Le Saviez-Vous ► Il était une fois la maladie: le trouble bipolaire après les saignées, lobotomies, électrochocs et autres


Le trouble bipolaire est connu depuis des lustres. Hippocrate, Aristote, Socrate avaient déjà une connaissance des symptômes. Les traitements par contre, n’ont pas été toujours été efficaces, on passa par les saignées, des lobotomies et les électrochocs. Aujourd’hui, cette maladie peut se traiter avec des médicaments et la personne peut vivre une vie a peu près normale
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Il était une fois la maladie: le trouble bipolaire après les saignées, lobotomies, électrochocs et autres

 

Jacques Beaulieu
Chroniqueur et communicateur scientifique

Il semble bien que la maladie soit aussi vieille que l’Homme. Hippocrate affirma que la maladie mentale était reliée à une mauvaise circulation des fluides dans le cerveau. Il avait écrit:

«Par le cerveau, nous pouvons devenir fou, enragé, nous développons de l’anxiété et de la peur la nuit ou le jour, nous pouvons souffrir d’insomnie, faire des erreurs et éprouver des inquiétudes non fondées, nous perdons la capacité à bien reconnaître la réalité, nous devenons apathiques et ne pouvons plus participer à la vie sociale.» (Hippocrate, traduit du grec ancien par Andreas Marneros, 1897).

Aristote établit un lien entre le génie (la créativité) et la folie (la manie). Déjà, deux siècles avant Jésus Christ, le médecin grec, Arétée de Cappadoce parlait de personnes souffrant de manies suivies d’épisodes de mélancolie. Dans son Traité des signes, des causes et de la cure des maladies aigues et chroniques, on peut lire:

«La manie peut varier en apparence et prendre mille formes, mais au fonds c’est toujours la même maladie: c’est une démence totale, chronique, sans fièvre, ou si la fièvre l’accompagne, ce n’est qu’accidentellement et nom à raison de la maladie.»

Et un peu plus loin: «La maladie a des intermissions complettes (sic) et peut même cesser entièrement par un traitement convenable.» (Arétée de Cappadoce, Traité des signes, des causes et de la cure des maladies aigues et chroniques, traduit du grec par M. L. Renaud, docteur en médecine, Éd. Lagny, Paris 1834. pp. 87-88).

Plus ça change, plus c’est pareil

Je suis souvent étonné de trouver dans ces écrits qui datent de plus de deux mille ans autant de vérités et de similitudes avec ce qui est généralement admis aujourd’hui. Ainsi, Arétée décrit les personnes souffrant de manie:

«Parmi les maniaques, on en voit dont la folie est d’une nature gaie, qui rient, qui chantent, dansent nuit et jour, qui se montrent en public et marchent la tête couronnée de fleurs, comme s’ils revenaient vainqueurs de quelques jeux ; d’autres dont la fureur éclate à la moindre contradiction (…). La manie prend une infinité de formes différentes ; parmi les gens bien élevés et qui ont l’aptitude aux sciences, on en a vu plusieurs devenir astronomes sans maîtres, philosophes sans précepteurs, poètes d’eux-mêmes.»

D’autres observations du même médecin semblent aussi intemporelles:

«Le genre de vie particulier dispose aussi à la manie comme de manger trop, de se remplir outre mesure, l’excès dans la boisson, l’abus ou le désir trop ardent des plaisirs vénériens. (…)» (Arétée de Cappadoce, Traité des signes, des causes et de la cure des maladies aigues et chroniques, traduit du grec par M. L. Renaud, docteur en médecine, Éd. Lagny, Paris 1834. pp.90-91).

Par contre, là où la sauce se gâche est dans les causes et surtout les traitements qu’il préconise:

«La cause de la manie réside dans la tête et dans les hypocondres (NA: abdomen) (…) Il faut saigner avec beaucoup de précaution les mélancoliques ; car cette maladie provient plus de la mauvaise qualité du sang que de la quantité…» (p.389).

La naissance du nom

L’expression maniaco-dépression, qui décrivit longtemps la maladie, vient de Théophile Bonnet, médecin privée d’Henri II d’Orléans-Longueville vers la fin du XVIIème siècle. Ce médecin parlait alors de manico-melancolus. Successeur de Philippe Pinel à l’hôpital de la Salpètrière, Jean-Étienne Esquirol crée le terme demonomanie. Son élève, Jules Baillarger, parle au milieu des années 1800 de folie à double forme composée de deux périodes: l’une de dépression, l’autre d’excitation. Quelques années plus tard, Jean-Pierre Falret écrit un ouvrage avec une description très précise de la folie à double forme, qui étonne encore aujourd’hui par la modernité de ses propos.

Considéré comme l’un des pères de la psychiatrie, Emil Kraepelin publie en 1883 le Compendium der Psychiatrie et effectue une classification originale des troubles psychiatriques selon deux types qu’il nomme: la maniaco-dépression et la démence précoce (dichotomie de Kraepelin). Il y distinguera un grand nombre de types évolutifs de ce qu’il nomme la folie maniaco-dépressive, dont les formes unipolaires et bipolaires. Au début du vingtième siècle, les psychiatres allemands Karl Kleist, Carl Wernicke et Karl Leonhard parlent du trouble bipolaire, terme qui demeurera dorénavant le plus utilisé pour décrire la maladie. Vers la fin des années 1960, Jules Angst, Carlo Perris et George Winokur raffinent encore la description des types de désordres bipolaires.

De nombreux patients mourraient épuisés ou encore des suites d’une infection opportuniste conséquente aux états de grande fatigue dans lesquelles ils se retrouvaient après des mois, voire des années, en phase maniaque.

Traitements du trouble bipolaire

Outre les saignées et diètes proposées depuis Arétée de Cappadoce durant l’Antiquité, la médecine eut peu à offrir aux personnes atteintes du trouble bipolaire. Les cas les plus lourds étaient enfermés dans les asiles psychiatriques, et les autres fort probablement laissés pour compte. Certaines sources thermales disponibles en Europe se faisaient dans des eaux dont la concentration en sels de lithium était relativement plus élevée et on remarquait que les patients qui y séjournaient se portaient mieux.

Ainsi, la ville de Santenay en France a connu ses premières eaux thermales dès le début de notre ère. On y trouvait un sanctuaire dédié aux nymphes. Au XVIIe siècle, on lui donna le nom de «Fontaine salée». Autour des années 1890-1910, diverses sources s’ajoutèrent, attirant de nombreux touristes, telles la Source Lithium, la Source Carnée et la Source Santana. En déclin dû aux deux grandes guerres mondiales, certaines dont la Source Lithium reprennent du service vers les années 1945-1950. Depuis 1995, elles sont toutes fermées.

Deux autres traitements firent leur apparition au début du vingtième siècle et disparurent presque totalement au milieu des années 1940: la lobotomie et les électrochocs.

D’efficacité douteuse, ces techniques déclinèrent rapidement avec l’arrivée de médicaments efficaces.

John Frederick Cade est né en 1912 et fut un illustre psychiatre australien. Comme au début des années 1950, les protocoles de recherches n’étaient pas ceux qu’on connaît aujourd’hui, il décida de tester sur lui-même les effets du lithium. Son essai dura deux semaines durant lesquelles il put trouver une dose suffisante de lithium sans trop d’effets toxiques. Puis il l’administra à un premier patient en phase maniaque. Selon sa description personnelle, il s’agissait d’un homme de 51 ans en phase maniaque depuis cinq ans. Le patient était épuisé, sale, autodestructeur, malicieux et reconnu depuis longtemps comme étant le pire patient du service. Après trois semaines de traitement, il put être transféré à l’aile de convalescence et, après trois mois, il put quitter définitivement l’hôpital psychiatrique et se trouver un emploi régulier.

L’efficacité était prouvée, mais l’utilisation du médicament posait toujours de graves problèmes de toxicité. En réalité, le problème principal se situait au niveau de la posologie. Il faudra donc attendre jusque vers les années 1950, date à laquelle un nouvel instrument fit son apparition, le spectrophotomètre de flamme, pour que le docteur Morgan Schou du Danemark l’utilise et fasse le dosage du lithium dans la circulation sanguine. Il devenait alors possible d’atteindre un niveau optimal et vérifiable de lithium sanguin et d’en contrôler la dose pour la maintenir en dessous des limites toxiques. Le lithium put alors faire son entrée réelle dans la pharmacopée actuelle.

Ce médicament présenta deux effets immédiats. Dans un premier temps, il réduisit rapidement les taux de mortalité dans les hôpitaux psychiatriques. Avant son arrivée, de nombreux patients mourraient épuisés ou encore des suites d’une infection opportuniste conséquente aux états de grande fatigue dans lesquelles ils se retrouvaient après des mois, voire des années, en phase maniaque.

Le deuxième effet se fit sentir plus lentement mais tout aussi sûrement par un changement de la perception des maladies mentales. Elle deviendra de mieux en mieux comprise, non plus comme une faiblesse ou un défaut moral, mais bien comme une maladie avec des causes physiologiques.

Deux références: l’organisme Revivre et le livre Le trouble bipolaire pour ceux qui en souffrent et leurs proches, Dre Marie-Josée Filteau et Jacques Beaulieu, Les éditions La Semaine.

http://quebec.huffingtonpost.ca/

Le Saviez-Vous ► L’hystérie, la démence… pour accabler les femmes, toutes sortes de maladies ridicules ont été inventées dans le passé


Il est vrai qu’entre homme et femme, la maladie peut agir différemment, et certaines touchent plus un sexe que l’autre. Cependant, la médecine a longtemps négligé les femmes et les médecins ont préféré inventer des maladies souvent sexistes et inutiles, et même très dangereuses si on songe, par exemple, que là les femmes ont été en grand nombre à subir une lobotomie à comparer aux hommes
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L’hystérie, la démence… pour accabler les femmes, toutes sortes de maladies ridicules ont été inventées dans le passé

 

Par Charlotte Arce

Hystériques, folles à lier, désaxées, névrosées… : parce qu’elles sont considérées comme instables et émotives, les femmes ont longtemps été soupçonnées par le corps médical d’être sujettes aux maladies mentales. La preuve avec ces 6 pathologies « typiquement féminines » et totalement invraisemblables inventées pour maintenir les femmes à leur place, comme le révèle le site américain Mic.

La « bicycle face »

C’est sans doute l’un des maux touchant les femmes les plus idiots jamais imaginées, affirme Mic.com. En 1895, le journal The Springfield Republican publie un article dans lequel il met en garde les femmes contre les ravages causés par la bicyclette. En se déplaçant régulièrement en vélo, elles prenaient le risque d’être victimes du syndrome de la « bicycle face » (littéralement, le visage du vélo), c’est-à-dire de voir leur visage rester irrémédiablement figés dans une grimace d’effroi. L’épuisement, l’insomnie, les palpitations cardiaques, les maux de tête et la dépression étaient aussi considérés comme des effets secondaires d’une pratique régulière de la bicyclette chez les femmes.

Surtout, la bicyclette a été le premier moyen de transport que les femmes pouvaient prendre seules et sur de longues distances sans avoir besoin d’un homme à leurs côtés. En cela, le vélo est lié à l’émergence du féminisme. Le magazine Vox souligne d’ailleurs qu’en Angleterre, les Suffragettes étaient de grandes amatrices de bicyclette, et que son adoption par de nombreuses femmes a grandement contribué à révolutionner la tenue des femmes, qui, pour mieux pédaler, ont fini par abandonner le corset.

L’utérus vagabond

Grand classique des pseudo-pathologies féminines, le syndrome de « l’utérus vagabond » trouve ses racines dans la Grèce Antique : Hippocrate, considéré comme le père de la médecine, le décrivait comme « un animal dans un animal » (sympa…) qui ferait vibrer le corps de la femme et affecterait ses humeurs et sa santé.

L’une des « prescriptions » pour lutter contre le syndrome de l’utérus vagabond a d’ailleurs longtemps été de tomber régulièrement enceinte pour empêcher l’utérus de se balader. Un médecin byzantin aurait également conseillé aux femmes qui souffraient de ce mal de crier ou d’éternuer pour maintenir leur utérus en place.

L’hystérie

Tout droit dérivé du syndrome de l’utérus vagabond, l’hystérie (utérus en grec) est restée fortement associée à la féminité, en dépit des efforts au XIXe siècle de Charcot, Janet, Freud, Breuer, etc. qui ont chacun démontré l’existence d’hystéries chez les hommes.

D’après les médecins de l’époque, l’hystérie se traduit par « la maladie de l’utérus », aux symptômes aussi variés que « l’anxiété, l’insomnie, l’irritabilité, la nervosité, le fantasme érotique, des sensations de lourdeurs dans l’abdomen, l’oedème pelvien et la lubrification vaginale ». Le remède prôné par les médecins et les sages-femmes ? Un « massage des organes génitaux jusqu’à l’orgasme » des femmes souffrant d’hystérie grâce aux premiers vibromasseurs de l’histoire. Pour une fois qu’une fausse maladie (et sexiste de surcroît) sert à quelque chose…

La surcharge émotionnelle

Parce qu’elles sont incapables de maîtriser leurs émotions et en perdent forcément à un moment ou à un autre la raison, les femmes sont aussi les premières et principales victimes des lobotomies, ces opérations chirurgicales archaïques ayant pour but d’interrompre certains circuits neuronaux pour traiter les maladies mentales.

La première lobotomie de l’histoire a d’ailleurs été réalisée sur une femme au foyer du Kansas en 1936. Walter Freeman, le psychiatre qui a prescrit l’opération, aurait diagnostiqué une « surcharge émotionnelle ayant conduit à la maladie mentale ». Il en aurait conclu que le seul remède qui vaille soit de couper certains nerfs dans le lobe frontal (siège de la personnalité et des fonctions cognitives supérieures) pour stabiliser la maladie mentale de la patiente.

Avant d’être privé d’exercer en 1967 suite à la mort d’un de ses patients sur la table d’opération, Walter Freeman a eu le temps de réaliser au moins 3 500 lobotomies dans 23 États américains. Selon les experts, les États-Unis ont pratiqué plus de 50 000 lobotomies au début des années 50.

Une pratique répandue dans de nombreux pays, parmi lesquels la Suède. Le Journal of the History of the Neurosciences: Basic and Clinical Perspectives estime que 63% des lobotomies réalisées dans le pays ont été pratiquées sur des femmes.

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