cette symbiose étrange, qui pourrait amener à redéfinir la notion même de l’arbre.
Durant la journée, où les arbres vivants sont occupés à pomper les ressources grâce à la transpiration, la souche est inerte. La nuit et les jours de pluie, lorsque les arbres vivants se « reposent », elle pompe la sève grâce à ses racines greffées sur celles des arbres autour. © C.D, d’après Sebastian Leuzinger/iScience
Un réseau racinaire symbiotique
De précédents cas d’interactions entre arbres vivants avaient déjà été rapportés. Mais c’est la première fois que l’on découvre un tel arbre « vampire ». Ce phénomène ressemble malgré tout à une véritable symbiose, ou des organismes différents s’associent au profit de chacun. Pour l’arbre mort, l’avantage est évident : il continue à bénéficier des ressources de ses voisins sans être capable de les fabriquer lui-même. Mais les arbres vivants pourraient eux tirer quelques avantages d’un tel réseau racinaire. En partageant les ressources à plusieurs, ils ont accès à plus d’eau et de nutriments. D’autre part, une plus grande surface des racines permet d’augmenter la stabilité du sol, ce qui freine l’érosion. À l’inverse, ce partage pourrait faciliter la propagation des pathogènes comme le Phytophthora agathidicida, un champignon tellurique qui ravage les kaoris.
La forêt est-elle un unique superorganisme ?
« Avec une unique observation de ce type, il est difficile de tirer des conclusions générales », admettent les chercheurs dans leur étude publiée le 25 juillet dans le journal iScience. « Mais si le partage entre les arbres est un phénomène commun, nous aurons à redéfinir la notion même de ce qu’est un arbre, avancent-ils. La forêt pourrait ainsi être considérée comme un « superorganisme » qui redistribue les ressources entre des individus génétiquement différents. »
CE QU’IL FAUT RETENIR