C’est triste tout le tort que la drogue peut faire aux utilisateurs ainsi qu’aux bébés des femmes enceinte. Il y a une épidémie de consommation des opioïdes. Les femmes enceinte font souvent des fausses couches où acceptent de prendre de la méthadone pendant leur grossesse. Cependant, le bébé nait avec une dépendance et le sevrage est difficile et demande beaucoup d’attention. Ce qui donne une chance au bébé, S’il peut grandir dans un milieu stable sinon … leur avenir est gravement compromis
Nuage
Des bébés, victimes collatérales de la crise des opioïdes
Ce sont des victimes collatérales de l’épidémie de consommation d’opioïdes. Les bébés de mères toxicomanes viennent au monde toxicomanes à leur tour. Même quand la mère a accepté de remplacer la drogue par la méthadone, pour éviter une fausse-couche.
Un texte d’Alexandra Szacka
C’est le cas de Twanda, 30 ans. Déjà maman de trois jeunes enfants, elle a eu un accident de voiture qui lui a infligé un mal de dos chronique. Soignée aux antidouleurs à base d’opioïdes, elle y a vite pris goût. Quand le médecin n’a plus voulu lui en prescrire, elle a commencé à s’approvisionner illégalement, dans la rue.
Elle est tombée enceinte de son petit dernier et, ne voulant pas le perdre, elle a accepté de prendre de la méthadone. Le petit Kayel est tout de même venu au monde dépendant… à la méthadone. Il a dû rester plus de trois mois à l’hôpital Einstein de Philadelphie pour être sevré. On lui a administré un cocktail de médicaments, dont la morphine, pour soulager ses symptômes.
« Entre 4 et 6 heures suivant la naissance, les bébés commencent à trembler, ils pleurent, ils sont inconsolables. Ils commencent à ressentir les symptômes du sevrage parce qu’ils sont séparés de leur source que représente la mère », dit l’infirmière en chef du département des soins intensifs en néonatologie de l’Hôpital Einstein, Maryann Malloy.
Les bébés nés de mères toxicomanes ont non seulement besoin de médicaments, mais aussi de présence humaine. Ils ont constamment besoin d’être bercés, tenus dans les bras. Ils ont besoin d’être rassurés. Or, tous les bébés n’ont pas la chance de Kayel, dont la maman vient le visiter presque tous les jours.
Twanda et le petit Kayel Photo : Radio-Canada
Dans la plupart des cas, les mamans disparaissent, souvent sans laisser de traces. C’est le cas de la petite voisine de Kayel et d’un autre bébé aux soins intensifs à l’Hôpital Einstein. Sur les 12 bébés hospitalisés là-bas, 3 s’y trouvent pour un sevrage.
Des bénévoles berceuses
Pour venir en aide à ces bébés toxicomanes abandonnés, l’Hôpital a recours à des bénévoles berceuses, qui viennent donner quelques heures de leur temps uniquement pour bercer les bébés et les tenir dans leurs bras.
Des programmes similaires ont vu le jour dans presque tous les hôpitaux de Philadelphie qui disposent de service de néonatologie. À l’Hôpital Abington, le Dr Gérard Cleary s’alarme.
« Le nombre de bébés nés de mères dépendantes aux opioïdes a augmenté de 250 % au cours des 15 dernières années », affirme-t-il, tout en insistant sur la nécessité d’abord de bien diagnostiquer le bébé, dont les mamans peuvent cacher leur consommation d’opioïdes, souvent prescrits par les médecins.
Mais, une fois sevrés, ces bébés ont-ils des chances de mener une vie normale? Oui, disent tous les spécialistes que nous avons rencontrés. Le problème, en fait, n’est pas physique, car la plupart du temps, il n’y a pas de séquelles permanentes au cerveau ou ailleurs dans l’organisme. Le problème est plutôt social.
Le Dr Jeanmarie Perrone est urgentiste spécialisé dans le traitement des toxicomanies.
« Si l’enfant était adopté par une famille saine, il pourrait surmonter le handicap d’être né avec une dépendance aux opioïdes. La majorité des problèmes sont causés par leur retour dans un milieu instable », dit-il.
Eryka Waller, la travailleuse sociale qui s’occupe du petit Kayel à l’Hôpital Einstein, insiste sur le rôle de la mère.
Bien sûr, le bébé est touché, mais si la mère se reprend en main, si elle est présente pour son enfant et qu’elle en prend soin, ça aide beaucoup. Eryka Waller, travailleuse sociale
Le Dr Cleary, de l’Hôpital Abington, abonde dans le même sens. Il va même jusqu’à dire qu’il n’est pas rare de voir les femmes toxicomanes pour qui la grossesse constitue la motivation nécessaire pour entreprendre une cure de désintoxication.
Des mères vulnérables
Toutefois, les choses ne sont pas toujours aussi simples. Car ces toxicomanes futures mamans sont très vulnérables. C’est le cas d’Andrea, 34 ans, que nous avons rencontrée dans le quartier de Kensington, un des pires de Philadelphie. Ici, en novembre dernier, on a compté 50 surdoses, dont 9 mortelles en une seule journée.
Andrea Photo : Radio-Canada
Andrea se drogue depuis l’âge de 14 ans. Cela ne l’a pas empêchée de mettre au monde quatre enfants. Le premier, elle l’a tout de suite donné en adoption. Les deux suivants vivent en famille d’accueil, chez son frère. Il prend soin d’eux tant qu’Andrea est dans la rue.
Quand elle est tombée enceinte la dernière fois, d’une fille, elle a décidé de se reprendre en main. Elle est allée en cure de désintoxication, a pris de la méthadone.
« J’ai été sobre pendant toute ma grossesse et pendant l’hospitalisation de ma fille », nous dit-elle sur le trottoir où elle est venue chercher un peu de réconfort et des vêtements chauds distribués par un organisme de charité.
« Mais 4 heures avant son départ de l’hôpital, ils m’ont annoncé qu’elle ne viendrait pas avec moi. Alors j’ai fait une rechute. »
Aujourd’hui, Andrea vit dans la rue et se prostitue pour se procurer de l’héroïne. Elle ne voit pas le jour où elle pourra récupérer sa petite dernière et les deux autres.
Twanda, elle, a eu plus de chance. Son petit Kayel est sorti de l’hôpital après trois mois de cure et elle a pu l’emmener à la maison. Depuis, nous dit l’infirmière en chef, elle revient régulièrement pour le faire voir à l’équipe du département de néonatologie, qui s’est beaucoup attachée à lui. Le petit Kayel qui, en venant au monde toxicomane, a peut-être sauvé la vie de sa mère.
Le chemin de fer où se fait le trafic d’opioïdes à Philadelphie Photo : Radio-Canada/Caroline Girard
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