Les poissons rouges et les carpes à la lune (très poétique comme nom) sont des poissons qui sont doté d’une force de survie assez exceptionnelle. Ils peuvent vivre plusieurs mois sans oxygène en synthétisant de l’alcool.
Nuage
Quand ils ne peuvent pas respirer, les poissons rouges synthétisent de l’alcool
Les poissons rouges sont capables de synthétiser de l’alcool.
© ARDEA/MARY EVANS/SIPA
Par Anne-Sophie Tassart
En absence d’oxygène, les poissons rouges sont capables de synthétiser de l’alcool pour survivre. Des chercheurs européens ont découvert en 2017 comment ce phénomène est possible.
En absence d’oxygène, nombreux sont les vertébrés qui meurent en quelques minutes et l’homme en fait partie. Mais ce n’est pas le cas des poissons rouges (Carassius auratus) et des carpes à la lune (Carassius carassius). Ces deux espèces du même genre sont en effet capables de survivre entre 5 et 6 mois sans oxygène. Des chercheurs européens ont découvert comment une telle prouesse est possible. Ils ont partagé leurs résultats le 11 août 2017 sur le site Scientific Reports.
Une voie métabolique de secours
Ces poissons sont capables de transformer l’acide lactique (« déchet » qui se forme dans les tissus quand les cellules manquent d’oxygène) en éthanol et de le relarguer par la suite dans l’eau via leurs branchies. Ce processus évite la dangereuse accumulation d’acide lactique dans les muscles et évite donc à ces animaux de s’empoisonner. Mais cette voie métabolique alternative ne permet pas seulement la transformation de l’acide lactique. Elle permet aussi à ces poissons de survivre plusieurs mois sans respirer.
« Ces animaux utilisent le même mécanisme que les autres vertébrés pour respirer, celui qui requiert de l’oxygène, explique à Sciences et Avenir Cathrine Fagernes, co-auteure de l’étude. Cependant, sans oxygène, ils doivent produire de l’énergie autrement pour survivre. Alors au lieu de produire de l’acide lactique à la fin du processus métabolique, ils produisent de l’alcool » qui va leur servir de « carburant ». Ainsi, même si ces poissons obtiennent moins d’énergie que lors de la respiration, ils restent en vie. Mais dans des conditions loin d’être idéales, « ils diminuent, voire même stoppent certains processus qui consomment de l’énergie, comme par exemple la vision », explique la chercheuse. Ces « économies » leur permettent de survivre.
Une alcoolémie très élevée en absence d’oxygène
Dans cette étude, les chercheurs ont découvert que tout cela est possible grâce à la duplication d’une portion du génome codant pour une enzyme baptisée pyruvate déshydrogénase. Au cours de l’évolution, certaines copies de cette portion ont muté permettant par la suite de coder une autre enzyme : la pyruvate décarboxylase. C’est cette dernière qui, spécialisée dans la fermentation alcoolique, permet de synthétiser l’éthanol.
« Durant la période où elles évoluent dans les eaux sans dioxygène des étangs recouverts de glace – ce qui peut durer plusieurs mois dans le nord de l’Europe – l’alcoolémie (taux d’alcool présent dans le sang, NDLR) des carpes à la lune peut atteindre plus de 50 mg par 100 millilitres, ce qui est au-dessus de la limite autorisée pour conduire dans ces pays », s’amuse le docteur Michael Berenbrink, un autre des auteurs de l’étude.