Après Hiroshima, l’humanité peut-elle espérer que plus jamais l’homme ne sera responsable d’une telle destruction qui se perpétue au cours des années ? Des pays possèdent l’armement nucléaire et si elle tombait sur un fou furieux, un terroriste ayant des idéaux démesurés ou un autre qui voudrait faire un ménage ethnique planétaire ?
Nuage
70 ans après Hiroshima, quels pays possèdent l’arme nucléaire?

Un texte d’Alain Labelle
Après la 2e Guerre mondiale, le recours à l’arme nucléaire a plongé la planète dans une course à l’armement sans précédent. Rien n’aura fait craindre la perte de l’humanité plus que la prolifération de la bombe nucléaire. Mais la planète est-elle plus sûre aujourd’hui?
Les essais d’armes nucléaires ont grandement diminué depuis les années 1990. Des traités signés par les États-Unis et la Russie ont aussi permis d’en réduire le nombre et de démanteler des milliers de bombes depuis les années 1980. Mais ces pas dans la bonne direction ne sont pas suffisants, estime Gordon Edwards, expert canadien et militant d’un monde sans nucléaire.
Qui est doté d’armes nucléaires dans le monde en 2015?

« Il y a quand même des milliers d’armes nucléaires en fonction actuellement. Pas moins de 5000 armes sont toujours opérationnelles et prêtes à être utilisées rapidement dans les deux minutes. Lorsqu’elles sont lancées, il n’y a pas moyen de les rappeler si nous changeons d’idée. »— Gordon Edwards
Selon lui, réduire le nombre d’armes nucléaires n’a pas de véritable effet, tant qu’il ne sera pas près de zéro. Il existe encore aujourd’hui assez armes pour détruire toutes les villes de l’hémisphère nord… Et plusieurs fois.
La situation actuelle est en ce sens toujours inquiétante, dit-il, précisant que la crainte réside moins dans le fait qu’un pays ne développe la bombe que dans la possibilité qu’un groupuscule ne s’en empare.
« Il y a les groupes comme Al-Qaïda et l’État islamique, ou même le Ku Klux Klan – qui sait – qui pourraient l’obtenir. Et elle n’est pas difficile à fabriquer. Ce qui semblait difficile lors de la création des premières bombes larguées sur le Japon ne l’est plus maintenant. Nous pourrions nous lever un matin et réaliser que la ville de Washington a été détruite par une bombe et nous ne serions pas en mesure de dire qui l’a fait exploser. »— Gordon Edwards

Armement nucléaire lors d’une parade militaire à Moscou en 2005. Photo : iStockphoto
Le scientifique ajoute que cette bombe n’aurait pas besoin d’être larguée à partir d’un avion, mais simplement dissimulée dans une voiture ou un conteneur. La menace nucléaire a ainsi beaucoup évolué depuis la guerre froide, poursuit Gordon Edwards.
« À l’époque, tout le monde savait que si une guerre nucléaire éclatait, le responsable serait l’une des deux superpuissances. Vous saviez qui était votre ennemi et contre qui vous deviez vous protéger et riposter. Mais dans le monde actuel, il serait difficile d’établir le responsable. Comment gagner une guerre quand il n’y a personne pour se rendre à la fin? » — Gordon Edwards
Après quelques années plus ou moins tranquilles sur le front nucléaire, il y a maintenant une recrudescence des activités associées à l’armement nucléaire.
« La Chine, la Russie et les États-Unis ont recommencé à dépenser pour moderniser leur arsenal. Cela est très inquiétant. » — Gordon Edwards
Pour M. Edwards, ce qui se produit actuellement s’apparente à une seconde course au nucléaire entre les États. Combinée au risque représenté par les groupes terroristes, cette nouvelle flambée nucléaire n’est pas sans menacer la sécurité mondiale, estime-t-il.
Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP)
- Entré en vigueur en 1970
- Ratifié par 189 pays
- Repose sur trois assises : la non-prolifération, le désarmement et les utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire
- Les États dotés d’armes nucléaires sont ceux qui ont fait exploser un dispositif nucléaire avant le 1er janvier 1967
- Israël, l’Inde et le Pakistan sont les seuls pays dotés de l’arme nucléaire à ne pas y avoir encore adhéré
- La Corée du Nord est devenue en 2003 le premier pays à invoquer son droit de retrait
La course au nucléaire
Après l’explosion des bombes atomiques américaines à Hiroshima et Nagasaki, les relations internationales sont entrées dans une nouvelle ère, celle du nucléaire. La puissance inégalée de la bombe atomique a poussé plusieurs pays à vouloir la posséder, explique Gordon Edwards.
L’Union soviétique arrive deuxième dans la course en mettant la main sur les connaissances nécessaires à sa fabrication : elle teste sa bombe A dès l’été 1949. Suivent le Royaume-Uni en 1952, la France en 1960, puis la Chine en 1964.
Ces cinq pays constituent encore aujourd’hui les seuls pays à posséder officiellement la bombe nucléaire. L’Inde l’aurait toutefois acquise en 1974, Israël et l’Afrique du Sud en 1979, le Pakistan en 1998, puis la Corée du Nord en 2013.
L’Irak avait, dans les années 1980, multiplié les tentatives pour se doter d’une capacité d’armement nucléaire et n’était pas loin d’en mettre au point. Elle a cependant perdu depuis toute ses capacités de production.
L’Iran a quant à lui signé en juillet 2015 un accord de principe avec les grandes puissances après que le pays fut pratiquement parvenu à utiliser son programme nucléaire civil pour produire des armes nucléaires.
Le monde compterait donc neuf puissances nucléaires : les cinq États dotés d’armes nucléaires selon le TNP, trois puissances nucléaires de fait qui n’ont pas ratifié le TNP (Inde, Israël, Pakistan) et la Corée du Nord qui, après avoir annoncé son retrait du TNP, a procédé à des explosions nucléaires.
D’autres pays membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord (OTAN) possèdent des armes nucléaires sur leur territoire, sans pour autant les contrôler directement : la Turquie, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie et la Belgique.
Après l’éclatement de l’Union soviétique, plusieurs anciennes républiques soviétiques se sont aussi retrouvées avec des stocks d’armes nucléaires sur leurs territoires. Ces pays ont, de 1994 à 1996, volontairement renoncé à ces armes, selon les Nations unies.
L’équilibre de la terreur
En 1982, on estimait qu’il y avait environ 50 000 armes nucléaires dans le monde, totalisant entre 12 000 et 14 000 millions de tonnes, soit l’équivalent de 3 tonnes par habitant quand la Terre comptait 4 milliards d’humains. En comparaison, la bombe larguée sur Hiroshima en 1945 avait une puissance d’environ 15 000 tonnes de TNT. La bombe H – la plus puissante jamais testée à ce jour – est soviétique. La « Reine des bombes » était équivalente à 57 millions de tonnes de TNT.
L’année suivante, la diffusion dans les pays occidentaux du téléfilm Le Jour d’après (The Day After) marque les esprits, alors que la tension est vive entre les gouvernements de Ronald Reagan et de Youri Andropov. Puis est venue la détente du climat international à la suite de l’effondrement de l’URSS.
En 2012, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm estime que le nombre de têtes nucléaires dans le monde à environ 19 000, dont 4400 opérationnelles.
Le saviez-vous?
En 1991, l’Afrique du Sud accède au TNP. En 1994, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) confirme que le pays est le premier État au monde (le seul à ce jour) à avoir développé l’arme atomique et s’en être séparé volontairement.
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