Chez l’Homme de Néandertal, l’esthétique avait aussi sa place


L’homme de Néandertal semble avoir eu le sens de l’esthétique selon des os retrouvé qui ont été taillés avec un silex. Les chercheurs avaient trouvé des griffes de rapaces et des plumes pour en faire des perruques. Pourquoi, sûrement comme parure, mais peut-être aussi comme symbolisme
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Chez l’Homme de Néandertal, l’esthétique avait aussi sa place

 

Les Néandertaliens sont apparus en Eurasie il y... (ILLUSTRATION FOURNIE PAR AP)

Les Néandertaliens sont apparus en Eurasie il y a environ 200 000 ans et ont cohabité avec l’homme moderne pendant quelque 10 000 ans.

ILLUSTRATION FOURNIE PAR AP

 

JEAN-LOUIS SANTINI
Agence France-Presse
Washington

Un fragment d’os de corbeau gravé, datant de 40 000 ans, laisse penser que les Néandertaliens, proches cousins de l’homme moderne disparus il y a 38 000 ans, avaient bien un sens esthétique voire du symbolisme, conclut une étude française publiée mercredi aux Etats-Unis.

Ce bout d’os d’un centimètre et demi de long mis au jour sur un site archéologique de Crimée, en Ukraine, compte huit entailles régulières faites avec un silex.

Une analyse au microscope a montré que l’auteur de ces marques profondes en avait fait initialement six avant de réaliser qu’il avait laissé trop d’espace entre certaines.

Il en a rajouté deux mais de manière à ce que la distance entre toutes les entailles reste égale, a expliqué à l’AFP Francesco d’Errico, un paléontologue de l’Université de Bordeaux, principal auteur de ces travaux parus dans la revue Plos One.

Les chercheurs ont ensuite demandé à un groupe de volontaires de faire huit marques équidistantes sur des os de dinde de la même taille.

L’analyse a montré qu’ils avaient espacé et creusé les huit entailles exactement de la même manière que l’Homme de Néandertal.

«On a pu ainsi démontrer que le Néandertalien a bien fait des entailles avec l’intention de créer un motif harmonieux visuellement et peut-être symbolique», explique le scientifique.

«Il y avait au moins un but esthétique derrière ces marques en raison de leur régularité et du fait de produire cette régularité de façon délibérée (…), qui a d’ailleurs nécessité une certaine expertise», ajoute-t-il.

Des ossements d’oiseaux portant des marques régulières, découverts sur plusieurs sites néandertaliens en Europe, avaient déjà conduit de nombreux chercheurs à penser que ces objets étaient des parures et que ces encoches ne résultaient pas du découpage des carcasses avec des silex pour récupérer la viande.

Des cultures plus complexes

«Cette recherche est la première à produire une indication directe confortant l’hypothèse d’une intention symbolique dans ces modifications volontaires d’un os d’oiseau (…), ce qui est une avancée», souligne le professeur d’Errico.

Il s’agissait peut-être de marques de propriété de l’objet, qui dans ce cas symbolisaient la personne le possédant, suppute-t-il.

L’étude est aussi nouvelle dans le sens qu’elle met des hommes modernes dans les mêmes conditions que les Néandertaliens pour voir s’ils produisent la même chose, relève l’anthropologue.

Au cours des dernières années, poursuit-il, on s’est rendu compte que les Néandertaliens avaient des cultures plus complexes que ce qu’on pensait initialement.

Il cite notamment le fait que les Néandertaliens s’intéressaient aux oiseaux et ramassaient les griffes des gros rapaces comme des aigles ainsi que les plumes pour peut-être en faire des parures, selon les vestiges mis au jour sur une demi-douzaine de sites en Europe, dont le plus récent en Croatie. On connaissait aussi leurs sépultures.

Mais on ne pouvait pas vraiment savoir avant les résultats de cette dernière étude si ce cousin de l’Homme moderne, dont les capacités cognitives sont toujours débattues, pouvait avoir un sens esthétique voire du symbolisme.

Les Néandertaliens sont apparus en Eurasie il y a environ 200 000 ans et ont cohabité avec l’homme moderne pendant quelque 10 000 ans, ce dernier étant arrivé d’Afrique voilà 50 000 ans.

Selon les anthropologues, les dernières traces de l’Homme de Néandertal remontent à 38 000 ans, selon les plus récentes estimations publiées en 2014.

Mais il n’a pas totalement disparu puisque, à la suite de croisements, les humains ont hérité de 2 à 4% de ses gènes.

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Teotihuacan : la femme au sourire de jade Par Bernadette Arnaud


Vous imaginez se faire enlever une dent pour mettre une pierre de jade, et creuser d’autres dents pour y déposer sur la façade d’autres pierres il y a 16 mille ans. Brrrr, cela fait froid dans le dos.
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Teotihuacan : la femme au sourire de jade

 

Crâne d'une femme ayant vécu il y a 1600 ans, découvert dans le quartier des "communautés étrangères" de la cité de Teotihuacan (Mexique), présentant des incrustations dentaires. Crédit: INAH / Aldo Diaz Avelar

Crâne d’une femme ayant vécu il y a 1600 ans, découvert dans le quartier des « communautés étrangères » de la cité de Teotihuacan (Mexique), présentant des incrustations dentaires. Crédit: INAH / Aldo Diaz Avelar

Par Bernadette Arnaud

Un squelette découvert dans les ruines de Teotihuacan, au Mexique, révèle des pratiques de mutilations dentaires.

Teotihuacan, la cosmopolite… L’examen de la dépouille d’une femme vivant il y a 1600 ans dans cette cité préhispanique*, alors la plus grande métropole du Nouveau Monde (aujourd’hui au Mexique), a révélé des pratiques empruntées à des cultures situées plus au sud : un crâne déformé et des dents serties de pierres fines polies. Selon Jorge Archer Velasco, un des archéologues de l’Institut national d’anthropologie et d’histoire (INAH) impliqué dans cette étude présentée en juillet 2016,

le crâne de la « Dame de Tlailotlacan », – du nom du lieu où elle a été dégagée -, a « été allongé par compression très forte », une technique de déformation artificielle inconnue à Teotihuacan mais qui était courante dans l’aire Maya du sud-est du Mexique et en Amérique centrale. La sépulture, exhumée en 2014, se trouvait d’ailleurs à l’extrémité ouest de l’antique « cité des dieux » (son nom nahuatl), dans l’ancien secteur de « Tlailotlacan », celui « des gens des pays lointains ».

Une prothèse en pierre verte de jadéite à la place d’une dent inférieure

« Les fouilles archéologiques entreprises dès 2008 à Teotihuacan ont permis d’étudier les processus d’intégration des populations étrangères. Elles sont la manifestation du caractère cosmopolite qu’avait cette cité qui a  dû accueillir des populations d’origines variées, comme l’indiquent les découvertes d’enterrements de prestige, telles que la Dame de Tlailotlacan », ajoute Veronica Ortega, à l’origine du projet. Teotihuacan a en effet constitué un grand centre d’attraction pour différentes communautés attirées par le développement économique de la ville, ses échanges de biens et la construction de ses grands sanctuaires. 

Détail des incrustations dentaires de pyrite de fer et de jadéite Crédit : INAH/Aldo Diaz Avelar

La présence de pierres rondes de pyrite de fer incrustées dans les dents supérieures, ainsi qu’une prothèse en pierre verte de jadéite à la place d’une dent inférieure, sont en effet la preuve caractéristique de l’origine étrangère de cette femme. Chez certains peuples mésoaméricains, à l’instar des anciens Mayas de la région du Petén et du Belize, les dents pouvaient en effet être décorées de jade, de turquoise, de serpentine, ou d’hématite. Pour perforer la face vestibulaire des dents et y creuser les petites cavités cylindriques destinées à recevoir ces ornements, les « dentistes » de l’époque utilisaient une pierre dure, l’obsidienne, et du quartz en poudre comme abrasif. La pierre était ensuite fixée sur la dent à l’aide de résines naturelles. Si l’on en croit les recherches effectuées sur ces pratiques, les dents étaient percées sans que la pulpe ne soit touchée…

Teotihuacan a été le plus vaste centre urbain de Mésoamérique

Pour Stephen Houston, professeur d’archéologie à l’Université Brown, à Providence dans l’Etat de Rhodes-Island (Etats-Unis), ces parures dentaires avaient pour vocation de purifier le souffle et permettre l’expression de paroles élégantes. La bouche affichant le statut social, les dents remaniées étaient toujours disposées sur les parties visibles de la mâchoire. Les pierres auraient eu des vertus magiques et étaient censées assurer une protection divine à l’individu. D’autres types de mutilations dentaires étaient également pratiqués, parmi lesquelles le limage des dents en pointe ou le laquage et la teinture faite à l’aide de bitume ou d’extraits de cochenille. Ces pratiques auraient disparu peu après l’arrivée des Espagnols au 16e siècle.

L’analyse des pierres d’incrustation devrait être prochainement réalisée, pour tenter d’en connaître la provenance.

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