Le mystère du crâne percé d’Otrante résolu


Ceux à qui ont appartenus ces crânes ont eu une mort tragique, mais un d’entre-eux à servi en pharmacologie pour soigner, croyait-on, certaines maladies du cerveau
Nuage

 

Le mystère du crâne percé d’Otrante résolu

 

crâne percé Otrante

Crédits : Gino Fornaciari/Université de Pise

Par Julie Aram

Un crâne percé de 16 trous réguliers, vieux de plus de 500 ans, suscite depuis longtemps la curiosité des historiens. Des chercheurs italiens viennent de résoudre l’origine de ces mystérieux trous.

Un crâne datant du 15e siècle, appartenant à l’un des martyrs d’Otrante, suscite depuis longtemps la curiosité des historiens, en raison des 16 trous réguliers qui y ont été percés. Un mystère que des chercheurs de l’Université de Pise viennent de résoudre : ces trous ont été percés après la mort, afin d’en prélever de la poudre, à des fins d’utilisation médicinales.

Mais pour comprendre le contexte de ces travaux, il nous faut faire un peu d’histoire. Le 28 juillet 1480, une armée turque de 18 000 soldats, menée par Gedik Ahmed Pacha, se présente sous les murs de la petite ville italienne d’Otrante, forte de 6 000 habitants. Quelques jours plus tard, les soldats turcs prennent la ville, tuent une grande partie de ses hommes, et réduisent femmes et enfants en esclavage. Quelques centaines de survivants se réfugient dans la cathédrale, et commencent à prier. Assiégés par les soldats turcs, il leur est demandé de renier leur fois chrétienne. Devant leur refus, 813 d’entre eux sont décapités un à un, sur le col de la Minerva.

Un an plus tard, la ville est reprise par les forces de la couronne d’Aragon. Les corps des suppliciés sont retrouvés, et transférés dans la cathédrale d’Otrante.

Ces 813 martyrs d’Otrante sont aujourd’hui les saints patrons de la ville d’Otrante, et ont été canonisés le 12 mai 2013 par le pape François. Leurs crânes sont exposés dans la cathédrale d’Otrante, comme le montre la photo ci-dessous :

Crédits : Laurent Massoptier

Parmi ces crânes, l’un d’entre eux présente toutefois des caractéristiques surprenante : il est percé de 16 trous, parfaitement réguliers. Des trous dont l’origine n’avait jusqu’ici jamais été établie de façon certaine.

Or, des travaux menés par l’historien de la médecine Gino Fornaciari et ses collègues de l’Université de Pise (Italie) ont permis de révéler la raison de ces trous : ils auraient été percés bien après la mort de l’individu, afin d’en prélever une poudre destinée à des fins médicinales.

Comment ces chercheurs sont-ils parvenus à ce résultat ? Ils ont analysé les caractéristiques précises de ces trous, et ont pu établir qu’ils avaient été produits par un outil bien particulier : un trépan, spécialement conçu pour transformer l’os en poudre. Ce trépan était muni d’une lame en forme de demi-lune, une forme incapable de produire des disques d’os solides, mais uniquement de la poudre.

Quel était l’usage de cette poudre ? Elle servi d’ingrédient dans la confection de préparations pharmacologiques. Ainsi, le chimiste français Nicolas Lémery (1645-1715) indique dans son traité « La pharmacopée universelle » que la poudre issu d’un crâne humain était efficace dans le traitement de la paralysie, de l’épilepsie, et d’autres pathologies du cerveau.

Ces travaux ont été publiés dans le Journal of Ethnopharmacology, sous le titre« Pulverized human skull in pharmacological preparations:Possible evidence from the martyrs of Otranto (southern Italy, 1480) ».

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