Le Saviez-Vous ►Il était une fois la maladie: La mort de Diderot et la dynamite


La médecine, heureusement, évolue ! Il fut un temps qu’on soignait tout problèmes par le vin et l’opium. L’opium était servi a toutes les sauces même pour faire dormir les bébés. Enfin bref, la mort subite chez l’adulte a été une maladie étrange qui finit par être mieux comprise et on lui donnait même un nom : l’angine de poitrine
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Il était une fois la maladie: La mort de Diderot et la dynamite

 

Jacques Beaulieu

Chroniqueur et communicateur scientifique


 

Les premiers conseils en santé cardiaque

«Le vin et les cordiaux, pris le soir en allant au lit, peuvent prévenir ou affaiblir les paroxysmes nocturnes. Mais rien n’agit plus efficacement que les préparations d’opium ; dix, quinze à vingt gouttes de teinture thébaïques, en entrant au lit, font que les malades peuvent y rester jusqu’au matin, tandis qu’ils auraient été obligés de se lever et de se tenir debout pendant deux à trois heures chaque nuit, et cela durant plusieurs mois. On peut continuer, augmenter même cette dose de laudanum impunément aussi longtemps que le cas l’exige, et le soulagement procuré par l’opium peut être ajouté aux arguments en faveur de la nature spasmodique de la maladie. J’ai connu un malade, dit ailleurs le même auteur (Dr D. de la Roche), qui s’imposa l’obligation de scier du bois pendant une demi-heure tous les jours, et qui en fut presque guéri. Chez un autre individu, la maladie cessa d’elle-même. La saignée, les vomitifs, et les purgatifs ne me paraissent pas convenir.»

Ce texte fut écrit au début du XVIIIe siècle par un grand médecin italien : le Dr Bernardo Ramazzini. Son livre paru en 1714, Traité des maladies des artisans, comporte plusieurs sections, dont celle intitulée : Mémoire sur l’angine de poitrine signée par le médecin Louis Jurine. Ce livre servira de référence médicale pendant plus de deux cents ans.

Il est étonnant de constater quelques trois cents ans plus tard que certaines des recommandations du Dr Ramazzini sont redevenues à la mode. On peut ainsi citer la prise quotidienne d’un peu de vin et l’exercice physique. Mais on doit bien se rendre compte que la pharmacopée de l’époque était plutôt limitée. Il faut se rappeler que l’opium et ses dérivés venaient à peine d’être découverts et qu’on les utilisait à toutes les sauces. Ainsi, le laudanum, un sirop fait d’opium auquel on avait ajouté de l’eau et un peu de sucre, pouvait servir tant pour soulager la douleur que pour provoquer le sommeil. Certaines nourrices en ajoutaient même au dernier biberon du soir pour le bébé, s’assurant ainsi qu’il dormirait toute la nuit. Bien des nouveau-nés en sont morts sans qu’on puisse alors expliquer pourquoi. Il s’agissait vraisemblablement d’overdose… Le laudanum était offert alors en vente libre et coûtait moins cher qu’une bouteille de vin ou d’alcool.

La mort de Diderot «

En 1782, Diderot, conversant avec feu M. le docteur D. de la Roche, lui racontait les symptômes d’une affection pénible qui le tourmentait depuis plusieurs années. Celui-ci frémit en reconnaissant dans sa description tous les caractères de l’angine de poitrine. Quel traitement suivez-vous, lui dit-il, pour cette maladie ? – Aucun, répondit le philosophe. – Cependant, vous feriez mieux de vous en occuper, elle pourrait avoir des suites fâcheuses. – Et quelles suites ? Quel peut être mon pis-aller ? – Une mort subite. Diderot charmé de ce pronostic déclara qu’il ne voulait user d’aucun remède. Assez longtemps après, il subit une attaque violente qui le saisit au milieu de la nuit et qui effraya ses alentours et peut-être lui-même; on chercha du secours, mais sa maladie fut méconnue; il fut saigné et médicamenté de manière à être jeté dans une hydropisie, à laquelle il fut longtemps menacé de succomber. Des soins mieux adaptés à son état le tirèrent de ce danger ; mais à peine commençait-il à jouir de son rétablissement, qu’une mort subite le mit au tombeau.» (Référence : Ramazzini, Roedérer, Wagler et Jurine, Encyclopédie des sciences médicales, Paris, 1841, P.414)

Les origines de l’angine de poitrine

Des textes provenant de l’empire mésopotamien citent pour la première fois le risque de mort subite d’un humain qui s’était plaint de douleur thoracique. Mais ce ne fut que plusieurs centaines d’années plus tard que l’angine de poitrine fut décrite plus spécifiquement par le médecin italien Giovanni Maria Lancini. Ses études sur les maladies cardio-respiratoires furent reconnues dans les plus hautes sphères. C’est ainsi qu’il fut nommé médecin du pape Clément XI. Il fut le premier à décrire au début des années 1700 l’insuffisance des valves tricuspides et cardiaques ainsi, comme souligné, que l’angine de poitrine qu’il appelait : douleurs thoraciques.

De l’angine de poitrine aux restos du cœur

Plus de soixante ans plus tard, soit en 1768, un brillant médecin français le Dr Nicolas-François Rougnon signe une missive intitulée : Lettre décrivant avec soin les symptômes de l’angine de poitrine, et l’autopsie d’une personne qui en est décédée. Le docteur Rougnon constata une ossification des cartilages costaux et soupçonna qu’il s’agissait là de la cause de la maladie. En plus de sa contribution aux sciences médicales, le Dr Rougnon fut connu pour son implication sociale. À cette époque de grande agitation en France, il vole au secours des indigents en fondant l’œuvre des restos du cœur : une autre création du XVIIIe qui a repris vie depuis. La même année, le médecin britannique, William Heberden, officialise le terme d’angine de poitrine en décrivant aussi la maladie à la suite de l’observation d’une vingtaine de cas. Ce sera à lui que l’histoire accordera la paternité de la découverte.

Des traitements

Les premiers traitements pharmacologiques efficaces contre l’angine de poitrine apparaissent plus de cent ans plus tard avec les essais du Dr londonien William Murrell sur la nitroglycérine (élément de base de la dynamite) dont les résultats furent publiés dans le journal The Lancet en 1879. Dans son Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, volume 30, Amédée Dechambre énumère ainsi certains des premiers chercheurs à utiliser la trinitrine pour traiter l’angine cardiaque :

«C’est surtout dans la médication de l’angine de poitrine que ce médicament a été utilisé d’abord par M. Murrel (de Londres), après lui par Farquhiar, Sitts, M. Call Anderson, Green et surtout par M. Huchard, en France, et Desrosiers, au Canada. On trouve la raison de cette médication dans la formule pathogénique de l’angine de poitrine, tel qu’elle a été donnée par MM. G. Sée, Liégeois et H. Huchard : «L’angine de poitrine est le résultat d’une ischémie cardiaque organique ou fonctionnelle». Dès lors, en dilatant paralytiquement les artères coronaires spasmodiquement contractées, la dynamite rétablit l’intégrité circulatoire du muscle cardiaque et prévient l’anémie du myocarde.»

Ce dictionnaire encyclopédique a été publié en 1884 chez G. Masson, libraire de l’académie de médecine, et P. Asselin libraire de la faculté de médecine à Paris. Au début des années 1930, deux médecins chercheurs russes, Nikolaiy Nikolaevich Anichkov et Semen S. Chalatov, furent les premiers à découvrir les effets du cholestérol sur l’athérosclérose après une série d’expériences sur des lapins. Ces découvertes ouvrirent la voie aux recherches qui aboutirent entre autres à la fabrication des statines.

Puis les traitements chirurgicaux firent leur apparition. D’abord les revascularisations qui connurent leurs premiers essais, ici même au Québec, avec le Dr Arthur Martin Vineberg qui développa un protocole opératoire portant son nom. Dès 1950, il commença ses expérimentations à l’hôpital Royal Victoria de Montréal en implantant les artères mammaires directement dans le ventricule gauche. Puis les pontages veineux arrivèrent au début des années 1960 et les pontages à partir de l’artère mammaire dans les années 1980. Vers la fin des années 1970, un cardiologue suisse, le Dr Andreas Gruentzig réalise les premières angioplasties.

Chirurgie et pharmacopée ont donc bien évolué depuis les premières descriptions de l’angine de poitrine, mais souvenons-nous que dès les années 1700, les prémisses du succès étaient déjà en place, un peu de vin et au moins 30 minutes d’exercices physiques par jour. Pour vous aider, la Fondation des maladies du cœur a mis au point un outil électronique gratuit pour permettre à chacun d’évaluer son risque cardiovasculaire.

http://quebec.huffingtonpost.ca/

La pharmacopée des chimpanzés


Voila un beau témoignage d’une femme qui étudie les singes en Ouganda. Elle montre qu’en respectant l’environnement, la faune et la flore ont peut l’étudier tout en rendant service a l’homme … Pourquoi vouloir tout détruire quand beaucoup de réponses sont dans des milieux naturels
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La pharmacopée des chimpanzés

 

Imoso, mâle dominant de la communauté de Kanyawara,... (Photo fournie par Jean-Michel Krief et tirée du site Internet de Sabrina Krieff)

Imoso, mâle dominant de la communauté de Kanyawara, au parc national de Kibale, en Ouganda, mange des fruits de Phytolacca dodecandra. Les feuilles et les fruits sont utilisés en médecine traditionnelle pour soigner des plaies.

PHOTO FOURNIE PAR JEAN-MICHEL KRIEF ET TIRÉE DU SITE INTERNET DE SABRINA KRIEFF

JOSÉE LAPOINTE
La Presse

La protection des grands singes d’Afrique est au coeur de la vie de la scientifique française Sabrina Krief. Entre la jungle de l’Ouganda et les laboratoires parisiens, elle cherche à mieux les connaître pour donner un coup de main à la planète.

Chaque matin, lorsqu’elle entend les bruits de la jungle qui se réveille et les premiers cris des chimpanzés, Sabrina Krief a des frissons. Pour cette scientifique qui étudie depuis 15 ans le comportement des grands singes d’Afrique, rien ne peut remplacer cette sensation.

«Le travail de terrain, c’est mon moteur. C’est ce qui fait que ça vaut le coup de continuer à écrire des projets, de faire des demandes de subvention.»

Sabrina Krief partage son temps entre son travail de maître de conférence au Muséum d’histoire naturelle de France et ses recherches dans le Parc national de Kibale, en Ouganda, où elle est basée depuis 12 ans. Si la vie en Afrique reste une «vie rêvée», elle ne peut faire avancer ses découvertes qu’en les analysant dans des installations sophistiquées.

«De toute façon, j’adore parler de ce que je fais. C’est une chance extraordinaire que j’ai et j’en suis consciente», dit la femme de 39 ans, qui était de passage à Montréal la semaine dernière à l’invitation d’Espace pour la vie, organisme qui regroupe le Biodôme, l’Insectarium, le Jardin botanique et le Planétarium.

Régime santé

Depuis ses premiers séjours en Afrique, Sabrina Krief s’intéresse aux habitudes alimentaires des chimpanzés. En analysant ce qu’ils consomment lorsqu’ils sont malades, elle a découvert qu’ils savaient se soigner eux-mêmes en choisissant les plantes médicinales adéquates.

«C’est leur comportement qui nous a amenés à analyser des plantes qui ne font pas partie de leur régime habituel. Nous y avons découvert des particules actives vermifuges, et même anticancéreuses.»

Les chimpanzés préparent même des recettes en mélangeant de la terre avec certaines plantes, ce qui active leurs molécules antipaludisme. Comme les chimpanzés et les humains sont proches et disposent des mêmes agents pathogènes, ces observations, et bien d’autres, ont d’ailleurs mené à des traitements contre cette maladie qui touche encore 216 millions d’humains, et qui tue surtout les bébés et les femmes enceintes.

Mais chaque réponse apporte aussi son lot de questions. Pourquoi s’en tiennent-ils à l’automédication plutôt que de soigner leurs bébés, alors qu’on les sait capables d’empathie? Et ces feuilles qu’ils consomment avec de la viande, ont-elles des propriétés antibiotiques?

«Ce sont les projets des prochaines années», dit Sabrina Krief en souriant.

Avec son équipe de recherche et son mari, le photographe Jean-Michel Krief, la scientifique suit à la trace les chimpanzés dans leur milieu naturel. En plus de récolter leurs excréments et des plantes, le gros du boulot est donc de les retracer et de les habituer à la présence humaine.

«La période d’habituation peut prendre cinq ans, et ça peut prendre un autre cinq ans pour les approcher vraiment. On se ment un peu dans la mesure où on veut les apprivoiser tout en faisant en sorte qu’ils restent sauvages…»

Ce qui demande patience et humilité.

«Les singes n’utilisent pas d’outils aux trois minutes! Souvent, on marche toute la journée, on tombe dans la boue, on fait trois kilomètres pour les retrouver et quand on arrive ils ne sont plus là, on transporte du matériel pour rien… Il y a des beaux cadeaux, mais ils se méritent!»

 

Sabrina Krieff

PHOTO: ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Milieu naturel

Sabrina Krief fait partie de cette lignée de femmes qui, depuis la pionnière Jane Goodall, consacrent leur vie à l’étude et, surtout, à la protection des animaux. Douce mais ferme, elle n’a pas trop envie de s’aventurer sur ce terrain:

«On parle surtout des femmes dans les médias, je ne sais pas pourquoi, parce qu’il y a autant d’hommes qui le font!»

Par contre, elle n’hésite pas à vanter les vertus de l’écotourisme qui, s’il est bien fait, rapporte de l’argent et sensibilise les populations locales à la protection des grands singes. Mais elle se montre très sceptique par rapport aux sanctuaires qui hébergent et soignent les animaux.

«Pour moi, les sanctuaires ont un peu le même rôle que les jardins zoologiques, celui de vitrine et de sensibilisation. À mes débuts, j’ai travaillé dans un sanctuaire, et je suis convaincue qu’on ne sauvera pas les grands singes en les relâchant comme ça dans la nature. C’est compliqué de trouver la bonne zone, de la protéger de nouveau, de savoir pourquoi ils en sont disparus. Puis, les mâles risquent de se faire attaquer si on les relâche là où il y a déjà des populations de singes, parce qu’ils sont très territoriaux. C’est énormément d’énergie, et je crois qu’il vaut mieux se concentrer sur les singes sauvages et leur habitat.»

C’est son combat, en tout cas.

«Nous sommes tellement fiers de notre gros cerveau, il faut l’utiliser pour sauver nos parents», dit-elle.

Elle ajoute que la pression vient de partout – déforestation, maladies, braconnage -, mais qu’on peut encore agir, car les grands singes font preuve d’une «grande capacité d’adaptation et de résilience».

En s’occupant des singes sauvages, on protège aussi la forêt tropicale.

«Les chimpanzés peuvent vivre de 50 à 60 ans. Quand on protège une génération, c’est tout un écosystème qu’on protège pendant cette même période, et on sait que la jungle tropicale est essentielle pour la planète.»

Sabrina Krief passera l’automne en France, et repartira pour l’Ouganda au début de 2013.

«Mais vous me diriez qu’un avion part demain matin, je sauterais dedans!»

Pour plus d’information sur le travail de Sabrina Krief: www.sabrina-jm-krief.com