Chat, chien, oiseau, poisson, cochon d’inde, bref les animaux de compagnie peuvent souffrir de la fumée tertiaire. La fumée tertiaire est le résidu de la fumée secondaire des cigarettes qui se retrouve sur les rideaux, murs, tapis etc .. Même s’il n’est pas prouvé hors de tout doute, il est clair que les animaux souffrent quand les personnes fument près de lui.
Nuage
La fumée secondaire menace aussi la santé de vos animaux
CHENDONGSHAN VIA GETTY IMAGES
Ils seront également exposés à la fumée tertiaire — les résidus de fumée secondaire qui se déposent sur les surfaces — d’une manière à tout le moins improbable chez les humains.
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Jean-Benoit Legault
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La Presse Canadienne
MONTRÉAL — La fumée secondaire peut avoir sur la santé des animaux de compagnie un effet comparable à celui qu’elle a sur la santé des humains, même si la durée de vie plus courte des animaux signifie qu’il est plus difficile de prouver un lien hors de tout doute, ont dit des experts interrogés par La Presse canadienne.
En revanche, ont prévenu les vétérinaires Marie-Odile Benoît-Biancamano et Louis-Philippe de Lorimier, les animaux seront également exposés à la fumée tertiaire — les résidus de fumée secondaire qui se déposent sur les surfaces — d’une manière à tout le moins improbable chez les humains.
«Il faut garder en tête que les animaux de compagnie vivent un peu moins longtemps que les humains, donc on n’aura pas d’exposition pendant 40 ans à des produits de ce type-là, a rappelé la docteure Benoît-Biancamano, qui est pathologiste vétérinaire. Ça se rapprocherait plus de ce qu’on peut voir chez des enfants.»
La Food and Drug Administration des États-Unis prévient sur son site internet que la fumée secondaire peut aggraver les symptômes des chiens qui ont déjà des problèmes respiratoires. On noterait dans les voies respiratoires et les poumons des chiens des changements similaires à ceux constatés chez les humains.
Des études démontreraient, toujours selon la FDA, que les chats qui habitent avec un fumeur sont deux à quatre fois plus susceptibles de souffrir d’un carcinome épidermoïde buccal félin, une forme agressive de cancer de la bouche qui apparaît souvent sous la langue — là où les particules de fumée secondaire ont tendance à s’agglutiner après la toilette.
Ces chats tripleraient aussi leur risque de souffrir d’un lymphome, un cancer du système immunitaire qui ressemble au lymphome non hodgkinien chez l’humain. Un chat souffrant d’un lymphome ne survivra habituellement pas plus de six mois.
«On le sait qu’il y a des risques accrus, a dit le docteur de Lorimier, un oncologue vétérinaire. Si on fait plus d’études, peut-être qu’on va trouver des liens significatifs. On sait que la quantité de nicotine qu’on retrouve dans l’urine des chiens et des chats exposés à la fumée secondaire est suffisamment élevée pour croire qu’il y a un potentiel de risque et peut-être un risque accru. Et en bout de ligne, même si les études n’ont pas démontré de gros lien à part du chat pour le lymphome et le cancer de la bouche, il y a peut-être des liens qui n’ont pas encore été identifiés.»
La docteure Benoît-Biancamano dit qu’elle est parfois en mesure d’observer au microscope des particules noires accumulées dans les poumons des animaux de compagnie. Ces particules sont généralement associées à la pollution de l’air, soit la fumée secondaire, le smog ou autre.
«Bref, ces particules peuvent s’accumuler suffisamment pour qu’on arrive à les observer de visu», a-t-elle indiqué dans un courriel.
Longueur du museau
La race de chien, et donc la longueur de son museau, aura une grande influence sur l’impact de la fumée secondaire.
«Chez certaines races de chiens à museau plus long, il y avait peut-être un risque légèrement accru de cancer des voies nasales. On sait que les chiens ont des voies nasales beaucoup plus développées que les nôtres, avec des cornets nasaux très complexes», a dit le docteur de Lorimier.
La FDA explique que les races dont le museau est long, comme les bergers allemands et les dobermans, développeront davantage de cancers de la cavité nasale, puisque leur museau capture davantage de particules toxiques. Chez les chiens ayant un museau court ou moyen, comme les bouledogues et les pugs, davantage de particules ultrafines rejoignent les poumons, y causant des cancers.
Le docteur de Lorimier évoque toutefois «une étude très récente (qui) a essayé de voir s’il y avait un risque accru de cancer du poumon chez les chiens exposés à la fumée secondaire, et c’est sorti qu’il n’y avait pas de risque accru du cancer du poumon».
Chez le chien, des études témoigneraient aussi d’une association entre la fumée secondaire, une dermatite atopique et des dommages à l’ADN des tissus oropharyngiens.
L’exposition des animaux de compagnie à la fumée tertiaire est par ailleurs radicalement différente de celle des humains.
«Puisque les animaux sont très près du sol, ils vont inhaler des particules tertiaires qui se retrouvent dans les tapis, et évidemment les humains ne se promènent pas à quatre pattes à respirer le tapis, donc ils ne seront pas exposés à ça, a dit la docteure Benoît-Biancamano. L’autre différence chez les animaux, particulièrement chez les chats, est qu’ils vont se lécher, donc en plus ils vont absorber par la bouche les particules qui vont se déposer sur le poil. Ils vont aussi les respirer sur leur poil, en plus de les absorber en se léchant. Particulièrement les chats, qui sont très diligents dans leur toilettage.»
La FDA précise que les animaux peuvent ingérer ces résidus en léchant leur propriétaire, qui devient une autre «surface» sur laquelle ils se déposent.
Le rôle des propriétaires
À défaut de preuves scientifiques aussi solides que chez l’humain, le docteur de Lorimier offre l’anecdote d’un boxer qui souffrait d’un «cancer pulmonaire fulgurant, très avancé et avec des métastases».
«Honnêtement à la radiographie, ça ressemblait plus à ce qu’on voit chez les humains qui sont des fumeurs chroniques», a-t-il dit.
Les deux propriétaires de la bête étaient clairement des fumeurs chroniques, des gens âgés aux doigts jaunis. L’homme confie alors au vétérinaire que le chien insiste pour que la cigarette soit devant son museau quand elle n’est pas dans sa bouche, sinon il devient «agressif».
«D’après moi ce chien-là était dépendant», a dit le docteur de Lorimier.
Cela étant dit, la majorité des propriétaires d’animaux de compagnie ont sa santé à coeur et plusieurs sont prêts à écraser s’il en va de son bien-être.
«Les propriétaires ne sont pas vraiment au courant des dangers, a affirmé la docteure Benoît-Biancamano. Une étude aux États-Unis a montré que quand les propriétaires étaient mis au courant de l’impact que ça pouvait avoir sur leur animal, plusieurs étaient plus motivés à arrêter de fumer.»
Pour certaines personnes, ajoute-t-elle, et souvent des fumeurs de longue date, leur animal de compagnie est leur principal compagnon de tous les jours. Quand ils réalisent que leur tabagisme pourrait leur coûter ce compagnon, ils vont y penser à deux fois.
Le docteur de Lorimier abonde dans le même sens.
«J’ai vu souvent des animaux qui avaient des problèmes qui étaient potentiellement causés par la fumée chronique, et là je pense surtout aux chats asthmatiques, a-t-il dit. Et quand je disais au propriétaire qu’un des facteurs de risque potentiel qui empire ça c’est le fait que vous êtes fumeur et que vous fumez dans la maison, le propriétaire me disait, “je vais arrêter de fumer. Pour moi je sais que je devrais arrêter depuis longtemps, mais là si vous me dites que je nuis à mon animal, je vais arrêter de fumer”. On voyait qu’il se sentait coupable.»
La fumée secondaire ne menace pas uniquement les chiens et les chats, dit la FDA: Les oiseaux peuvent ingérer des particules de fumée tertiaire en nettoyant leurs plumes. Ils sont à risque, notamment, de pneumonie, de cancer du poumon, de problèmes oculaires, de problèmes de peau et de problèmes cardiaques. Des cochons d’Inde exposés à la fumée secondaire pendant plus de six mois ont développé des changements pulmonaires microscopiques similaires à ceux vus chez les fumeurs. Ils ont aussi souffert d’emphysème. D’autres ont perdu du poids en raison de l’impact de la fumée secondaire sur leur métabolisme. Les poissons sont aussi vulnérables, puisque la nicotine se dissout facilement dans l’eau. Lors d’une expérience, un mégot a été jeté dans un aquarium. Quatre jours plus tard, la moitié des ménés âgés de deux semaines qu’il contenait étaient morts. Pour réduire l’exposition des animaux de compagnie à la fumée secondaire, la FDA recommande de fumer à l’extérieur, de laver régulièrement l’animal pour éliminer les résidus, et de nettoyer tapis, meubles et rideaux à la vapeur. |