Pour étudier les populations d’oiseaux aquatiques, il n’avait que très peu de donnée étalés à long terme. Des chercheurs ont eu l’idée d’étudier les excréments de ces oiseaux dans des sédiments du lac Ontario. Il possible de date la colonisation des espèces d’oiseaux, mais aussi comment leur population on évoluer avec le temps
Nuage
Les excréments d’oiseaux aquatiques lourds d’histoire
Peu de données sont disponibles sur les migrations et les fluctuations des oiseaux aquatiques. Photo : iStock/photosbyjimn
Des chercheurs canadiens ont développé une méthode surprenante pour tracer l’évolution des populations d’oiseaux aquatiques. En analysant les sédiments au fond des lacs, ils ont découvert que les excréments laissés au fil des ans par ces volatiles en disaient long sur leur histoire.
Un texte de Daniel Blanchette Pelletier
Le lac Ontario compte plusieurs petites îles inhabitées par l’humain, mais où des espèces d’oiseaux aquatiques, comme le cormoran et le goéland, ont élu domicile.
Jusque-là, il était impossible de savoir depuis quand elles s’y trouvent ni comment leur population a fluctué dans l’histoire.
« Notre connaissance des oiseaux aquatiques ne couvre qu’une dizaine d’années seulement. Certaines données remontent aux années 60, mais elles sont rares », explique le professeur à l’Université d’Ottawa, Jules Blais.
Ces données historiques n’étaient pourtant pas si loin. L’équipe de chercheurs qu’il dirige les a trouvées… au fond de l’eau.
Des sédiments s’y accumulent graduellement depuis des centaines d’années.
« Les plus récents sédiments se trouvent à la surface, précise le professeur, et à mesure que nous descendons profondément, nous reculons dans l’histoire. »
Il suffit donc, ajoute-t-il, de prélever une carotte de sédiments au fond de l’eau et de l’analyser. Les sédiments sont notamment composés d’excréments d’oiseaux, le guano, qui découlent de la fertilisation des aires de nidification.
Les déjections d’oiseaux marins font ainsi office de marqueurs chimiques, poursuit le professeur Blais.
En mesurant les niveaux de stérols, de stanols et d’azote 15 dans les couches de sédiments, il est non seulement possible de dater la colonisation d’une espèce, mais aussi d’observer comment la taille d’une population a évolué au fil des ans.
Une carotte de sédiments, c’est un peu comme un livre d’histoire. Jules Blais, Université d’Ottawa
Les chercheurs ont même pu prouver l’efficacité de leur méthode en comparant les résultats obtenus avec les données déjà connues et compilées, notamment par le Service canadien de la faune et le New York State Department of Environmental Conservation.
Écrire l’histoire
L’obstacle qui se présentait auparavant aux chercheurs en sciences écologiques et environnementales était l’absence de données de surveillance à long terme.
L’analyse des sédiments au fond des lacs permettrait ainsi de remonter quelques décennies, voire quelques millénaires en arrière.
« Grâce à cette méthode, nous allons pouvoir mieux comprendre l’histoire des espèces sauvages, relate Mark Mallory, professeur à l’Université Acadia. Nous pourrons savoir comment ces populations réagissaient autrefois à des facteurs d’agression environnementaux, comme les modifications du milieu naturel, la chasse ou la contamination chimique. »
Le professeur Jules Blais donne pour exemple les insecticides, comme le DDT, qui ont décimé certaines populations d’oiseaux dans les années 60 et 70.
« Les populations de cormorans ont été particulièrement affectées par les insecticides pendant cette période-là, rappelle-t-il. Et maintenant, on voit leurs populations augmenter. »
Les possibilités sont immenses, selon lui. Cette méthode permettra ultimement de comprendre comment les changements climatiques ont influencé les mouvements des populations d’oiseaux.
Les travaux menés par les chercheurs de l’Université d’Ottawa et des universités Queen’s, à Kingston, et Acadia, en Nouvelle-Écosse, ont été publiés dans la revue scientifique Proceedings of the Royal Society B.