Ces fausses nouvelles « zombies » qui refusent de mourir


La désinformation a toujours existé. Avant, c’était du commérage de quartier, mais aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, certaines fausses nouvelles prennent de l’ampleur et dure des années. Même les sites fiables se font prendre quelques fois, mais ils corrigent par la suite, sauf que d’autres vont continuer a partager sans se soucier que ce soit vrai ou faux. Comme les commères d’autrefois.
Nuage


Ces fausses nouvelles « zombies » qui refusent de mourir

Un main de zombie tient un téléphone intelligent.

Certaines fausses nouvelles meurent de leur belle mort, mais d’autres semblent avoir une longévité infinie. Rien n’y fait : elles sont difficiles à contrer.

PHOTO : ISTOCK

Alexis De Lancer

Comment expliquer qu’elles résistent autant aux assauts des journalistes qui en démontrent la fausseté?

La mission première de l’équipe des Décrypteurs est de débusquer la désinformation. Mais on doit parfois s’avouer vaincus. Quoi qu’on fasse, certaines fausses nouvelles sont plus coriaces que d’autres. Immortelles?  Peut-être.

Les fausses nouvelles zombies sont bien installées dans le paysage médiatique et l’avènement des médias sociaux n’a fait qu’amplifier le phénomène. Des exemples? On a l’embarras du choix.

Parmi les classiques : les photomontages.

Ce photomontage circule sur Twitter depuis 2011.

Les passages d’ouragans sont un terreau fertile pour ce type d’images trompeuses. Que ce soit un requin nageant paisiblement dans une autoroute submergée ou un alligator égaré devant une maison, les partages de ces photomontages se comptent par milliers.

Ouragan après ouragan, malgré toutes les preuves présentées pour en démontrer la fausseté, rien n’y fait. Même la célèbre journaliste américaine Katie Couric s’est fait prendre au piège.

La journaliste Katie Couric a partagé ce photomontage après l’ouragan Harvey.

Mais certaines fausses nouvelles zombies peuvent être plus problématiques. Une des plus partagées au Canada laisse entendre que les réfugiés reçoivent davantage d’aide financière d’Ottawa que les personnes aînées.

Mon collègue Jeff Yates a décrypté cette fausse nouvelle à plusieurs reprises depuis 2015. La source de cette information fallacieuse est un article publié par le Toronto Star en 2004. Le quotidien a d’ailleurs reconnu avoir commis une erreur en publiant cet article, dont certains passages portaient à confusion.

Même le gouvernement fédéral a tenu à rectifier les faits (Nouvelle fenêtre) pour contrer la circulation de ce qui est devenu une légende urbaine. Pourtant, cette fausse nouvelle court toujours

Le secret de la longévité

Ce qui garde en vie ce type de désinformation est le fait qu’elle découle d’une forme de folklore moderne.

Selon les folkloristes consultés par Jeff Yates, les fausses nouvelles zombies servent entre autres à exprimer ou à canaliser les peurs qui subsistent au sein de la société.

Par le fait même, ces légendes urbaines permettent aussi de tout simplement exprimer une opinion… et c’est précisément ce qui permet la longévité déconcertante de cette catégorie de fausses nouvelles.

Ça devient extrêmement difficile de contrer ces histoires-là, parce que ce ne sont pas nécessairement les faits qui intéressent ces personnes-là, mais plutôt la morale de l’histoire. C’est ça la vérité pour eux.  Jeff Yates, journaliste, Décrypteurs

La fausse nouvelle la plus populaire du Québec

Une illustration montrant différents messages adressés à Dorval.

La Ville de Dorval a reçu des messages de partout dans le monde.

PHOTO : RADIO-CANADA

La palme de la fausse nouvelle zombie au Québec revient sans contredit à la rumeur voulant que le maire de Dorval a tenu tête aux parents d’élèves musulmans qui lui demandaient de retirer le porc des cantines scolaires.

Radio-Canada et d’autres médias ont déboulonné cette histoire qui circule depuis 2015.

Peine perdue, quatre ans après avoir formellement elle-même démenti la nouvelle, la Ville de Dorval continue de recevoir des courriels à ce sujet.

Le maire, c’est un « héros » à travers le monde, raconte le chargé des communications, Sébastien Gauthier. On reçoit des messages d’outre-mer, des États-Unis, de l’Ouest canadien.

Des gens nous disent : « Bravo au maire, il se tient debout ». Il n’y a pas une semaine qui passe sans que j’en voie passer. Sébastien Gauthier, chargé des communications, Ville de Dorval

Sébastien Gauthier était au coeur de la tempête quand cette fausse nouvelle s’est mise à circuler abondamment sur le web.

À l’époque, la Ville de Dorval n’avait qu’un site web et aucune présence sur Facebook et Twitter. Le simple communiqué publié sur leur page web n’a évidemment pas été suffisant pour contrer la vague.

On a peut-être été un peu naïfs dans le sens où on a cru que la nouvelle mourrait d’elle-même […] On a peut-être sous-estimé le pouvoir du web et des médias sociaux. On s’est dit : « comme toute nouvelle, ça va s’estomper ». Sébastien Gauthier, chargé des communications, Ville de Dorval

À elles seules, deux des versions de cette fausse nouvelle qui circulent sur Facebook ont cumulé près de 10 000 partages au cours des cinq derniers mois et plus de 300 000 partages depuis 2015.

Si la tendance se maintient, cette courbe de croissance ne s’estompera pas de sitôt… au grand dam de la Ville de Dorval.

https://ici.radio-canada.ca/