De fausses chenilles pour étudier les vrais impacts de la biodiversité


 

Une étude dont les matériaux nécessaires ne pas très chers. De la pâte à modeler et des tiges de métal pour faire des fausses chenilles et ainsi mieux cerné les prédateurs qui pourraient sauver la santé des arbres urbains. Le problème n’est pas vraiment la diversité des essences d’arbres, mais de la manière qu’ils sont répartis. Comme quelques villes ont connu la destruction de plusieurs frênes à cause de l’agrile du frêne.
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De fausses chenilles pour étudier les vrais impacts de la biodiversité

 

Une fausse chenille dans un arbre.

Des chenilles en pâte à modeler sont installées sur des branches d’arbre dans différents parcs de Montréal. Photo : Radio-Canada/Renaud Manuguerra-Gagné

Des appâts bien spéciaux se retrouvent dans les parcs de la région de Montréal cet été : des chenilles en pâte à modeler. Cette technique, en apparence simple, va permettre de mieux comprendre comment la biodiversité des plantes urbaines influe sur la présence de prédateurs qui contrôlent les insectes nuisibles.

Un texte de Renaud Manuguerra-Gagné, de Les années lumière

À première vue, on pourrait croire à une décoration faite par des enfants : un morceau de pâte à modeler enroulé autour d’un fil de fer.

Une dame tient la tige dans ses mains.

Un morceau de pâte à modeler est enroulé autour d’un fil de fer. Photo : Radio-Canada/Renaud Manuguerra-Gagné

Pour des prédateurs tels que des oiseaux ou des araignées, cela ressemble toutefois davantage à une proie facile d’accès. Et pour les chercheurs qui en récupéreront les morceaux, c’est un trésor d’informations.

« On a un énorme manque d’informations en ce qui concerne la diversité des prédateurs en zone urbaine », explique Alain Paquette, professeur en biologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et l’un des deux chercheurs responsables du projet.

Ce manque pourrait bien être comblé à la fin de l’été grâce aux centaines de leurres déployés dans des parcs de la région de Montréal.

En environnement, tout est lié

Un main met en évidence le leurre dans l'arbre.

Ce morceau de pâte à modeler ressemble à une proie facile d’accès pour des prédateurs tels que les oiseaux ou les araignées. Photo : Radio-Canada/Renaud Manuguerra-Gagné

Les chercheurs veulent tracer un meilleur portrait de ce qui influence l’état de santé des arbres dans les villes, qui sont loin d’être des endroits qui facilitent leur croissance.

« Dans la nature, tout est relié », assure Bastien Castagneyrol, chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique en France, dans la région de Bordeaux, qui gère ce projet de l’autre côté de l’Atlantique. « Le type d’arbres qu’on retrouve dans les villes va influencer le type d’herbivores qui les peuplent et, par la suite, les prédateurs qu’on retrouve », explique-t-il.

À première vue, beaucoup de grandes villes semblent avoir une bonne diversité d’arbres. Il y a à Montréal, par exemple, jusqu’à 322 essences différentes, alors qu’il en pousse en moyenne 50 dans une même région au Québec.

Le problème, c’est qu’elles sont très mal réparties. Jusqu’à 60 % des arbres ne correspondent en fait qu’à trois espèces : l’érable argenté, l’érable de Norvège et le frêne. La situation est semblable dans la région de Toronto avec l’érable, le cèdre et le frêne, qui forment 50 % des arbres urbains.

Ce monopole peut avoir d’importantes conséquences lors de l’arrivée d’espèces invasives comme l’agrile du frêne qui a fait des ravages et mené à la mort de millions d’arbres.

Un des moyens de contrôler ces espèces invasives réside chez leurs prédateurs, mais ces animaux sont fortement influencés par le type d’arbres d’une région.

« On veut faire un bilan de quel type de prédateur se trouve à quel endroit dans les villes, explique Alain Paquette. On veut aussi étudier comment nos choix d’essences d’arbres influent sur le type de prédateurs qu’on rencontre et si, en retour, leur présence peut aider à protéger les arbres. »

Appâts simples, traces complexes

 

Des images montrant différentes marques de prédateurs.

Chaque animal ou insecte laisse une trace distinctive sur les chenilles en pâte à modeler.  Photo : Béla Eötvös et Gabor Lövei

En déployant jusqu’à 800 fausses chenilles dans trois parcs de la région de Montréal, les chercheurs espèrent trouver des traces des prédateurs qui s’y cachent.

« Les animaux qui vont s’en prendre à la pâte à modeler y laisseront des traces distinctives, explique Bastien Castagneyrol. Les traces en forme de V indiquent les marques d’oiseaux. Certains trous de petite taille témoignent d’attaques de mandibules d’insectes. Et si on est chanceux, on peut voir des marques distinctives de dents qui témoignent de la présence de rongeurs ou de reptiles. »

En même temps, les chercheurs prendront aussi des informations sur les dégâts subis par les arbres sur lesquels se sont déroulées leurs recherches, comme la présence d’insectes s’attaquant au tronc ou aux feuilles.

En comparant la présence de prédateurs aux dégâts subis par les arbres, il sera possible d’avoir une idée de l’impact des prédateurs sur la santé des arbres.

Le grand public à la rescousse

Des fils de métal entourés de pâte à modeler et piqués dans du styromousse.

Jusqu’à 800 chenilles seront installées dans trois parcs du sud-ouest de Montréal. Le projet pourrait ensuite s’étendre à d’autres secteurs de la métropole, et même à d’autres villes. Photo : Radio-Canada/Renaud Manuguerra-Gagné

Si tout se déroule bien, les chercheurs espèrent transformer leur étude en projet de science participative, en intégrant dès l’an prochain le public et même des écoles.

Bien qu’il soit difficile de s’assurer que toutes les chenilles sont identiques, cette méthode aiderait à voir les différences entre plusieurs régions de la ville de Montréal, et même dans d’autres villes au Canada ou en France.

Rappelons que la santé des arbres en ville sera de plus en plus importante à l’avenir, surtout avec le rôle qu’ils ont à jouer dans le combat contre les vagues de chaleur, dont le nombre et la durée risquent d’augmenter avec les changements climatiques.

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Pour appâter les coléoptères mâles, ce champignon transforme les femelles en zombies


Une espèce de coléoptère en Amérique du Nord se nourrit du nectar des fleurs, ces fleurs sont parasité par un champignon qui rend zombie l’insecte, si c’est une femelle, elle est condamnée dans une position de parade nuptiale pour attirer un mâle qui sera à son tour parasité par le champignon .. C’est glauque !
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Pour appâter les coléoptères mâles, ce champignon transforme les femelles en zombies

Chauliognathus pensylvanicus

Ce coléoptère de l’espèce Chauliognathus pensylvanicus a été infecté par un champignon entomopathogène.

FLICKR/COTINIS

Le coléoptère cantharide, qui se nourrit de nectar, subit un parasitisme fongique des plus violents : un champignon présent sur certaines fleurs le tue et l’immobilise, ce qui en fait un appât pour contaminer les insectes mâles.

PARASITISME. Le monde animal relève parfois du musée des horreurs. En témoigne cet étrange cas de parasitisme fongique, découvert par des chercheurs de l’université d’Arkansas et de Cornell aux États-Unis, dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue Journal of Invertebrate Pathology. Imaginez plutôt le tableau : la variété de champignon entomopathogène (c’est à dire, parasitant les insectes ou arthropodes au sens large) Eryniopsis lampyridarum transforme les coléoptères Chauliognathus pensylvanicus (ou cantharide de Pennsylvanie) en zombies. Et ce n’est pas le fin mot de l’histoire : les insectes femelles piégés sont figés dans une position de parade nuptiale, ce qui attire les mâles … qui se font infecter à leur tour en tentant de les courtiser.

Des insectes morts figés en appâts macabres

Chauliognathus pensylvanicus est une espèce de coléoptère endémique à l’Amérique du nord, qui se nourrit principalement de fleurs. Mais pas de chance : ce sont justement les variétés de fleurs dont il se repaît qui sont colonisées par le champignon Eryniopsis lampyridarum. Son mode d’action est pour le moins macabre : il contamine l’insecte lorsque celui se nourrit des fleurs parasitées (par exemple, de l’Eupatorium perfoliatum, de la verge d’or du Canada – Solidago canadensis – ou encore de l’aster poilu – Symphyotrichum pilosum).

ZOMBIES. Tel qu’observé par les entomologues, le mode d’action du champignon est des plus macabres : les mandibules du coléoptère se referment sur la fleur tandis qu’il meurt doucement, de façon à y rester accroché. Pour couronner le tout le tout, l’entomopathogène provoque un autre effet à retardement : un jour après contamination, les ailes du cantharide s’ouvrent, comme s’il était bien vivant et prêt à s’envoler. Si l’appât est un insecte femelle, il a de quoi leurrer les cantharides mâles, qui viennent s’y précipiter, confondant le signal avec un appel nuptial… et finissant à leur tour colonisés par le champignon mortel.

Ce scénario parasitique n’a pas à pâlir face aux films de série B, mais la communauté scientifique comprend encore assez mal comment le champignon agit sur sa proie aux différents stades de l’infection : par exemple, les mécanismes qui figent les mandibules, ou encore la façon dont germent les spores sur l’insecte. Vous trouviez le mode de reproduction d’Alien répugnant ? Bienvenue dans le monde réel, ou la réalité dépasse souvent la fiction.

Image extraite de la publication / Crédits : Steinkraus et al.

https://www.sciencesetavenir.fr/

L’appareil et les recharges, un modèle toxique


Une bonne critique face à nos habitudes de consommation. Nous achetons à bas prix sans penser qu’à long terme nous sommes perdants et de beaucoup. Les lames de rasoir, les machines à café individuel sont des exemples, Pourquoi ne pas acheter quelque chose de durable ? On préfère du jetable. Point de vue économie, on y perd, point de vue environnement, on y perd encore
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L’appareil et les recharges, un modèle toxique

 

30/365: Horas nocturnas / Andrés Nieto Porras via Flickr CC License by.

Les cartouches d’imprimante, les lames de rasoir et les iPhones sont comme des drogues dont on ne peut plus se passer. Et c’est mauvais pour vous, pour l’économie et pour la planète.

Imaginez que vous ne puissiez faire le plein de votre véhicule qu’avec une seule et unique marque d’essence. Une fois votre voiture achetée, impossible de changer de  marque de carburant –à la moindre tentative, elle refuserait tout simplement de démarrer. Cela a l’air fou, mais c’est précisément le business model qui prolifère dans tous les secteurs, des machines à café aux balayettes. Les transformations de l’économie mondiale ne font que contribuer à sa diffusion, presque toujours aux dépens des consommateurs.

On l’appelle souvent le business model de l’appât et de l’hameçon, ou «freebie marketing»[1]. On donne aux consommateurs un appareil breveté –où on le leur vend à bas prix– et on les oblige à acheter des pièces de remplacement pour le faire fonctionner.

Vous en avez sûrement plusieurs chez vous: imprimantes aux cartouches hors de prix, carafes d’eau aux filtres onéreux et, évidemment, rasoirs soi-disant ultra-modernes aux lames onéreuses. On pourrait même mettre les liseuses d’e-book et les smartphones, souvent vendus à perte pour appâter les consommateurs, dans la même catégorie, bien que leurs «recharges» ne produisent pas autant de déchets.

Un comportement de toxicomane?

Ce n’est pas une coïncidence si le modèle de l’appât et de l’hameçon a de nombreux points communs avec la toxicomanie. On vous laisse tester un produit à un tarif plus bas que son coût réel et, une fois accro, vous payez le prix fort. Ce modèle ne se fonde pas sur le mérite du produit; en réalité, il exploite plusieurs faiblesses dans la manière dont les consommateurs prennent leurs décisions.

Par exemple, au moment d’ouvrir leur porte-monnaie, les consommateurs ne comprennent pas toujours le coût à long terme du produit qu’ils achètent. Lorsqu’une imprimante à jet d’encre qui fait aussi scanner, photocopieuse et fax vous est vendue, combien vous coûte son utilisation au cours, disons, des trois années qui suivent votre achat? Pour répondre à cette question, il vous faut estimer le nombre de pages que vous allez imprimer, combien de pages –vos pages à vous, pas n’importe lesquelles– chaque nouvelle cartouche pourra imprimer et le coût des recharges d’encre sur trois ans. Très peu de transparence ici; la plupart du temps, les consommateurs ont tendance à se fier uniquement au prix inscrit sur l’étiquette de l’imprimante, qui peut être totalement trompeur.

En outre, en règle générale, les consommateurs sous-estiment leur consommation future. Les entreprises qui proposent des cartes de crédit tirent aussi parti de cette faiblesse lorsqu’elles proposent des formules attractives à très bas taux d’intérêts; les versements mensuels peuvent même transformer les biens de consommation coûteux en l’équivalent d’un rasoir et de ses lames. Ce qui aggrave encore les choses, c’est que les consommateurs ont tendance à accorder une importance disproportionnée à l’argent dépensé sur le moment par rapport à celui qu’ils dépenseront plus tard, tendance qui appauvrit leur moi futur. Par conséquent, ils sont plus susceptibles d’acheter un produit bon marché plutôt qu’un produit coûteux mais qui se révèlerait moins cher à l’usage.

Le modèle de l’appât et de l’hameçon a aussi un prix pour la société. Au lieu d’acheter un seul et unique rasoir qui va durer des années, les gens jettent chaque semaine un nombre incalculable de lames, avec leurs manches en plastique et leurs bandes en caoutchouc. Les fabricants d’imprimantes proposent de minuscules recharges d’encre pour s’assurer que les clients ne soient jamais confrontés à une facture trop exorbitante, mais ils perdent toute possibilité d’économie d’échelle pour la matière première utilisée dans la fabrication des contenants. Ils accumulent les déchets juste pour que les clients continuent d’acheter.

Un palliatif aux services publics

Dans certains secteurs, ce modèle pourrait même remplacer les services publics. Prenons l’exemple des filtres à eau. Aux Etats-Unis, leurs fabricants en vendent pour plusieurs centaines de millions de dollars chaque année. Etant donné que la loi requiert que l’eau du robinet soit potable, ces filtres servent surtout à combler les goûts et à assurer la tranquillité d’esprit des consommateurs. Mais dans d’autres pays, où l’eau du robinet n’est souvent pas potable, ces carafes et leurs filtres constituent une solution sporadique à un problème qui devrait être résolu de façon centrale. En lieu et place de la construction d’une infrastructure qui permettrait la distribution d’eau potable à des millions de gens, ceux qui en ont les moyens jettent chaque année des millions de filtres en plastique usagés.

L’innovation figure elle aussi parmi les victimes du modèle de l’appât et de l’hameçon. Les entreprises qui y ont recours sont très peu motivées pour rendre leurs produits plus efficaces ou durables, puisque les déchets font partie intégrante de leur stratégie. Elles n’ont pas non plus grand-chose à gagner à proposer à leurs clients des produits complets et plus chers qui répondraient une bonne fois pour toutes à leurs besoins –une imprimante qui n’aurait jamais besoin d’encre, un purificateur d’eau dont il ne faudrait pas remplacer le filtre ou un rasoir à la lame toujours affûtée.

Seuls de nouveaux venus sont susceptibles de mettre au point ce genre de produits pour tenter d’évincer la concurrence en place. Mais même dans ce cas, les consommateurs pourraient rechigner à acquérir des produits onéreux, même s’ils leur coûtent moins cher à long terme. Considérant cela, certaines entreprises –encouragées par des cabinets de consulting opportunistes– proposent des produits tels que des appareils photo numériques jetables, versions obsolescentes de biens durables qui auraient dû éliminer le modèle de l’appât et de l’hameçon.

Malheureusement, les transformations que subit l’économie mondiale ne font que rendre le modèle de l’appât et de l’hameçon plus séduisant encore. La baisse des prix du pétrole va rendre le plastique moins cher, ce qui va permettre aux entreprises soit de baisser leurs prix, soit d’augmenter leurs marges sur les produits jetables. Les réductions d’impôts et les mesures d’austérité dans le monde entier vont réduire les financements des services publics. Et à mesure que diminuent les capacités de concentration des consommateurs, leur tendance à rechercher une gratification immédiate dans des produits bon marché va sans doute augmenter.

Comment faire pour déjouer cette stratégie de l’appât et de l’hameçon? Sensibiliser les consommateurs pourrait fonctionner, surtout s’ils trouvent le moyen de tourner le business model à leur avantage. Le financement à long terme de produits à longue durée de vie pourrait également être une bonne idée, comme cela a déjà été le cas pour les voitures. Le plus probable pourtant est que ce modèle va rester rentable jusqu’à ce que les ressources se fassent si rares que les consommateurs ne voudront plus rien jeter.

Quelle ironie: le modèle du rasoir aux lames jetables est en train de rendre ce jour de plus en plus proche.

http://www.slate.fr