On parle beaucoup ces temps-ci de harcèlement sexuel qu’il soit verbal ou physique. d’inconduite à caractère sexuel dans les milieux de travail etc, Que dit la loi au Canada sur ces comportements indésirables, qu’est ce qui peut être traduit en justice ?
Nuage
Harcèlement ou comportement déplacé : que dit la loi?
Le harcèlement sexuel en milieu de travail Photo : iStock
Quelle est la différence entre un flirt agressif, un comportement déplacé et du harcèlement sexuel? Lequel peut mener à des accusations criminelles? Où tracer la ligne?
Un texte de Justine Boutet
De nombreux reportages ont récemment exposé des cas de comportements sexuels graves chez des personnalités publiques : l’affaire Ghomeshi, l’affaire Weinstein, ou encore les allégations d’inconduite sexuelle d’Éric Salvail rapportées mercredi matin par La Presse, en sont quelques exemples.
Ces histoires soulèvent plusieurs questions d’ordre juridique.
Dans une entrevue accordée à Patrice Roy, l’avocate-criminaliste Danièle Roy explique qu’il existe une différence fondamentale entre un « comportement sexuel inacceptable, un comportement inacceptable dans un milieu de travail, et un comportement qui peut mener à des accusations criminelles ».
Décortiquons.
Types de comportements qui peuvent mener à des accusations criminelles
Lorsqu’une personne initie des contacts de nature sexuelle en sachant que l’autre personne ne consent pas à l’acte, il peut y avoir des accusations criminelles.
« Le Code criminel prévoit qu’une personne qui initie des contacts sexuels a le devoir de s’assurer qu’il existe bien un consentement », indique Me Roy.
« Dans l’affaire Salvail, il peut y avoir des cas où on a parlé de contacts sexuels. Il y a des cas où on a parlé de ce qu’on pourrait qualifier d’action indécente […] par exemple exhiber ses parties privées dans un endroit public. […] Ce sont des choses qui peuvent être poursuivies en vertu du Code criminel. »
Me Roy a d’ailleurs tenu à préciser que le cas Salvail devait être traité avec prudence, parce qu’il s’agit d’allégations et qu’au « point de vue du Code criminel, Éric Salvail est toujours présumé innocent ».
Harcèlement sexuel… ou harcèlement criminel ?
Selon l’avocate-criminaliste, il n’existe pas d’accusations de harcèlement sexuel dans le Code criminel. Mais il existe une accusation de harcèlement criminel, « qui chapeaute toute forme de harcèlement ».
Pour qu’il y ait une accusation de harcèlement criminel, il faut qu’il y ait un comportement répétitif, qui laisse craindre à la victime pour sa sécurité. Évidemment, quand on parle de sécurité, c’est un terme qui est assez large et qui pourrait, dans certains cas, englober une crainte d’être agressée sexuellement. Danièle Roy, avocate-criminaliste
Contact verbal, contact physique
« À partir du moment où ce n’est que verbal et que ce n’est pas accompagné de menaces, on reste dans le domaine des propos qui sont déplacés », explique Me Roy. Ce ne sont pas des propos criminels.
« Dans les cas où il y a des attouchements, des contacts physiques […] dans le but d’avoir un contact clairement sexuel, ça pourrait porter à des accusations d’attouchement. »
Mais pour ce faire, il doit y avoir une tentative de contact de nature sexuelle, insiste Me Roy.
Comportement sexuel dans un milieu de travail
Plusieurs entreprises se dotent d’une politique « tolérance zéro » pour des comportements déplacés.
Mais ces comportements ne sont pas nécessairement criminels.
Dans certains cas, des employés ont perdu leur poste, mais ont été blanchis par la justice. C’est le cas notamment de l’ancien animateur de radio de CBC Jian Ghomeshi, qui a été acquitté de toutes les accusations d’agression sexuelle qui pesaient contre lui.
« Le droit du travail n’est pas régi de la même façon que le droit criminel », indique Danièle Roy.
« En droit criminel, il y a des infractions qui sont particulières, on doit en faire la preuve hors de tout doute raisonnable. En droit du travail, quand on parle de contacts, de propos déplacés, de conduite inappropriée, ça peut être sanctionné, explique-t-elle. Si la personne est syndiquée, ça peut se faire au niveau d’un grief […]. Ça peut aussi passer par le tribunal administratif, qui est l’ancienne CSST. Il est possible de déposer une plainte dans ces cas-là. »
Mais comme l’indique Me Roy, il ne s’agit pas nécessairement de comportements criminels. Il pourrait s’agir de comportements déplacés, ou encore de comportements jugés inacceptables dans un milieu de travail. Ce type de comportement peut faire l’objet de sanctions.
« Si une employée se plaint de harcèlement, illustre-t-elle, les compagnies auront l’obligation de faire enquête, de faire affaire à des enquêteurs. »
« Dans le cas où on décide qu’il y a harcèlement, il pourra y avoir congédiement », conclut Danièle Roy.