Une grotte qui aurait peut-être servi de sanctuaire pour les hommes de Neandertal en collectionnant des ossements de lions des cavernes, peut-être que cet animal de l’âge de glace était un symbole particulier pour ces hommes préhistoriques
Nuage
Un sanctuaire de lions des cavernes retrouvé dans l’Oural

Fossiles de lion des cavernes découvert dans la grotte d’Iman dans l’Oural (Russie). ©Dmitriy Gimranov
Par Bernadette Arnaud–
Plus de 500 os de lions des cavernes ont été mis au jour dans la république du Bashkortostan, en Russie.
FOSSILES. La découverte serait exceptionnelle… d’autant qu’il pourrait s’agir d’animaux sacrifiés !Des fragments de crânes, des mâchoires, d’énormes crocs… Une impressionnante concentration d’os de lions des cavernes (panthera leo fossilis) ont récemment été mis au jour dans la république du Bashkortostan, en Russie.
Mâchoire de lion des cavernes découverte dans la grotte d’Iman (Russie) ©Dmitriy Gimranov
Plus de 500 os fossiles appartenant à ces félins de l’âge de glace, un des plus grands prédateurs de la préhistoire, ont été recueillis par des archéologues dans des niveaux vieux de 50 000 à 60 000 ans, dans la grotte d’Iman. Une importante cavité située au sein du parc national de Bashkirie, vaste territoire recouvert de forêts, localisé sur le versant sud-ouest des montagnes de l’Oural.
« Jamais une telle quantité d’os de lions des cavernes n’avait été rencontrée en un même lieu. Nous avons trouvé ces fossiles déposés en surface et jusqu’à 60 cm de profondeur. Cela à 100 m de l’entrée de la grotte », a expliqué à Sciences et Avenir, Dmitryi Gimranov, le responsable des recherches menées par l’Institut d’Ecologie Végétale et Animale, de l’académie des sciences russes, à Ekaterinenbourg, la capitale de l’oblast de Sverdlovs.
Dans la caverne, les archéologues ont également exhumé des pierres taillées datant du Moustérien moyen (de type « ostrokonechniki »), des outils préhistoriques associés à l’homme de Neandertal.
« Ces os ont été volontairement transportés à l’intérieur de la cavité », poursuit Dmitryi Gimranov, assignant à cet acte une valeur symbolique.

Crâne de lion des cavernes découvert dans la grotte d’Iman dans l’Oural (Russie) © Dmitriy Gimranov
Après une première étude, il apparait que ces vestiges sont ceux de cinq à six lions adultes.
« Il y avait aussi parmi eux un crâne d’ours des cavernes, avec une trace de perforation artificielle », déclare Dmitryi Gimranov.
Ce site était-il pour autant un sanctuaire ?
« Nous le pensons. Des hommes sont venus dans cette cavité, mais n’y ont pas vécu. Nous n’avons pas retrouvé de traces de foyers, ni de charbon, et aucun reste alimentaire. Seul se trouvait ce dépôt d’ossements de lions et des outils taillés. Il pourrait s’agir d’un des sanctuaires préhistoriques les plus anciens du monde« , plaide le chercheur.
« Découvrir des centaines de restes osseux de lions des cavernes demeure extrêmement rare. Et dans le cas de cette grotte, si l’ensemble de ces éléments étaient confirmés, car il faut rester prudent, ce serait la première fois qu’on aurait vraiment mis en relation un acte symbolique entre Néandertal et le lion des cavernes », précise Philippe Fosse, paléontologue à l’UMR 5608 TRACES (CNRS), à l’université de Toulouse.
L’exemple des fresques des lionnes de la grotte Chauvet
A ce jour, seules quelques grottes européennes ont livré des restes de ces félins éteints. Et on connait l’importance que cet animal a eu dans la pensée symbolique des hommes du paléolithique supérieur, vers 35 000-40 000 ans, à l’instar des extraordinaires fresques des lionnes de la grotte Chauvet, en Ardèche ou de la statuette de l’homme à tête de lion de Vogelherd, dans le Jura Souabe, en Allemagne.
Pour l’heure, les analyses continuent et des datations sont en cours à l’université d’Herzen à Saint-Petersbourg. Les fouilles de la grotte d’Iman devraient reprendre l’an prochain.

Le lion des cavernes
Le lion des cavernes était présent dans toute l’Eurasie, de 300 000 ans à environ 11 000 ans. Il n’existe cependant toujours pas de consensus sur la phylogénie du félin. Certains estiment en effet que le lion des cavernes appartient à la même espèce que celle rencontrée actuellement en Afrique. D’autres, non. Quoiqu’il en soit, Panthera leo fossilis, le lion archaïque, est considéré comme étant le premier représentant du genre Panthera leo. Les plus anciens spécimens connus ont été rencontrés dès le Pléistocène moyen (entre 800 000 et 200 000 ans) en Italie, Angleterre et Allemagne. Son successeur, au Pléistocène supérieur, le Panthera leo spelea, serait apparu il y a un peu plus de 100 000 ans. Les derniers individus appartenant à cette espèce ont été décrits dans le sud de l’Europe vers 10 500 ans.
Légende image : Reconstitution d’un lion des cavernes dans la réplique de la Grotte Chauvet. © BONY/SIPA
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