Coriandre, je t’aime, je te hais


Il y a des aliments qu’enfant, nous n’aimions pas et maintenant adulte notre goût à évolué. Cependant, des aliments que certains n’aimeront jamais. Peut-être que le goût est génétique ou simplement que la saveur n’a pas été présente dans notre enfance qu’il sera difficile de l’accepter plus tard. Quoiqu’il en soit, c’est un avantage d’amerner les enfants à gouter des aliments variés
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Coriandre, je t’aime, je te hais

 

La coriandre est une herbe polarisante.... (AP Photo/Apichart Weerawong)

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La coriandre est une herbe polarisante.

AP PHOTO/APICHART WEERAWONG

ÉMILIE BILODEAU
La Presse

Il y a de ces aliments, comme la coriandre, qui provoquent l’amour ou la haine, sans position mitoyenne. Et si ce n’était pas une simple question de goût ? Certains chercheurs affirment que nos gènes sont responsables de notre amour ou de notre aversion pour certains aliments.

Certains aliments provoquent des réactions diamétralement opposées. Faites le test avec la coriandre. Vous allez trouver des gens qui adorent cette plante aromatique, et d’autres qui la détestent profondément. Le pamplemousse, la réglisse noire, la noix de coco ont le même genre d’effet. Est-ce là une simple question de goût? Peut-être pas, affirment plusieurs chercheurs.

Jusqu’à tout récemment, la vue et l’ouïe étaient des sens beaucoup plus explorés par les chercheurs que le goût et l’odorat. Mais depuis le début des années 2000, de plus en plus de scientifiques s’attardent à la perception des aliments. Et leurs découvertes sont parfois surprenantes.

C’est le cas d’une étude menée par le neurophysiologiste Patrick MacLeod, qui affirme que notre prédilection ou notre aversion pour certains aliments pourraient être associées à nos gènes. Par exemple, certains humains seraient dotés d’une génétique qui leur permettrait d’aimer l’amertume alors que ceux qui sont dépourvus du gène TAS2R38 la détesteraient.

Andy Brasseur, ambassadrice de l’Institut du goût en Amérique du Nord, remarque bel et bien des différences lorsque les enfants goûtent pour la première fois du chocolat noir sans sucre.

«Certains sont très heureux de manger le chocolat et ne goûtent pas l’amertume. D’autres sont vraiment effarés, tellement qu’ils ne voudront plus manger de chocolat. Pour les adultes, c’est la même chose.» Andy Brasseur ambassadrice de l’Institut du goût en Amérique du Nord

Les personnes qui n’aiment pas le chocolat noir ont de bonnes chances de détester d’autres aliments amers comme le pamplemousse, les endives, la roquette, les artichauts et les olives. Dans le cas du café, certaines personnes arrivent à en boire pourvu qu’elles y ajoutent une bonne dose de sucre, affirme Mme Brasseur.

Coriandre et génétique 

Plus récemment, des chercheurs ont fait le même genre de découverte concernant la coriandre, qui suscite des réactions polarisées. Ceux qui aiment cette herbe ne se contentent jamais d’une ou deux feuilles. Ils en ajoutent toujours un bouquet à leurs recettes. Au contraire, les détracteurs de la Coriandrum sativum comparent souvent son goût à celui du savon ou… d’un torchon de cuisine sale !

Julia Child, la célèbre cuisinière, détestait la coriandre. Elle n’était pas seule. Sur le site IHateCilantro.com («je déteste la coriandre») et la page Facebook du même nom, des internautes racontent par centaines leurs histoires peu appétissantes concernant cette plante.

De plus en plus, les scientifiques tendent à confirmer que l’aversion pour la coriandre serait aussi une question de génétique. C’est le cas d’une étude amusante menée par le neuroscientifique Charles Wysocki auprès de 100 paires de jumeaux. Dans 80% des cas, les vrais jumeaux (monozygotes) avaient la même réaction devant la coriandre. Les jumeaux dizygotes, eux, étaient du même avis dans seulement 50% des cas.

Mme Brasseur, qui anime des ateliers tant pour les enfants que pour les chefs de cuisine, estime que tout le monde a le droit de ne pas aimer certains aliments. Comme quoi tous les goûts sont dans la nature… et ne se discutent pas.

Génétique et géographie

Plus on est initié jeune aux aliments, moins on est difficile, croit Andy Brasseur, de l’Institut du goût en Amérique du Nord.

«C’était très difficile de faire manger de la coriandre à mon père. Il disait que ça avait un goût de punaise. L’horreur! Il arrivait de la Lorraine, où on ne trouvait pas du tout de coriandre à l’époque. Au contraire, ma mère m’en a fait manger très jeune et j’ai toujours aimé ça», raconte-t-elle.

La théorie d’Andy Brasseur pourrait expliquer que le nombre de personnes qui n’aiment pas la coriandre varie d’une région géographique à l’autre. En Amérique latine, où cette herbe parfume les salsas, les enchiladas, les ceviches, presque tout le monde l’aime!

POURCENTAGE DES GENS QUI N’AIMENT PAS LA CORIANDRE 

Asie de l’Est: 21%

Europe: 17%

Amérique du Nord: 17%

Afrique: 14%

Asie du Sud: 7%

Amérique latine: 4%

Moyen-Orient: 3%

Sources: Flavour Journal et Nature

http://www.lapresse.ca/

Pourquoi est-ce qu’on adore certains goûts et qu’on en déteste d’autres?


Pourquoi une aversion a certains aliments alors que d’autres en raffolent ? Plusieurs pistes sont mises en avant, telle que génétique, l’éducation, les mauvaises expériences, ou encore liée à notre identité, mais les goûts peuvent aussi se développer
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Pourquoi est-ce qu’on adore certains goûts et qu’on en déteste d’autres?

 

Des huîtres à Andernos-les-Bains, en décembre 2012. REUTERS/Régis Duvignau

Rachel Pomerance Berl

Nous ne sommes pas égaux devant les aliments.

Si un de vos repas comprend des huîtres, il y a de fortes chances pour que cela provoque une réaction (et l’on ne parle pas de l’intoxication possible). Pour certains, le mollusque est l’essence-même des repas de fêtes. D’autres n’arrivent pas à dépasser le côté visqueux ou à admettre que cela soit même de la nourriture.

Des goûts et des couleurs on ne discute pas, comme on dit.

Quoique?

Récemment dans un café, j’ai remarqué que le serveur proposait des cornichons avec chaque commande de sandwich. Et à chaque fois, le client s’enthousiasmait «Oui, s’il vous plaît!» Après plusieurs échanges de la sorte, j’ai fait remarquer que tout le monde avait l’air de vraiment vouloir les cornichons.

«Ah non, m’a contredit le serveur. Soit ils en veulent vraiment, soit ils n’en veulent vraiment pas.»

Ce n’est bien sûr pas le cas de tous les aliments ni de tout le monde. Mais qu’est-ce qui fait que ces aliments en particulier –les choux de Bruxelles et autres olives noires– semblent déclencher à la fois un tel engouement et un tel dégoût?

Aimez-vous la coriandre?

J’ai posé la question à Paul Rozin, professeur de psychologie à l’Université de Pennsylvanie et expert en aversions alimentaires, qui a dit qu’il ne connaissait l’existence d’aucune donnée quant à la raison pour laquelle certains aliments provoquaient des réactions extrêmes.

Ma question ayant éveillé sa curiosité, il a réexaminé une partie de sa recherche portant sur les préférences alimentaires parmi la population d’étudiants de l’Université de Pennsylvanie, de leurs parents et de leurs grands-parents. Les résultats, qu’il prévoit de publier, ont montré que certains aliments étaient en effet polarisés au sein de certaines générations. Les haricots de Lima, le foie de poulet et le bifteck, par exemple, ont provoqué de fortes réactions dans les deux sens chez les parents comme chez les grand-parents. Les trois groupes étaient aussi «bimodaux», comme il dit, sur les olives noires. Les grands-parents étaient passionnément pour ou contre la sauce piquante.

Au-delà de la recherche de Rozin, un aliment en particulier, de façon peut-être unique, a le don d’échauffer les esprits: la coriandre. Des études ont mis en lumière l’existence possible d’une base génétique au fait que certaines personnes lui trouvent un goût de savon alors que d’autres trouvent ça fabuleux. Néanmoins la recherche suggère qu’il est possible pour les détracteurs de la coriandre d’apprendre à l’apprécier.

Parmi les aliments qui nous affectent le plus, beaucoup ont des qualités extrêmes ou inhabituelles.

Habitude quand tu nous tiens…

La couleur sanguinolente des betteraves ou la sensation collante de l’okra peuvent provoquer des réactions extrêmes, dit l’expert en comportements alimentaires Brian Wansink, qui dirige le Food and Brand Lab de l’Université de Cornell. Le caractère étrange d’un aliment stigmatise celui-ci et justifie qu’on l’évite, explique-t-il. De plus, nous avons tendance à être des néophobes alimentaires.

«Nous faisons naturellement un peu moins confiance aux nouveaux aliments, dit Wansink. Si nous mangions tout ce que nous voyons, nous serions morts.»

Néanmoins l’exposition répétée neutralise la nouveauté, donnant à l’exotisme un aspect sûr, familier et même digne de fringales –ce qu’on nomme le «goût acquis».

«Aucun Américain n’aime le kimchi la première fois qu’il en mange», dit Wansink, qui s’est converti au kimchi. Toutefois, l’exposition ne garantit pas l’adoption. La femme de Wansink, qui est taïwanaise, et leurs filles aiment les œufs de cent ans, qui sont populaires en Chine. Lui continue de trouver que les œufs de cent ans sont «vraiment, vraiment dégoûtants».

Le fait que les aliments rassurants d’une culture soient ceux qui provoquent la méfiance dans une autre illustre l’influence de l’exposition.

«La majeure partie de ce qui guide notre comportement vis-à-vis de la nourriture est notre expérience passée», dit Linda Bartoshuk, chercheuse à l’Université de Floride spécialisée dans le goût.

«C’est quelque chose qu’on apprend.»

Nous commençons tous avec une préférence pour les aliments sucrés et une aversion pour ceux qui sont amers, dit-elle. Mais le conditionnement prend le dessus avant même la naissance –la recherche montre que les préférences alimentaires peuvent passer de la mère à l’enfant en fonction de ce que celle-ci mange durant sa grossesse.

Le laboratoire de Bartoshuk a découvert que certaines personnes ressentaient le goût de façon plus intense que d’autres –en partie parce qu’elles possèdent plus de papilles gustatives que d’autres. Si ceux qu’on nomme les super-goûteurs, qui représentent environ 15% des Américains, trouvent insupportables les aliments gras, épicés ou amers, ils peuvent aussi éprouver plus de plaisir que d’autres à travers la nourriture. Mais même là, Bartoshuk met l’accent sur le fait que de telles sensations ne prédisent pas si la personne va aimer ou détester un aliment spécifique. Que l’on soit un super-goûteur ou pas, notre expérience influence nos goûts.

L’odorat joue également un rôle critique dans notre expérience gustative. Et là encore, c’est subjectif. Tout le monde n’est pas en mesure de détecter certaines mauvaises odeurs spécifiques, et vous pouvez vous en estimer heureux.

Nos madeleines

L’odeur du putois, par exemple, n’est pas universellement dérangeante, dit Bartoshuk. Ajoutez à cela l’expérience et vous comprendrez pourquoi le fromage qui pue peut rappeler à une personne un voyage romantique à Paris et évoquer des odeurs corporelles à une autre. En tout cas, les aversions alimentaires surviennent souvent à la suite de mauvaises expériences, comme vous le dira quiconque a vécu une soirée mouvementée à base de tequila.

L’idée que certains aliments puissent faire remonter des souvenirs profonds est connu sous le nom de madeleine de Proust, du nom du phénomène que décrit l’auteur au moment où il est transporté par le goût d’une madeleine. Le film Ratatouille en saisit un exemple plus récent quand une bouchée du plat de légumes français transporte Anton Ego, impitoyable critique culinaire, dans la cuisine baignée de soleil de son enfance à la campagne, à dévorer les émotions à chaque nouvelle cuillerée.

Des associations aussi puissantes expliquent pourquoi certains aliments peuvent être remplis de sens et liés à l’identité.

Dans certains cas, ils deviennent «des symboles d’appartenance ethnique», dit Daniel Kelly, philosophe à l’université de Purdue et auteur de Yuck! The Nature and Moral Significance of Disgust.

Un exemple d’aliment qui constitue un test décisif d’appartenance: la vegemite, la pâte alimentaire australienne couleur goudron qui résiste à une description et, pour beaucoup, à une consommation faciles.

«Aimer la vegemite fait partie de la condition d’Australien, mais le reste du monde la déteste», dit Daniel Kelly.

Pour Daniel Kelly, le fait d’avoir grandi dans le Midwest rural s’est accompagné du genre de sensibilités alimentaires qu’on annonce fièrement.

«Nous ne mangeons pas de nourriture thaï. Nous ne mangeons pas de poisson cru… Les Twinkies [génoises fourrées à la crème, NDT] frits, ça c’est tout nous.»

Buzzfeed a récemment réalisé une vidéo sur la nourriture juive, montrant des non-Juifs qui essaient des aliments aussi particuliers que le gefilte fish: à propos du magma de poisson blanc gélatineux en bocal, l’un des critiques a commenté que ça «a[vait] le même goût que l’odeur d’une épicerie». Une autre a constaté, une fois passée la réaction d’horreur initiale, que ça ne la dérangeait pas après tout.

Les fortes réactions à ce que nous mangeons révèlent sans doute quelque chose au sujet de la nourriture elle-même. Mais elles en disent bien plus sur la personne qui réagit.

Note de l’édition: la version originale de l’article faisait allusion à des plats traditionnellement servis pour Thanksgiving. Nous avons remplacé cette référence par les huîtres, aliment qui a tendance à partager les Français.

http://www.slate.fr/