Avoir un plus gros cerveau pour les animaux en rapport avec la taille, n’est pas nécessairement une bonne chose, surtout si l’animal est petit. Il aura plus de chance de disparaître que les autres
Nuage
Vaut-il mieux avoir un gros ou un petit cerveau ?
Marie-Céline Ray
Journaliste
S’il y a des millions d’années, le fait d’avoir un gros cerveau pouvait conférer un avantage évolutif, aujourd’hui c’est la tendance inverse qui est observée : les mammifères à gros cerveau sont plus souvent menacés d’extinction. Une tendance qui concernerait surtout les petits mammifères.
Longtemps la taille du cerveau apparaissait comme un avantage évolutif car elle était associée à de meilleures capacités cognitives et donc une faculté à s’adapter à des conditions difficiles en faisant travailler ses neurones. Mais une nouvelle recherche d’un chercheur de Stanford suggère que les mammifères ayant de gros cerveaux ont plus de risque de disparaître.
Dans cette étude parue dans Proceedings of the Royal Society B, Eric Abelson a calculé la taille relative du cerveau chez des centaines de mammifères actuels, en comparant la taille du cerveau à celle de l’animal. Il a ensuite regardé dans la liste de l’UICN si ces mammifères étaient en danger. Il a alors trouvé que ceux qui avaient une taille relative de leur cerveau plus élevée avaient plus de risques d’être menacés d’extinction. La pire situation était rencontrée par les mammifères de petite taille : le rapport bénéfice/coût n’était pas le même chez les petits et grands mammifères.
Cette découverte est tout de même surprenante. La recherche a souvent montré qu’un cerveau plus grand permet un avantage cognitif et donc une capacité à trouver des solutions dans un nouvel environnement, comme l’explique le chercheur dans un communiqué de Stanford :
« Si le paysage devient plus froid, un animal pourrait ne pas être en mesure de faire pousser une fourrure dense, mais ces animaux peuvent résoudre des problèmes. Ils peuvent utiliser leurs connaissances pour surmonter un environnement plus froid en construisant un nid chaud, ou en choisissant de passer plus de temps au soleil. »
Mais il y a un prix à payer pour cet avantage : le tissu nerveux est très coûteux en énergie ; les animaux doivent donc manger plus pour l’alimenter ou passer moins de calories dans d’autres tâches (qui peut-être seraient plus utiles à la survie…).
Ce renard gris insulaire a un cerveau plutôt gros pour sa taille. C’est une espèce menacée. © National Park Service
Les petits mammifères à gros cerveau sont particulièrement menacés
Cette découverte arrive à un moment où la faune semble connaître une sixième crise d’extinctionde masse, à cause des activités humaines. D’après le chercheur, son résultat pourrait aider à mieux définir quelles espèces sont en danger d’extinction et quelles sont celles qui tireraient le plus de bénéfices de mesures de conservation. Les stratégies de conservation devraient donc cibler en particulier les espèces de petite taille à risque.
En 2012, Nature se faisait l’écho d’une autre étude du même chercheur dans laquelle il avait comparé des mammifères préhistoriques et des mammifères modernes : 229 espèces de carnivores anciens vivant au cours des 40 derniers millions d’années, dont la moitié déjà éteintes, et un groupe de mammifères modernes comprenant 147 espèces d’Amérique du Nord, de six ordres.
Il avait alors trouvé que les espèces de moins de 10 kg qui avaient un gros cerveau étaient moins souvent éteintes ou en danger. Revenant sur ces résultats, le chercheur a déclaré à Discovery News :
« Au cours des 40 derniers millions d’années, les espèces carnivores avec une plus grande taille relative du cerveau étaient moins susceptibles de disparaître, mais chez des espèces de mammifères vivant aujourd’hui, nous constatons une tendance inverse ».