Il semble que le Québec va enfin changer les lois en rapport aux animaux comme la France a déjà fait. Nous ne pourrons plus prendre pour acquis que les animaux soient traités comme des meubles, mais comme des êtres sensibles
Nuage
Les animaux ne seront plus des « objets »
Pierre Trudel – 17 août 2014
Le statut des animaux est en voie de changer. Récemment, le ministre Pierre Paradis indiquait son intention de modifier le Code civil.
La modification disposerait que les animaux ne seront plus considérés comme des «biens meubles» mais comme des êtres vivants «doués de sensibilité». Il s’agit de retenir l’approche adoptée par plusieurs pays européens.
Déjà en France, un pays qui possède un système juridique semblable à celui du Québec, les députés ont modifié le Code civil afin de nuancer le statut juridique des animaux.
À ce jour, hormis certaines règles développées lors des processus de partage de biens, notamment lors de divorces, le droit civil ne distinguait pas les animaux des canapés sur lesquels ceux-ci posaient leurs pattes !
L’animal-objet
Notre droit est marqué par la conception «animal-objet». Une conception qui postule la supériorité des intérêts des êtres humains sur les intérêts des animaux. Il en résulte que les animaux sont des moyens au service des êtres humains pour atteindre leurs fins et leurs besoins.
La modification proposée par M. Paradis marque une réelle évolution dans les mentalités. Faire passer les animaux du statut de “choses” à celui “d’être doué de sensibilité” implique que les propriétaires n’auront plus le loisir de faire fi de la douleur et de la détresse des bêtes qu’ils possèdent.
Mais on considère chez plusieurs experts que la reconnaissance légale de la sensibilité animale ne confère pas des «droits» aux animaux. Mais les propriétaires d’animaux auront clairement l’obligation, attachée à leur droit de propriété, de se comporter de manière à tenir compte du fait que leur animal est un être doué de sensibilité.
La modification est importante car elle pose explicitement que les animaux ne sont plus simplement des biens à l’égard desquels le propriétaire exerce toutes ses fantaisies.
L’animal sensible
Certes, les animaux demeurent régis par le régime juridique s’appliquant aux choses.
De plus, les usages d’appropriation violente ne sont pas, comme tels, remis en question. Par exemple, l’élevage des animaux destinés à la boucherie implique des souffrances constantes au cours de l’élevage, en raison du confinement ou des pratiques mutilantes, du transport et de l’abattage. Est-ce que l’inclusion d’une obligation de considérer la sensibilité engendrera des exigences plus strictes ?
Les modifications annoncées s’ajouteront aux dispositions du Code criminel qui interdisent de causer volontairement et sans nécessité une douleur, souffrance ou blessure à un animal.
Le Code criminel interdit également le combat ou le harcèlement d’animaux. Sont pareillement interdits le fait de droguer ou empoisonner un animal. Ces interdits visent déjà aussi bien les propriétaires des animaux que toute autre personne.
En fin de compte, la modification mise de l’avant par le ministre Paradis introduit une balise supplémentaire aux facultés des propriétaires d’animaux. Ceux-ci ne pourront se comporter comme si leurs animaux étaient de simples objets mobiliers. Ils auront désormais l’obligation de tenir compte du fait que les animaux sont des êtres ayant une sensibilité.
Il restera évidemment les cas limites: à partir de quel moment les atteintes à la sensibilité animale deviennent-ils fautifs?
Billet publié vendredi 15 août dans le Journal de Montréal.
Pour aller plus loin: Lyne Létourneau, « De l’animal-objet à l’animal-sujet? : regard sur le droit de la protection des animaux en Occident, Lex Electronica, vol. 10, no 2 (numéro spécial), Automne 2005.