Il y a tout un environnement dans nos demeures, il pourrait y avoir environs 32 à 211 espèces d’insectes qui vivent presque tous à votre insu. À noter qu’on parle d’espèces et non d’individus. Si vous croyez seul chez vous, sachez qu’il y a toute une population dans vos quatre murs
Nuage
Où se trouve la biodiversité la plus méconnue : chez vous

Les insectes et les araignées vivant avec nous. Mais les études sur leur biodiversité semblent rares. Un travail exhaustif a été réalisé aux États-Unis où 50 maisons ont été fouillées par des chercheurs aussi efficacement que par des limiers de la police criminelle. © D’après Bertone et al.
Jean-Luc Goudet, Futura-Sciences
Dans chaque maison vivraient en moyenne environ cent d’espèces d’arthropodes, des insectes aux araignées en passant par les acariens et les crustacés. C’est l’étonnant résultat d’une enquête menée aux États-Unis qui révèle une biodiversité méconnue.
Aux États-Unis, plus précisément en Caroline du Nord, sur la côte Atlantique, des chercheurs de la NC State University sont partis en exploration dans 50 maisons individuelles autour de Raleigh, la capitale de cet État, comme d’autres s’enfoncent dans les forêts tropicales ou les grands fonds océaniques. Le but était de compter le nombre d’espèces différentes peuplant les habitations, mis à part les humains et les animaux de compagnie. Délaissant les bactéries, les plantes, les champignons et les limaces égarées, les chercheurs, menés par Matthew Bertone, se sont focalisés sur le plus vaste groupe animal de la planète : les arthropodes, autrement dit les insectes, les araignées, les acariens, les mille-pattes et autres myriapodes sans oublier les crustacésisopodes, c’est-à-dire les cloportes. Selon les auteurs, c’est la première étude du genre menée aux États-Unis, plaçant les habitats humains parmi les lieux les plus méconnus de la zoologie et de l’écologie.
Le résultat, paru dans la revue Peer, en libre accès, leur a semblé étonnant : chacune des 50 maisons passées au crible abrite entre 32 et 211 espèces, avec une moyenne d’environ 100. C’est cette biodiversité qui surprend. Dans chaque habitation, les chercheurs ont dénombré entre 24 et 128 familles différentes d’arthropodes.

Les groupes d’arthropodes les mieux représentés en nombre d’espèces (et pas en nombre d’individus) dans 50 maisons individuelles dans et autour de Raleigh, capitale de l’État de Caroline du Nord, sur la côte est des États-Unis. © Bertone et al.
Une biodiversité adaptée depuis longtemps à l’habitat humain
Pour la biodiversité, les grands gagnants sont les insectes, avec les diptères (les mouches et les moustiques), les coléoptères (coccinelles, scarabées…) et les hyménoptères (les fourmis). À eux quatre, ces groupes (des ordres dans la classification classique) représentent 73 % des espèces.
D’autres groupes sont présents mais de manière occasionnelle, comme les mille-pattes et les criquets, qui n’ont rien à faire là. Dans les maisons de Caroline du Nord, les blattes ne représentent que 4 % des espèces, les puces 2 % et les cloportes 2 % également. Il s’agit bien de biodiversité, donc de nombre d’espèces et pas d’individus. Des puces sont en effet retrouvées dans 100 % des maisons étudiées et les blattes dans 82 %. Dans leur examen attentif, les chercheurs, qui disent avoir fouillé tous les recoins possibles de chaque maison, n’ont trouvé que 5 pièces parmi les 554 qu’ils ont inspectées dans lesquelles ne se trouvait aucun arthropode.
La plupart des espèces ne sont pas nuisibles. Celles-là ne nous gênent pas et nous les ignorons. Chacun vit sa vie de son côté, mais sous le même toit.
« Nous pensons vivre dans des environnements stériles mais ils ne le sont pas, commente Matthew Bertone dans le communiqué de l’université. Nous partageons l’espace avec de nombreuses espèces différentes, la plupart étant inoffensives. Le fait que vous ne les connaissiez pas montre surtout combien nous interagissons peu avec elles. »
À part des insectes phytophages malchanceux, entrés par hasard, comme les criquets, les espèces présentes sont remarquablement adaptées aux habitats humains. Pas étonnant, expliquent les auteurs de l’étude, qui rappellent que des restes d’insectes et d’araignées ont été retrouvés dans des grottes fréquentées par des Hommes il y a fort longtemps. Les parasites ont évolué avec les êtres humains, mais les hôtes discrets de nos habitations, qu’un biologiste pourrait appeler des commensaux, nous ont suivis aussi…
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