Hier, je mettais des gants blancs pour expliquer mon malaise devant les millions de donations pour reconstruire Notre-Dame de Paris. J’étais mal à l’aise devant cette générosité pour un immeuble alors qu’il y a tellement de misère dans le monde, la famine, la pauvreté, la planète entière a besoin qu’on agisse pour l’environnement et les animaux en voie de disparition pour sauver l’écosystème. Où sont les priorités ? Moralement, peut-on vraiment reconstruire une cathédrale pour l’histoire, pour le symbole qu’elle représente ?
Nuage
Notre-Dame : le milliard d’euros qui interroge les associations
par Coline Mionnet, rédactrice scientifique
Moins de 48 heures après l’incendie qui a ravagé la charpente de la cathédrale Notre-Dame de Paris, plus d’un milliard d’euros de dons ont déjà été promis à la Fondation éponyme ou à la Fondation du Patrimoine, selon Stéphane Bern.
De grandes fortunes françaises se sont déjà empressées de voler au secours de l’un des monuments emblématiques de France. Un engouement qui amène certaines associations à se poser des questions et à élever la voix.
Des associations qui se questionnent sur les priorités
D’après le site agoravox, “la niche fiscale sur le mécénat coûte plus de 900 millions d’euros par an à l’Etat. Un chiffre multiplié par 10 en 15 ans (…)”.
En effet, ces dons relèvent de la niche fiscale du mécénat, ouvrant droit à une déduction d’impôt de 60%. Une partie du don serait financé par la collectivité publique et donc par les impôts des particuliers.
La famille Bettencourt (L’Oréal) a donné 200 millions d’euros, tout comme la famille Arnault (LVMH). La famille Pinault (Artemis, Kering) a quant à elle annoncé aujourd’hui qu’elle renonce à la déduction fiscale de son don de 100 millions d’euros.
Les collectivités parisiennes se mobilisent également pour Notre-Dame. La mairie de Paris débloque 50 millions d’euros et la région Île-de-France, 10 millionsd’euros. Probablement assez pour construire des logements pour tous les sans-abris de France.
En pleine crise des gilets jaunes, la reconstruction de ce monument historique, aussi importante soit-elle, doit-elle être une priorité absolue ? La Fondation Abbé Pierre est l’une des premières associations à remercier le geste tout en s’insurgeant poliment.
Elle a posté ce tweet hier, le 16 avril :
“400 millions pour #NotreDame, merci @KeringGroup @TotalPress @LVMH pour votre générosité : nous sommes très attachés au lieu des funérailles de l’abbé Pierre. Mais nous sommes également très attachés à son combat. Si vous pouviez abonder 1% pour les démunis, nous serions comblés.”
— FondationAbbéPierre (@Abbe_Pierre) 16 avril 2019
D’après le dernier et 24ème rapport sur l’état du mal logement en France publié en février dernier par la Fondation, 4 millions de personnes sont mal logées ou sans domicile et 12 millions de personnes connaissent une situation fragilisée par la crise du logement.
Crédits : Fondation Abbé Pierre – Ministère de la Cohésion des Territoires
Quand on voit que les dépenses publiques liées au logement n’ont cessé de diminuer depuis 2010, on comprend que des associations comme la Fondation Abbé Pierre puissent se demander quelles sont les priorités pour la France et sa population aujourd’hui. Reconstruire un monument historique dans les 5 prochaines années c’est optimiste, mais agir avec autant de rapidité et de force pour les plus démunis et l’environnement serait héroïque.
La lettre ouverte de l’association Wings of the Ocean
Nous vous avions déjà parlé de cette association dédiée à la collecte de déchets plastiques en mer et sur les côtes dans un article publié en février dernier. Elle est présidée par Julien Wosnitza, qui a écrit une lettre ouverte à François Pinault et Bernard Arnault ce 16 avril. Il demande aux milliardaires une enveloppe de 100 millions d’euros “pour déployer 35 bateaux à chaque embouchure de fleuve et payer les salaires des marins qui effectueront cette dépollution.” Dix fleuves sont concernés : deux en Afrique et huit en Asie.
L’association a mis au point un système utilisant des chaluts de surface Thomsea, fabriqués en France, tractés par des petits bateaux à voile.
Pour Julien, pas de doute sur les priorités. Si on veut sauver l’humanité, il faut sauver les océans. Et ça commence par nettoyer les embouchures de fleuves, les plages et les océans, mais aussi et surtout éduquer les populations sur les conséquences du plastique et de la pollution aquatique.
Crédits : Wings of the Ocean – Thomsea
[Lettre Ouverte à François Pinault et Bernard Arnault]
“Suite à l’incendie qui a emporté la charpente de Notre-Dame de Paris, drame National qui aura ému aussi bien les français que la communauté internationale, vous avez décidé dans un acte d’une générosité rare, d’octroyer respectivement 100 et 200 millions d’Euros pour financer la reconstruction de cet édifice séculaire.
Nous vous remercions de cet acte de générosité, et sommes sûrs que la cathédrale pourra être rénovée dans les meilleures conditions grâce à votre donation, mais aussi et surtout grâce à la passion des ouvriers qui effectueront cette rénovation.
C’est aussi un tour de force que vous réalisez là, en étant capable de financer le bien commun, ici représenté par la cathédrale Notre-Dame de Paris.
J’aimerais vous proposer de financer (de sauver) un autre bien commun, bien plus visité chaque année que la cathédrale de Paris, et dont nous dépendons tous : les océans.
Aujourd’hui nos océans sont infestés de plastiques. 800.000 Tonnes de déchets sont envoyés chaque année dans nos océans par seulement 10 fleuves, 2 en Afrique et 8 en Asie.
La bonne nouvelle c’est qu’ensemble, les associations de dépollution océanique et les grands mécènes, nous pouvons endiguer très fortement ce phénomène.
L’association que je préside a mis au point un système que nous pouvons déployer directement aux embouchures de ces fleuves, en utilisant des chaluts de surface Thomsea (fabriqués en France) tractés par des petits bateaux.
Toute la technologie est existante, il ne nous manque que les financements pour déployer une flotte de bateaux ramasseurs de déchets aux embouchures de ces fleuves.
Nous estimons qu’il nous faudrait 100 millions d’Euros pour déployer 35 bateaux à chaque embouchure de fleuve et payer les salaires des marins qui effectueront cette dépollution.
Au vu de votre générosité et de votre intérêt pour la sauvegarde du patrimoine mondial, je ne saurais douter de votre intérêt à sauvegarder les océans.
Nous nous ferions un plaisir de vous en expliquer les détails et d’envisager un déploiement rapide d’une telle flotte.
Bien Cordialement,
Julien Wosnitza
Fondateur, Wings of the Ocean”
Sources : Wings of the Ocean, Ouest France