En Chine, des écoles financées par l’industrie du tabac


L’industrie du tabac en Chine aide à faire face à la pauvreté et reconstruire des écoles rurales. En plus, ils osent écrire «Le génie provient du labeur, le tabac vous aide à exceller». Comment peut-on écrire des âneries, sachant très bien les effets néfastes du tabac.
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En Chine, des écoles financées par l’industrie du tabac


Un enfant souffle la fumée d'une cigarette, à Beijing, en Chine, en 1998 | Chai Hin Goh / AFP

Un enfant souffle la fumée d’une cigarette, à Beijing, en Chine, en 1998 | Chai Hin Goh / AFP

Repéré par Léa Polverini

Repéré sur The Conversation

La première productrice mondiale de tabac investit dans les écoles primaires des zones rurales de la Chine, et cherche à exporter ce modèle à l’étranger.

«Le génie provient du labeur, le tabac vous aide à exceller», peut-on lire sur les murs d’une école primaire du Sichuan, en Chine. Si le slogan semble tout droit sorti d’une mauvaise dystopie, il reflète le quotidien d’une petite partie de la Chine rurale, où la plus grande industrie du tabac au monde investit dans la création d’écoles.

La China Tobacco, ou Bureau du monopole national du tabac, qui détient 40% de la production mondiale de cigarettes et revend ses produits à plus de 300 millions de fumeurs chinois, est une entreprise tenue par le gouvernement et dont le pouvoir financier aussi bien que politique est considérable. Étant censée suivre les orientations du gouvernement chinois, son investissement dans le milieu scolaire s’inscrit dans l’objectif de réduction de la pauvreté formulé par celui-là: c’est le projet «Hope» («Espoir»), qui vise au développement des zones rurales à travers la création d’écoles primaires.

Une «responsabilité sociale»?

Nombre de ces écoles ont été construites à la suite du terrible séisme de 2008qui avait ravagé la province du Sichuan. Il n’existe pas de données officielles exactes, mais on estime leur nombre à plus de cent. Parrainage oblige, elles sont nommées d’après le fabricant de tabac, on retrouve ainsi l’école primaire «Sichuan Tobacco Hope», ou la «Yingkesong Hope». Cette initiative, présentée comme l’exigence et le fruit d’une responsabilité sociale, procure surtout des vitrines studieuses à l’industrie du tabac

Entre charité et propagande, le cœur des parents et des écolier·es balance. Un groupe d’universitaires du Peking Medical Union College et de la Simon Fraser University ayant mené une étude dans un village du Yunnan où se tient l’une de ces «écoles du tabac» a noté que l’opinion publique était largement favorable à ce type de projet. De fait, cela contribue à financer les fournitures scolaires, les bibliothèques, les bourses d’étude, et parfois même des primes destinées aux enseignant·es.

Parmi les directeur·ices d’écoles et les instituteur·ices interrogées, la plupart mettent l’accent sur la «gentillesse» de l’industrie envers la communauté et témoignent de leur «gratitude», constatant les avantages ainsi apportés aux élèves. Des élèves ont quant à eux exprimé leur souhait d’«étudier dur pour rembourser» l’entreprise.

Ou une «propagande déguisée»?

Certains parents restent plus sceptiques, évoquant une «propagande déguisée». Mais dans des régions où les gouvernements locaux manquent de moyens pour offrir des infrastructures de qualité à la population, le dilemme moral semble insoluble: «le tabac, c’est mauvais, mais l’argent, c’est de l’argent», résume un parent.

Ces écoles parrainées par l’industrie du tabac ne sont d’ailleurs pas réservées au seul territoire chinois. La China National Tobacco a déjà investi dans deux autres pays: au Zimbabwe, depuis 2005, et au Cambodge, à partir de 2013, à travers sa filiale Viniton Group.

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