En Afrique du Sud, on accuse les intersexes de porter malheur


Quand l’ignorance fait place au porte-malheur et à la sorcellerie, il y a de la discrimination et des victimes. Les personnes intersexuées font partie des victimes, en Afrique du Sud, car on ne comprend pas que des bébés puissent naitre avec les attributs des deux sexes. Même si des programmes d’éducation, essaient de faire leur place, le changement de mentalité est plutôt lent.
Nuage


En Afrique du Sud, on accuse les intersexes de porter malheur

Près de 1,7% de la population mondiale serait intersexuée. | Volkan Olmez via Unsplash

Près de 1,7% de la population mondiale serait intersexuée. | Volkan Olmez via Unsplash

Repéré par Mathilda Hautbois

Plusieurs sages-femmes ont admis avoir tué des bébés ayant des organes génitaux indéfinis.

L’intersexualité désigne les personnes nées avec des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux définitions typiques d’homme ou de femme: elles viennent au monde avec les attributs des deux sexes. Près de 1,7% de la population mondiale serait intersexuée.

Babalwa Mtshawu, 32 ans, s’est toujours sentie différente. Née avec l’apparence d’une femme à l’extérieur, mais avec une anatomie essentiellement masculine à l’intérieur, elle n’a jamais eu de règles ou de seins comme les autres filles autour d’elle. Elle a grandi dans une petite ville d’Afrique du Sud, au sein d’une famille conservatrice avec qui il s’avère être compliqué de parler de son corps.

 «J’étais consciente que quelque chose n’allait pas tout à fait avec mon corps, dès mon plus jeune âge, à cause de tous les signes. Mais je viens d’une famille noire très traditionnelle, dans laquelle nous n’avons jamais parlé de santé sexuelle ou reproductive», a-t-elle raconté à CNN.

Babalwa a finalement rencontré un médecin à 25 ans, après des années de questionnement sur sa différence.

«Les médecins ont fait quelques tests, et c’est là que j’ai découvert que j’étais intersexuée.»

Porte-malheur et sorcellerie

Plusieurs sages-femmes et guérisseur·euses ont admis avoir tué des bébés ayant des organes génitaux indéfinis, selon un rapport publié en 2018 par le journal sud-africain Mail & Guardian. Ils sont tués en raison de croyances ancestrales et parce qu’ils sont vus comme un signe de sorcellerie.

Selon un rapport soumis au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme par le Legal Resources Center, la chirurgie est pratiquée sur les organes génitaux des nouveau-nés et des enfants pour des raisons culturelles. Certaines personnes qui ont subi ces chirurgies considèrent qu’elles sont cruelles et inutiles, citant des dommages tels que la stérilité, la sensibilité génitale et la dépression post-chirurgicale, d’après le rapport.

Il existe également de nombreuses idées reçues sur l’intersexualité. L’éducation en matière de genre et de diversité sexuelle est mandatée par la Constitution sud-africaine, mais peu d’écoles intègrent l’enseignement des variations sexuelles dans leurs programmes scolaires. Selon Babalwa Mtshawu, éduquer les élèves sur l’intersexualité réduirait les idées reçues.

«Le programme d’études change lentement en Afrique du Sud, et je pense qu’il leur sera facile d’enseigner l’intersexualité parce que c’est tout simplement de la biologie. C’est un phénomène naturel, comme quelqu’un qui naît sans bras ou avec un doigt en trop.»

Malgré ces discriminations, l’Afrique du Sud a promulgué des lois pour protéger les droits des personnes intersexes. La loi de 2003 sur la description du sexe reconnaît les intersexes et leur permet de modifier leur nom et leur sexe sur les certificats de naissance en fonction de leur genre préféré. Cette loi stipule que les personnes intersexes doivent être traitées sur un pied d’égalité et sans préjudice.

http://www.slate.fr/