On ne veut pas mourir seul, et plus le temps avance, plus nous sommes solitaire dans notre coin et l’Internet deviens un échappatoire pour prouver qu’on existe et quand viens la mort, nous voulons laissé une trace de notre passage
Nuage
Phénomène funéraire
La vie post-mortem sur Facebook
© Agence QMI
Agence QMI
Valérie Lessard
MERCIER – Ils peuvent être célèbres ou complètement anonymes. Ils sont jeunes ou vieux, mais ont souvent un point en commun: ils sont décédés tragiquement et font l’objet d’une page à leur mémoire sur le site internet Facebook. Gros plan sur un nouveau phénomène funéraire.
La petite Maya Gagné, 9 ans, de Mercier, est décédée tragiquement dans un accident de voiture en septembre 2010. Dans les heures qui ont suivi son décès, une page à sa mémoire a été créée sur Facebook.
Des centaines de commentaires ont été écrits sur cette page, parfois s’adressant à la famille de la jeune victime ou encore directement à la petite fille. Plus d’un an après son décès, la page compte 1229 adeptes et des messages d’amour et de peine y sont publiés régulièrement.
Maya Gagné est loin d’être la seule à avoir un tel hommage virtuel. Un nombre impressionnant de personnes décédées font l’objet de telles pages sur le populaire site de réseautage social.
D’après la professeure et fondatrice du programme d’études sur la mort de l’UQAM, Luce Des Aulniers, ce nouveau phénomène est intimement lié au culte de l’image dans la société.
«C’est la preuve de la société individualiste dans laquelle nous vivons, a souligné la professeure. Aujourd’hui tu existes si tu es vu. Il faut exister sur un écran.»
Mme Des Aulniers voit dans cette pratique une peur d’être oublié après sa propre mort.
«Je crois que bien des gens font une projection de lorsqu’ils seront eux-mêmes décédés, a-t-elle ajouté. La fonction même d’un rite funéraire est de signaler ce qu’on voudrait pour nous. Sur Facebook les gens parlent autant d’eux-mêmes que de la personne décédée.»
La professeure a indiqué aussi qu’il «s’agit d’un souci de mémoire manifeste. La fonction première du monument funéraire est de garder une mémoire de quelqu’un. Les pages sur Facebook remplacent en quelque sorte les monuments».
Nuisible pour le deuil?
La venue de ces nouveaux rites funéraires fait craindre la spécialiste sur la façon dont les gens vivent le deuil.
«Pour entrer dans le deuil, cela prend une certaine solitude, un propre isolement, a-t-elle précisé. Cela se fait de façon privée. Pourquoi ai-je besoin de rendre public ce que je pense de quelqu’un?»
D’après Mme Des Aulniers le propre du deuil est d’intérioriser ce qu’on a aimé de la personne décédée. «En les publiant, qu’est-ce qui en est du travail du deuil?»
Elle considère que ce genre de site web est inquiétant pour les rapports humains. Elle souligne que dans la majorité des pages post-mortem sur Facebook, bon nombre de gens commentent ou écrivent sans toutefois se répondre entre eux.
«Ce sont des gens isolés les uns des autres, a dit Mme Des Aulniers. Ils ne se répondent pas, ils réagissent. Ce n’est pas une relation. On se pile un par-dessus l’autre.»
Mais comme le caractère sacré de la mort a changé ces dernières années, de telles pages sur le web peuvent offrir une consolation.
«Avant les gens se consolaient en se disant que la personne morte allait rejoindre un parent ou une autre personne chère. Aujourd’hui, quand la personne meurt, elle va dans un non-lieu. On ne sait pas.»
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Signaler un décès sur Facebook
Le réseau social Facebook vous annonce l’anniversaire d’un de vos «amis». Le hic, c’est que cette année, il ne célébrera pas sa fête, car il est décédé quelques mois auparavant. Que faire avec les pages Facebook de personnes décédées? Le réseau social n’a pas eu le choix de se pencher sur la question.
Sur le populaire réseau social, il est désormais possible de signaler le décès d’un utilisateur aux administrateurs du site.
Sur le site web, on y apprend que «les membres de la famille proche peuvent demander le retrait du compte du défunt. Le compte est alors retiré définitivement du site et ne peut plus être consulté par quiconque».
Il est aussi possible de transformer la page d’un défunt en «compte de commémoration». Ce statut particulier signifie que seuls les amis déjà membres du profil pourront le consulter. Il sera possible pour les membres de publier des commentaires.