A chaque année le Ig Nobel attire les scientifiques avec leurs expériences et conclusions qui peuvent être assez étranges, car le IgNobel a pour objectif de récompenser les réalisations qui font d’abord rire les gens, puis les font réfléchir. Les prix sont également utilisés pour souligner que même les recherches paraissant absurdes peuvent apporter des connaissances utiles.
Nuage
Ig Nobel 2017 : un chat et du fromage qui pue

Nathalie Mayer
Journaliste
Deux des dix prix Ig Nobel 2017, qui récompensent la science insolite, sont attribués à des chercheurs français. Il s’agit du prix Ig Nobel de physique, pour une étude sur les chats, et du prix Ig Nobel de médecine, pour des travaux portant sur l’aversion pour les fromages qui puent.
Les chats sont-ils solides ou liquides ? C’est la question qui a valu à un physicien de l’ENS de Lyon le dernier prix Ig Nobel de physique, remis le 14 septembre au Harvard’s Sanders Theatre (États-Unis). Car il a remarqué que, comme les liquides, les chats semblent parfois ne plus avoir de forme propre et être capables d’adopter celle du récipient qui les contient.
D’ailleurs, les principes de la dynamique des fluides que ce chercheur a mis en œuvre ne lui ont pas permis de répondre de manière définitive !
Le physicien assure tout de même que son travail permet d’éclairer « certaines des questions réelles que se pose la rhéologie [l’étude de la déformation et de l’écoulement de la matière sous l’effet d’une contrainte appliquée, NDLR] ».
Des chercheurs français se sont vu attribuer l’Ig Nobel de médecine pour leurs travaux sur l’aversion au fromage. © Philipimage, Fotolia
Le dégoût du fromage et les Français
Des neuroscientifiques du Centre de recherche en neuroscience de Lyon et du Laboratoire de neuroscience Paris Seine ont, quant à eux, été récompensés pour leurs travaux sur le fromage qui pue. Un sujet bien français, diront les mauvaises langues, mais peu importe, puisqu’il leur aura valu un Ig Nobel de médecine.
Car l’aversion au fromage est un phénomène très répandu. Et l’aversion constitue l’un des éléments clés de notre défense vis-à-vis d’un objet d’agression, d’où l’intérêt de l’étudier. Leur conclusion : sur le plan neurofonctionnel, le dégoût du fromage serait à associer à une modification de l’activité du circuit de la récompense.
Parmi les autres sujets récompensés :
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une étude portant sur la taille des oreilles des hommes âgés ;
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une autre portant sur le lien entre un contact avec un crocodile vivant et l’envie de miser gros ;
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une autre encore portant sur la pratique d’un instrument à vent pour lutter contre le ronflement
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POUR EN SAVOIR PLUS
Ig Nobel 2013 : des Français médaillés pour une découverte sur l’ébriété
Article de Jean-Luc Goudet paru le 13/09/2013
On se croit attirant quand on est soûl, selon une étude grenobloise. Il est difficile de savoir quand une vache va se relever. Les airs d’opéra ont un effet positif sur les souris cardiaques, et il est possible d’évacuer des pirates de l’air en plein vol. Le cru 2013 des prix « anti-Nobel » est assez croustillant.
Le comité réuni par l’honorable association Improbable Research, chargé de récompenser les – véritables – études scientifiques « qui font rire puis réfléchir », a rendu jeudi 12 septembre au soir son verdict tant attendu. La cérémonie de remise des Ig Nobel 2013, qui s’est tenue pour la 23e fois depuis 1991 dans le théâtre Sanders, sur le campus de l’université Harvard (Cambridge, États-Unis), n’a pas déçu.
La science française s’enorgueillit de figurer au palmarès avec un très bel Ig Nobel de psychologiepour un travail sur l’autosatisfaction ressentie en état d’ébriété. Terminée en 2012 et publiée en 2013 dans le British Journal of Psychology, l’étude de l’équipe menée par Laurent Bègue(université Pierre Mendès-France, Grenoble) était intitulée « Beauty is in the eye of the beer holder : People who think they are drunk also think they are attractive ». Il faut être anglophone pour comprendre le jeu de mots, facétie assez rare dans la littérature scientifique. L’adage « beauty is in the eye of the beholder », soit « la beauté est chez celui qui regarde », veut signifier que la notion de beauté est subjective. Ici, il s’agit des buveurs de bière (beer) et la suite du titre clarifie la pensée des auteurs : « les gens qui pensent qu’ils sont soûls pensent aussi qu’ils sont attirants ». La conclusion de l’étude, donc sur des personnes pensant qu’elles ont trop bu, était que ce phénomène s’explique par un effet placebo (et qu’il n’affecte que la personne concernée, son entourage y restant insensible).
Laurent Bègue, du Laboratoire interuniversitaire de psychologie, personnalité, cognition, changement social (LIP-PCS, UPMF de Grenoble) a fait le voyage à Cambridge (Massachusetts) pour assister à la cérémonie de remise des prix Ig Nobel et recevoir celui décerné à son équipe. © DR
Cru 2013 des Ig Nobel : la boussole du bousier et des maths assez vaches
Le reste de la sélection vaut le détour. Dans l’improbable catégorie Biologie et astronomie, la récompense est accordée à un travail international qui avait déjà eu les honneurs de notre rubrique Science décalée. L’étude démontre que le bousier s’oriente la nuit en s’aidant de la Voie lactée. Un argument de plus pour s’inquiéter de la pollution lumineuse du ciel…
L’Ig Nobel de physique revient à une étrange recherche sur l’effet de la faible gravité qui permettrait à certains de courir sur une surface d’eau à condition qu’elle soit sur la Lune. Peut-être une expérience intéressante à réaliser dans l’Airbus Zéro G de Novespace, organisant des vols paraboliques simulant une gravité nulle, lunaire ou martienne.
Le prix de la Probabilité (car l’Ig Nobel, contrairement au Nobel, s’intéresse aussi aux mathématiques) revient à une équipe qui s’est focalisée sur les mouvements verticaux des ruminants, découvrant deux résultats importants en matière de statistiques. Premièrement, plus une vache est restée longtemps couchée, plus est grande la probabilité de la voir se relever l’instant suivant. Deuxièmement, considérant une vache debout, il est très difficile de savoir quand elle va se coucher.
Le dispositif anti-pirates de l’air, brevet du Bureau américain des brevets et des marques de commerce numéro 3.811.643, 21 mai 1974. © DR
L’opéra a du cœur mais pourra-t-on applaudir ?
En médecine, il faut sans doute souligner l’importance de cette étude japonaise selon laquelle écouter des airs d’opéra augmente les chances de survie après une transplantation cardiaque, du moins chez la souris. L’Ig Nobel de chimie quant à lui ne va pas à une découverte, mais à une constatation : on ignore pourquoi les oignons font pleurer et mais on sait désormais que la réponse est complexe.
Dans le domaine de la sécurité, le jury a déterré une demande de brevet datant de 1974 décrivant un système d’encapsulation automatique de pirates de l’air (voir illustration). Piégés par un système composé d’une trappe invisible et d’un filet, les détourneurs d’avion peuvent ensuite être évacués sous parachute sur une zone où la police les attend.
Enfin, signalons le très mérité Ig Nobel de la paix décerné à Alexandre Lukashenko, président de la république de Biélorussie, pour avoir interdit les applaudissements en public. Cet intéressant progrès de la démocratie avait fait le buzz durant l’été 2011 quand, au nom de cette prohibition, une amende avait été infligée à un manchot.
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