L’incroyable migration d’une libellule géante


Une migration qui se fait en 3 générations à travers l’Amérique, les libellules anax de juin traversent ainsi le Canada, États-Unis, Mexique et Caraïbes.
Nuage

 

L’incroyable migration d’une libellule géante

 

Photo: Wichita State University

Alain Labelle

Un peu à l’image du papillon monarque, l’anax de juin (Anax junius) effectue une migration annuelle sur des centaines de kilomètres à travers l’Amérique, révèlent les observations d’écologistes américains associés à l’Institut Smithsonian de biologie.

Cette libellule appartient à la famille des Aeshnidae,commune en Amérique centrale et du Nord. Elle est présente au Canada, particulièrement au Québec.

Dans leurs travaux, Michael Hallworth et ses collègues ont établi que sa boucle migratoire annuelle se déroule sur au moins trois générations.

Cette découverte a été rendue possible grâce à la science participative, c’est-à-dire avec l’aide de citoyens bénévoles sur le terrain qui ont recueilli des informations pendant plus de 20 ans, mais aussi grâce à la détection de composés chimiques présents sur les ailes des insectes.

Le saviez-vous?

  • Cette grosse libellule mesure entre 6,5 et 8,5 cm de long;
  • Elle présente une envergure de plus de 9 cm;
  • Son thorax est vert, et son abdomen est bleuâtre et brun foncé;
  • Sa face est vert jaunâtre et porte une marque en forme de cible.

D’une génération à l’autre

Les chercheurs ont établi que, de février à mai, une première génération d’insectes émerge dans le sud des États-Unis, au Mexique et dans les Caraïbes et migre vers le nord.

Dès le mois de mars, certaines de ces libellules atteignent ensuite la Nouvelle-Angleterre, le sud du Québec et de l’Ontario, et le nord du Midwest. Elles pondent alors leurs œufs dans des étangs et dans d’autres plans d’eau calmes et finissent par mourir dans ces régions. Ce premier trajet est d’environ 650 km.

À partir de juillet et jusqu’à la fin d’octobre, une deuxième génération prend ensuite le relais et met le cap vers le sud. Certaines de ces libellules effectuent le voyage l’année même de l’arrivée de leurs géniteurs, mais d’autres effectuent leur migration l’année suivante, après avoir hiverné lorsqu’elles étaient encore des nymphes, deuxième stade du développement des insectes situé entre la larve et l’imago. Cette partie du voyage avoisine les 680 km.

Une troisième génération émerge vers le mois de novembre et vit entièrement dans le sud durant l’hiver. C’est sa progéniture qui recommence le cycle en essaimant vers le nord alors que les températures se réchauffent au printemps.

Une libellule difficile à suivre

Les scientifiques savaient déjà que ces libellules migraient, mais les détails de ce voyage restaient méconnus.

À l’heure actuelle, les instruments qui permettent aux scientifiques de suivre les mouvements des animaux pendant un certain laps de temps ne sont pas assez miniaturisés pour prendre en filature des insectes. Les plus petits outils pèsent environ 0,3 gramme, ce qui équivaut à près du double du poids de cette espèce de libellule.

Les chercheurs ont donc privilégié la piste chimique pour suivre son aventure migratoire. Ils ont eu recours à des spécimens de musées capturés au fil des ans et de centaines d’autres libellules capturées vivantes pour déterminer sur leurs ailes la quantité d’une forme rare d’hydrogène qui se trouve à l’état naturel, mais qui varie selon les zones géographiques.

En fait, au fil de sa vie, cette libellule grappille cette forme d’hydrogène dans l’eau où elle se développe. Les scientifiques ont remarqué que cette forme d’hydrogène se raréfie du sud au nord de l’Amérique du Nord. Il est ainsi possible de déterminer où elle est passée.

Je ne peux pas vous donner un code postal, mais il est possible de distinguer celles qui ont grandi au sud de celles qui ont grandi au nord. Michael Hallworth, écologiste associé à l’Institut Smithsonian de biologie

Les effets des changements climatiques

L’équipe de recherche s’inquiète des effets des changements climatiques sur le moment de la migration et le développement des nymphes, puisque ces dernières dépendent fortement de la température.

Le détail de ces travaux est publié en anglais dans la revue Biology Letters(Nouvelle fenêtre).

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