Harald la dent bleue est l’arrière-grand-père de Guillaume le conquérant, il construisait des citadelles circulaires dans la croisée des routes et des points d’eau importants au Danemark et Scandinavie. Une de ses citadelles à été retrouvée, mais on doutait qu’il fût des Vikings, une étude plus approfondie semble maintenant prouvé que c’est bien des Vikings auteurs de ces forteresses
Nuage
Une nouvelle citadelle viking découverte
Ci-dessus, cette restitution à échelle réduite d’une forteresse viking circulaire du type de celle de Trelleborg montre l’un de ses portails et le bardage de poutres qui en protégeait les remparts.
Des archéologues viennent de prouver qu’une trace circulaire dans un champ au Danemark correspond à l’une des forteresses construites par le chef Viking Harald à la dent bleue.
François Savatier
Le pied à peine posé en Angleterre, Guillaume le conquérant (1027-1087) bâtit un château en bois. Les Normands maîtrisèrent ensuite le territoire anglais à l’aide d’une réseau stratégique de 500 mottes castrales (des tertres de terre surmontés d’une fortification en bois). Au Xe siècle, Harald à la dent bleue (910-986), l’allié danois de Richard Iier, premier duc de Normandie et arrière grand-père de Guillaume le conquérant, ne procéda pas autrement pour unifier le Danemark et soumettre la Scandinavie. Mais au lieu de mottes castrales, il construisit de curieuses citadelles circulaires, qu’il installa en nombre à la croisée de toutes les routes et voies d’eau importantes des régions riches de son territoire.
Étonnamment, on n’avait jamais trouvé de forteresse dans le sud de l’île de Seeland, pourtant l’une des plus riches régions scandinaves. C’est désormais chose faite : une équipe anglo-danoise dirigée par Søren Sindbæk, de l’université d’Aahrus, au Danemark, a identifié une structure parfaitement circulaire non loin de la ville de Køge, à une quarantaine de kilomètres au sud de Copenhague.
Le nom du champ où se trouvent les traces de la forteresse rend la découverte logique : Borgring, ce qui signifie littéralement « château annulaire » ! De fait, c’est une empreinte circulaire aperçue depuis un avion qui avait entrainé de premières fouilles dans les années 1970-1971, mais la découverte de céramiques datant de l’âge du Fer romain (0 – 400 de notre ère) avait alors conduit les archéologues à affirmer que la structure n’avait « rien à voir avec l’âge des Viking » (793 – 1066). L’intérêt pour Borgring ne s’est rallumé qu’après la réalisation en 2007 d’une carte du Danemark par télémétrie Lidar, qui avait révélé un cercle parfait sur le site.
L’équipe de Søren Sindbæka entrepris de réétudier systématiquement le site. Avec un magnétomètre, ils ont confirmé le caractère presque parfaitement circulaire de la structure. Cela suffit-il pour autant à identifier une citadelle circulaire viking ? Pour en avoir le cœur net, les chercheurs se sont appuyés sur le plan de telles forteresses, parfaitement connu grâce à la citadelle de Trelleborg, sur l’île de Seeland, qui est particulièrement bien conservée : remparts circulaires en terre et en gazon, renforcés côté intérieur par des poutres verticales et horizontales ; bardage extérieur en rondins ; fossé en V circulaire ; rues pavées de bois reliant à angle droit des portails placés au nord, au sud, à l’est et à l’ouest et quatre cadrans contenant chacun quatre maisons délimitant une cour.
Les chercheurs ont constaté que les remparts du site de Borgring ont bien été édifiés à l’aide de mottes de terre ou de gazon et d’argile. Des lignes radiales visibles par endroits suggèrent des trace d’anciennes charpentes de renfort sous-jacentes aux remparts. D’une largeur de 10 à 11 mètres, ces derniers forment un cercle d’un diamètre moyen de 122 mètres. Dans certaines zones, le sol a été nivelé pour permettre une construction précise de la forteresse. À l’extérieur des remparts, les chercheurs ont retrouvé des trous de poteaux d’une quarantaine de centimètre de diamètre, formant un cercle parfait d’un diamètre de 144 mètres : les restes du bardage. En plusieurs endroits, ils ont montré que ces rondins étaient insérés dans une tranchée peu profonde.
Afin d’être sûrs d’avoir affaire à une citadelle circulaire viking, les chercheurs devaient aussi identifier au moins deux portails situés à des points cardinaux. En suivant le bardage le long du mur nord-ouest, ils sont parvenus en un point où celui plonge brusquement vers l’intérieur : la fouille a alors révélé des restes de poteaux brûlés, puis d’un portail incendié d’environ cinq mètres de large ainsi que de planches posées à plat sur le sol. Dès lors, ils ont recherché par sondage un autre portail situé à angle droit, et ont trouvé le portail Est, lui aussi incendié, à l’endroit attendu.
Restait à dater la forteresse. Les fragments de bois retrouvés ne suffisant pas pour une datation par dendrochronologie (par les cernes de croissance des arbres), les chercheurs ont daté par le radiocarbone deux échantillons de bois : le résultat situe la date de construction entre 893 à 1017 (avec une confiance de 95 %), une fourchette comptaible avec la brève période de construction des citadelles circulaires, située vers 975-980.
Du reste, le dernier doute a été complètement écarté en 2016, quand des archéologues amateurs ont découvert dans le sol à l’emplacement du portail nord une boîte à outils de charpentier viking, la première jamais découverte ! Les chercheurs pensent qu’elle est postérieure à l’usage militaire de la forteresse : un charpentier scandinave a pu installer son atelier à l’abri du portail à moitié incendié, avant que celui-ci ne s’écroule totalement. Quoi qu’il en soit le réseau stratégique de forteresses circulaires de Harald la dent bleue est désormais complété par une nouvelle venue. À quand la prochaine ?