Le micro-ondes qui trône dans presque toutes les cuisines fut d’abord un hasard qui date de la Seconde Guerre Mondiale. D’abord conçu pour l’industrie, fut adapté pour l’usage domestique. Ce fut une mode, quoique toujours présent, le micro-ondes sert surtout à dégeler et réchauffer les aliments que pour faire un repas
Nuage
Les 50 ans du micro-ondes: petites ondes, grande révolution
En 1967, l’entreprise Amana a commercialisé le Radarange, premier micro-ondes à usage domestique assez petit pour prendre place sur un comptoir de cuisine. Sur la photo, le premier modèle Panasonic vendu en Amérique du Nord, en 1973.
PHOTO FOURNIE PAR PANASONIC CANADA
ISABELLE MORIN
La Presse
Le micro-ondes trône dans la majorité des cuisines. Que ce soit pour cuire, réchauffer ou décongeler des aliments, il est devenu un allié quasi indispensable de nos vies pressées. Retour sur cette technologie qui remonte à la Seconde Guerre mondiale.
Ancienne publicité pour un micro-ondes de marque Amana
PHOTO FOURNIE PAR AMANA
r
Ancienne publicité pour un micro-ondes de l’entreprise Thermodor
PHOTO FOURNIE PAR THERMODOR
La découverte des micro-ondes en cuisine serait le fruit d’un heureux hasard. Durant la Seconde Guerre mondiale, Percy Spencer, ingénieur de l’entreprise Raytheon, au Massachusetts, travaillait sur un générateur de micro-ondes pour les radars quand il a réalisé qu’une friandise placée dans sa poche avait fondu. Intrigué, il a poussé ses recherches plus loin en pointant son générateur sur un oeuf, puis un épi de maïs : le premier a explosé, tandis que le deuxième a donné du popcorn !
La découverte a vite été brevetée. Dès 1947, Raytheon a lancé un four à micro-ondes destiné à un usage industriel : le Radarange. Il a cependant fallu attendre 20 ans afin que la technologie soit assez avancée pour produire un modèle plus compact et moins cher. Ce n’est qu’en 1967 que l’entreprise Amana a commercialisé un premier micro-ondes à usage domestique assez petit pour être installé sur un comptoir de cuisine.
Cet appareil révolutionnaire était vendu 640 $ à l’époque, soit l’équivalent d’environ 5000 $ aujourd’hui* : une petite fortune, mais est-ce si cher payé pour un appareil censé être « la plus grande invention en cuisine depuis le feu », comme le clamait sa publicité ? Peut-être bien… Dans les années 80, l’arrivée sur le marché de modèles japonais a fait baisser les prix et a ainsi contribué à l’essor des ventes.
En 1986, 25 % des foyers possédaient un micro-ondes. En 2009, ce chiffre avait grimpé à 96 %.
Source : The New York Times – Susan Strasse, professeure d’histoire américaine à l’Université du Delaware
UN SUCCÈS MI-CHAUD, MI-FROID
« Eh bien, voilà un grand pas qui change et changera beaucoup de choses… les fours à micro-ondes », annonçait Jehane Benoit en 1989, en préface de son Encyclopédie illustrée de la cuisine au four à micro-ondes.
Malgré les pronostics de Mme Benoit, alors associée, précisons-le, au fabricant Panasonic, l’utilisation du micro-ondes n’a pas détrôné la cuisinière.
Au Canada, les dépenses des ménages canadiens pour les micro-ondes sont restées relativement stables entre 1997 et 2016, d’après Santé Canada. Les ventes ont toutefois connu une baisse importante aux États-Unis*, qui s’explique, selon certains experts, par un désir de privilégier la qualité plutôt que la rapidité en cuisine. Aussi, le micro-ondes dispute maintenant l’espace sur nos comptoirs avec de nouveaux appareils comme la mijoteuse, le cuiseur à riz ou le Vitamix.
Aujourd’hui, il sert essentiellement à décongeler, à réchauffer les restants et les plats préparés ou à faire éclater les grains de maïs.
« C’est un effet de mode qui a passé », croit Anne-Marie Desbiens, chimiste et auteure du blogue Foodie scientifique, qui s’est intéressée à cet appareil.
Les micro-ondes ne sont plus vendus avec des sondes thermométriques et d’autres accessoires qui permettaient de cuire divers aliments plus compliqués, comme la viande, souligne-t-elle, et l’option de cuisson à convection n’est plus aussi populaire.
« J’ai l’impression qu’ils étaient plus technologiques dans les années 80 qu’ils ne le sont aujourd’hui. Il y a un savoir-faire qu’on a perdu. »
* Estimation basée sur des chiffres cités par le New York Times.
Quatre mythes déboulonnés
IL DONNE LE CANCER
Les ondes électromagnétiques du micro-ondes sont non ionisantes. Elles ne peuvent arracher les électrons des atomes, contrairement aux ondes ionisantes utilisées notamment pour les rayons X qui, elles, peuvent causer le cancer, soutient Dominic Deslandes, professeur au département de génie électrique de l’ETS.
« Beaucoup d’études ont été faites et il n’y a absolument aucune corrélation prouvée entre l’utilisation du micro-ondes et le cancer. »
Ce n’est pas tant l’appareil en lui-même que le type de contenant utilisé pour cuire les aliments qui est problématique. Certains plastiques, une fois chauffés, libèrent en effet des substances soupçonnées d’être cancérigènes.
IL DIMINUE LA QUALITÉ NUTRITIVE DES ALIMENTS
« Toute source de chaleur va dégrader les qualités nutritives d’un aliment. Ce n’est pas davantage le cas pour le micro-ondes que pour la cuisinière, selon l’ingénieur. La cuisine à l’eau est pire parce qu’elle dilue les vitamines. Le micro-ondes a un avantage sur ce point, parce qu’il cuit à la vapeur », ajoute l’ingénieur.
DES ONDES PEUVENT S’ÉCHAPPER DE L’APPAREIL
Le danger, si on pouvait l’actionner sans fermer la porte, serait… de cuire. Les anciens modèles étaient en effet moins étanches, mais les micro-ondes d’aujourd’hui sont munis d’un double mécanisme de sécurité pour contenir les ondes, assure le professeur de l’ETS. Les fabricants de micro-ondes sont soumis à des règles de construction très rigoureuses, rappelle Santé Canada. À moins d’en faire un mauvais usage ou d’utiliser un appareil endommagé, il n’y a aucune raison de le craindre, confirme également l’organisme.
DES ONDES DEMEURENT À L’INTÉRIEUR DE L’ALIMENT
Les ondes cessent de vibrer dès que l’appareil est en mode « arrêt », un peu comme lorsqu’on éteint le poste de radio. « Les « bips » en fin de cuisson indiquent tout simplement le temps nécessaire pour que la chaleur finisse de se distribuer dans la nourriture et non pas la période requise pour que les ondes se dispersent », précise Dominic Deslandes.
Au-delà de la touche popcorn
Comment ça fonctionne
Le micro-ondes utilise une fréquence de 2,4 GHz, comme un routeur ou des appareils Bluetooth.
« Il envoie un signal de 1000 W qui agite les molécules présentes à l’intérieur d’un aliment. Ce mouvement entraîne une friction qui se transforme ensuite en chaleur, explique Dominic Deslandes, professeur au département de génie électrique de l’École de technologie supérieure (ETS). Pour que ce mouvement de molécules se produise, il doit y avoir de l’eau, ce qu’on retrouve dans tous les aliments. »
Ce phénomène explique pourquoi des objets solides, comme une assiette de porcelaine, restent froids alors que la nourriture cuit.
Les +
Il produit moins de vaisselle sale et est moins énergivore qu’un four. Il chauffe aussi rapidement les liquides. Les gras et sucres des aliments peuvent aussi accélérer la cuisson, indique la chimiste Anne-Marie Desbiens.
« Les meilleures applications maintenant, je dirais que c’est pour cuire les légumes à la vapeur. Ils cuisent rapidement, et comme les vitamines sont plus solubles dans l’eau, on perd moins de la valeur nutritive de l’aliment », ajoute-t-elle.
Les –
« Quand je regarde le temps de cuisson nécessaire pour réaliser plusieurs plats [dans les anciens livres de recettes], ça revient un peu au même qu’au four », souligne la chimiste, qui ajoute à la liste de ses points faibles la complexité de cuire des aliments plus délicats comme la viande ou les gâteaux, à moins d’être équipé d’une plaque de cuisson adaptée (rare et coûteuse).
Le micro-ondes ne peut saisir, comme c’est le cas sur une cuisinière, ou braiser, comme la mijoteuse ou le four. Toutefois, le plus gros problème, selon elle, c’est qu’il cuit de manière inégale. Et ce, malgré l’ajout du plateau tournant et d’un dispositif améliorant la répartition des ondes.
« Les ondes pénètrent dans l’aliment à une profondeur de 3 cm, explique la chimiste. Pour bien les cuire, il faut donc les couper en petits morceaux, ou les changer de côté en cours de cuisson et bien les répartir dans l’assiette. »
L’intérieur d’un plat reçoit moins d’ondes que les côtés, souligne également Beth Hensperger dans son livre Not Your Mother’s Microwave Cookbook. Les parties plus délicates d’un aliment (la pointe d’une asperge, par exemple) doivent, par conséquent, être placées à l’intérieur du plat.
41 %
Selon un sondage commandé par Panasonic, 41 % des ménages utilisent leur micro-ondes chaque jour, soit aussi souvent que la cuisinière.
http://www.lapresse.ca/