Les dagurrotyopes sont des photographes sur des plaques d’argent inventé par un Français en 1830. Aujourd’hui, plusieurs de ces photos anciennes ont jauni et ne peuvent être restaurées sans effacer l’image dont certains ne sont plus visibles. Il existe un accélérateur de particules : le synchrotron. Avec cette technologie, il est maintenant possible de restaurer des photos même ceux qui sont vraiment détériorer avec le temps.
Nuage
Un accélérateur de particules fait renaître des photos anciennes
Ce daguerréotype montre deux prospecteurs d’or aux alentours de 1860. Photo: Institut canadien de la photographie/Musée des beaux-arts du Canada
Dominique Forget
Madalena Kozachuk redonne vie à des hommes et des femmes qui n’ont pas vu la lumière du jour depuis plus de 100 ans. Elle restaure des photographies anciennes grâce à un accélérateur de particules.
Des tuyaux d’acier courent dans toutes les directions et s’étirent sur une surface grande comme un terrain de football. Les fils électriques se comptent par dizaines de milliers. Nous sommes au Centre canadien de rayonnement synchrotron, à Saskatoon. La chercheuse Madalena Kozachuk est venue dans cet endroit aux allures futuristes pour faire revivre des trésors du passé.
Le synchrotron de Saskatoon Photo : Radio-Canada
Dans ses bagages, elle a apporté quelques daguerréotypes, prêtés par le Musée des beaux-arts du Canada. Les daguerréotypes sont des photographies du 19e siècle, imprimées sur des plaques d’argent.
Certains sont tellement ternis qu’on n’arrive plus à distinguer les images. Les restaurateurs n’osent pas les nettoyer, de peur de les endommager.
Grâce au synchrotron de Saskatoon, une espèce de microscope géant, Madalena Kozachuk arrive à reconstituer les images.
Sur un daguerréotype complètement noirci, elle a découvert l’image d’un homme en costume, assis sur une chaise en bois sculpté.
Portrait d’un homme dans ses vêtements de travail, vers 1850. Photo : Institut canadien de la photographie/Musée des beaux-arts du Canada
Sur un autre, le synchrotron a révélé une femme.
« C’est très émouvant. Vous avez ce moment qui était perdu dans le temps et tout à coup, vous lui donnez une seconde vie », raconte celle qui complète un doctorat en chimie à l’Université de Western Ontario.
Le synchrotron permet de voir à travers la couche de ternissure qui recouvre le daguerréotype, révélant le portrait d’une femme. Photo : Institut canadien de la photographie/Musée des beaux-arts du Canada
Le daguerréotype
Le procédé du daguerréotype a été inventé par le Français Louis Daguerre, dans les années 1830
La résolution des daguerréotypes est comparable à celle des caméras numériques d’aujourd’hui. C’est assez incroyable, quand on sait qu’il s’agit du premier procédé photographique jamais commercialisé. Madalena Kozachuk
Madalena Kozachuk arrive à reconstituer des images à partir des daguerréotypes du 19e siècle. Photo : Radio-Canada
Pour fabriquer ces photographies, on utilise une plaque de cuivre, recouverte d’une mince couche d’argent.
Cette plaque est d’abord polie, puis exposée à des vapeurs d’iode. L’iode réagit avec l’argent pour former de l’iodure d’argent, un composé sensible à la lumière.
On place ensuite la plaque photosensible dans une boîte coulissante, munie d’une ouverture pour la prise de vue.
Pour finir, on expose la plaque à des vapeurs de mercure. Le mercure se combine à l’iodure d’argent et forme un amalgame, uniquement aux endroits où la lumière a agi. L’image se révèle.
Pour protéger les daguerréotypes, les plaques d’argent sont placées à l’intérieur de boîtiers de verre étanches. Il arrive, malgré tout, que l’air arrive à s’infiltrer.
Les plaques d’argent sont conservées dans des boîtiers de verre étanches pour les protéger de l’air. Photo : Radio-Canada
« C’est de l’argent. Ça ternit, comme l’argenterie de votre mère. Mais vous ne pouvez pas les frotter, parce que ça effacerait l’image », explique John McElhone, expert des photographies anciennes qui, jusqu’à récemment, était chef du département de restauration au Musée des beaux-arts du Canada.
Accélérateur d’électrons
Madalena Kozachuk a fait équipe avec John McElhone pour tenter de sauver des daguerréotypes jugés irrécupérables. Elle a amené les plaques jusqu’à Saskatoon, où se trouve le seul synchrotron au Canada.
Un synchrotron, c’est un immense instrument qui sert à accélérer des particules subatomiques à des vitesses folles. Celui de Saskatoon est un accélérateur d’électrons.
Les électrons sont d’abord éjectés par un canon, puis envoyés vers un premier accélérateur de forme linéaire. Ils atteignent une vitesse qui frôle celle de la lumière.
Le canon à électrons, au synchrotron de Saskatoon Photo : Centre canadien de rayonnement synchrotron
Ils poursuivent leur course dans un second accélérateur, de forme circulaire, où ils acquièrent encore plus d’énergie.
Les électrons sont ensuite transférés dans un anneau de stockage qui fait 171 mètres de circonférence.
Des aimants les font tourner, puis dévier de leur trajectoire. Ils émettent alors des rayons très intenses, dont des rayons X, concentrés dans un faisceau ultra-puissant, mince comme un cheveu.
Ces rayons sont dirigés vers des stations expérimentales.
La signature du mercure
Madalena Kozachuk a placé les daguerréotypes endommagés dans l’une des chambres expérimentales. Les rayons X ont bombardé les plaques.
Les rayons X transfèrent leur énergie aux atomes individuels qui se trouvent sur le daguerréotype.
Lorsqu’ils relâchent ensuite cette énergie, les atomes émettent une lumière phosphorescente. Chaque type d’atome a une signature phosphorescente unique.
De cette façon, Madalena Kozachuk arrive à repérer précisément où se trouvent les atomes de mercure sur la plaque. Autrement dit, elle arrive à voir où la lumière a agi.
« Sur le col de la chemise blanche, il y a une grande concentration de particules de mercure. Sur les portions plus sombres de l’image, comme les cheveux, les particules sont beaucoup moins concentrées », explique-t-elle en montrant l’image de l’homme dévoilée par le synchrotron.
Nettoyer les daguerréotypes
Voici ce à quoi ressemblent les daguerréotypes avec lesquels travaille Madalena Kozachuk. La couche de ternissure empêche de voir l’image. Photo : Radio-Canada
Les images révélées par Madalena Kozachuk ne peuvent pas être exposées dans un musée. Il faut un synchrotron pour voir à travers la couche de ternissure qui recouvre la plaque. Mais cela pourrait changer.
Car le synchrotron révèle d’autres informations précieuses. Il permet de déterminer très précisément quels éléments chimiques composent la couche de ternissure. Cette information aidera les restaurateurs à nettoyer les daguerréotypes.
Un campement dans la région de l’American River, en Californie, au tournant des années 1850. Photo : Institut canadien de la photographie/Musée des beaux-arts du Canada
C’est tout un pan de l’histoire humaine qui reprendra vie.
« Les daguerréotypes sont une mine d’information sur l’Europe et l’Amérique du 19e siècle. Par exemple, nous avons des images des camps miniers dans la région de Sacramento, en 1849. C’est notre seule source d’information sur la ruée vers l’or en Californie », s’enthousiasme John McElhone.
Le reportage de Dominique Forget et Geneviève Turcotte