Les chauves-souris peuvent se détecter leur proie par écholocation, ce que des papillons de nuit peuvent mettre à profit pour éviter de servir de repas
Nuage
Les papillons de nuit savent parler aux chauves-souris !
Le papillon de nuit Cisthène martini. Joseph Scheer
Par Loïc Chauveau
Dans la chaleur de la nuit, les papillons savent faire comprendre à leurs prédateurs qu’ils ne sont pas bons à manger en émettant des bruits à haute fréquence.
APOSÉMATISME. Paru dans Plos One le 20 avril dernier, l’article de Nicolas Dowdy et William Conner de l’Université Wake Forest (Caroline-du-Nord) fait la preuve que les papillons de nuit de la famille des Arctiinae et de la sous-famille des Lithosiini utilisent bien des ultra-sons pour informer les chauves-souris qu’ils sont toxiques. Jusqu’à présent, on savait que les sons émis par ces papillons servaient à anticiper les attaques de prédateurs, mais on n’ignorait s’ils pouvaient aussi servir à les éviter selon le phénomène d’aposématisme, qui consiste à émettre un signal visuel, sonore ou chimique pour avertir l’attaquant que la proie représente un danger pour eux.
Au contraire des papillons diurnes, les papillons de nuit sont dotés d’appareils auditifs, des organes tympaniques constitués de cavités situées sur le thorax qui font vibrer une membrane. Cette capacité a été développée au cours d’une histoire évolutive de 65 millions d’années. Les papillons nocturnes sont en effet apparus avant les chauves-souris, lesquelles ont pu dans un premier temps exercer une pression intense sur des proies ne les entendant pas arriver. La sélection naturelle a provoqué l’émergence de l’appareil auditif chez l’insecte. Cet outil réagit aux mêmes fréquences que l’écholocalisation utilisée par les chauves-souris, soit entre 30 et 80 kilohertz (kHz). Le papillon a donc les moyens d’entendre les ultra-sons pour pouvoir fuir ou se laisser tomber au sol. Cela reste le principal moyen de défense de l’insecte, même si certaines espèces ont développé l’émission d’ultrasons pour un autre usage: la détection entre mâles et femelles pour la reproduction.
Des proies à l’attitude « nonchalante »
ULTRASONS. Si l’appareil auditif permet d’entendre le prédateur arriver, peut-il aussi l’empêcher d’attaquer en lui envoyant des signaux dissuasifs? C’est ce qu’apporte l’expérience des chercheurs américains. Ceux-ci ont mobilisé de multiples caméras infrarouges pour capter en trois dimensions les vols de murins, une espèce de chauves-souris, et la réponse des vols des papillons tandis que les ultrasons des deux espèces étaient enregistrés, le tout dans des conditions naturelles d’une région du sud-est de l’Arizona. Les chauves-souris se sont vus proposés deux types de menus: des papillons avec leur système auditif et d’autres sans. L’enregistrement des vols des prédateurs a bien montré que ceux-ci cessaient leur attaque lorsque les papillons émettaient des messages auditifs à base de clics. L’attitude des insectes laisse aussi peu de place au doute : en émettant leurs sons, ils ont eu une attitude « nonchalante », comme s’il n’y avait pas urgence à s’enfuir ou se laisser tomber à terre, certains que leur message était bien passé. Sans surprise, les papillons dotés ont eu 1,8 fois plus de chance d’éviter de se faire manger que leurs homologues sourds. Preuve est donc faite que l’appareil auditif acquis lors de l’évolution de ces espèces est bien un moyen actif d’éviter la prédation.