Que l’on soit prêt ou non à l’interdiction du plastique à usage unique, ne change rien au fait qu’il est plus que temps de prendre nos responsabilités notre la gérance du plastique. Je peux comprendre que cela demande de grand changement pour les industries, commerces etc .. Mais depuis le temps qu’on en parle, si on n’agit pas maintenant, il y aura toujours des excuses.
Nuage
Sommes-nous prêts pour l’interdiction des plastiques à usage unique?

Le Canada veut interdire certains plastiques à usage unique. Photo: Radio-Canada
Ximena Sampson
Des solutions de rechange aux produits et emballages de plastique à usage unique existent déjà, mais l’expérience des villes de Seattle et de Malibu montre que la transition doit idéalement se faire par étapes.
Le gouvernement Trudeau a annoncé le 10 juin l’interdiction, dès 2021, de produits et emballages de plastique à usage unique, qui pourraient comprendre les pailles, les ustensiles, les assiettes, les bâtonnets à mélanger et les sacs jetables.
La liste exacte n’a pas encore été établie, mais s’inspirera de celle de l’Union européenne (UE), qui a interdit ces produits en mars dernier, ainsi que les cotons-tiges et les bâtonnets pour ballons gonflables, entre autres. Ce sont les principaux déchets que l’on trouve sur les plages européennes.
Au Canada, des produits réutilisables, compostables ou recyclables sont disponibles pour remplacer le plastique à usage unique.
Mais la meilleure solution demeure la réduction à la source, croit Jennifer Pinna, conseillère en économie circulaire au Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTÉI) à Sorel-Tracy.
« La matière résiduelle la plus simple à gérer, c’est celle qui n’existe pas du tout », remarque Mme Pinna.
Est-ce qu’on a vraiment besoin d’une paille pour boire un breuvage? C’est la première question qu’on peut se poser. Sylvain Allard, professeur à l’École de design de l’UQAM.
Les pailles sont très populaires dans les cocktails d’été. Photo : iStock / pixelrainstudio
Si on a vraiment besoin d’un objet, il faut d’abord tenter d’en trouver un qui soit fait avec des matériaux réutilisables, comme des pailles en inox, des ustensiles en bambou et des sacs en tissu, conseille Mme Pinna.
Dans les cas où le réemploi n’est pas possible, on devrait viser des matériaux recyclables, comme le carton et le papier, ou compostables, tout en s’assurant qu’il existe des réseaux pour la collecte et la mise en valeur de ces déchets.
Des consommateurs à éduquer
Les pailles à usage unique sont interdites à Seattle depuis juin 2018. Photo : iStock / Boyloso
Est-il réaliste de demander cet effort aux consommateurs?
Certainement, croit Fabien Durif, directeur de l’Observatoire de la consommation responsable de l’Université du Québec à Montréal et auteur du guide 100 gestes pour la planète, publié par Protégez-vous.
« Les citoyens sont de plus en plus sensibilisés à la question des emballages et du plastique à usage unique », soutient-il.
Cependant, il estime qu’il y a encore un travail d’éducation à faire, notamment en ce qui concerne les façons de récupérer les différents types de matériaux.
« La question, c’est la praticité du geste, pense M. Durif. Pour beaucoup de consommateurs, il faut que ce soit facile; il faut accompagner et pas culpabiliser. »
Ainsi, affirme-t-il, le passage des bouteilles d’eau jetables vers les gourdes s’est fait assez facilement, et un nouveau marché s’est développé pour répondre à la demande croissante.
S’inspirer d’ailleurs
Dans la ville de Seattle, sur la côte ouest des États-Unis, les emballages de nourriture et les verres en styromousse sont interdits depuis 2009. Les ustensiles et pailles à usage unique le sont depuis juin 2018. De plus, les assiettes et les gobelets à usage unique fournis par les services de restauration doivent être recyclables ou compostables.
La mesure a été bien intégrée, croit Pat Kaufman, de la division des services publics de Seattle, dans la mesure où l’industrie et les commerces ont eu le temps de s’adapter.
« Lorsque nous avons mis en œuvre les premières exigences, en 2009-2010, il n’y avait pas beaucoup de choix dans la gamme des pailles et des ustensiles, a expliqué M. Kaufman au micro de CBC. Nous les avons donc exemptés du règlement pendant quelques années. »
L’industrie de l’emballage a parcouru un long chemin. Pat Kaufman, de la division des services publics de Seattle.
Il raconte notamment que l’industrie a finalement développé des cuillères compostables capables de supporter la haute température des soupes et des boissons chaudes sans se désagréger.
Malibu, une autre ville de la côte ouest, a également adopté l’approche progressive, raconte son maire, Jefferson « Zuma Jay » Wagner.
« Nous avons commencé avec les pailles, nous avons ensuite interdit les ustensiles en plastique et, après, les emballages en styromousse. »
« Si nous avions tout interdit en même temps, il aurait été plus difficile pour les gens d’y adhérer, affirme M. Wagner. On voulait laisser la chance au marché de s’adapter. »
Dans les deux cas, les résultats sont probants.
« Bien que nous n’ayons pas effectué d’études spécifiques permettant de corréler nos interdictions de matériaux avec la dispersion de déchets dans la ville […] il y a beaucoup moins de sacs en plastique et presque aucun emballage en styromousse dans les déchets », soutient M. Kaufman, de Seattle.
« La quantité de débris sur les plages va en diminuant à mesure que le temps passe », affirme pour sa part le maire de Malibu.
Du côté de l’industrie
L’industrie canadienne sera-t-elle prête à répondre à la demande d’ici deux ans?
« La problématique qu’on a actuellement, c’est qu’il est très difficile d’avoir une matière première aussi performante que le plastique à aussi bas coût, avec autant de légèreté et de facilité à produire en termes énergétiques, croit Sylvain Allard, professeur à l’École de design de l’Université du Québec à Montréal. Le plastique n’est pas facile à remplacer. »
La chaîne Tractor Foods offre déjà des bols compostables. Photo : Radio-Canada / Eva Uguen-Csenge
Cependant, estime-t-il, les recherches vont bon train. Sachant qu’il existe une date limite, l’industrie s’y mettra sûrement encore plus sérieusement.
« Ce ne sont pas les options qui manquent », ajoute Sylvain Allard.
Recyclables ou compostables, en plastique végétal, en carton ou en métal, plusieurs solutions de rechange sont déjà offertes.
La difficulté réside surtout dans des filières de mise en valeur, pense le chercheur.
« Le problème n’est pas tant au niveau de la matière que dans le système », croit Sylvain Allard.
Si une paille compostable se retrouve dans l’environnement, elle va se décomposer et elle aura très peu d’impact; ce ne sera cependant pas le cas si ce sont des centaines de pailles qui se retrouvent dans la nature.
L’environnement n’est pas une poubelle compostable. Sylvain Allard, professeur à l’École de design de l’UQAM.
La question est la même relativement aux plastiques recyclables. Ce n’est pas le matériau lui-même qui pose problème, mais plutôt le fait qu’on n’a pas développé de façons efficaces de le prendre en charge.
« Il y a plein de plastiques très utiles, croit Jennifer Pinna. L’idée, c’est d’allonger leur cycle de vie en s’assurant qu’ils soient récupérés et transformés, sans être mélangés ni contaminés. »
On doit surtout gérer le cycle d’un bout à l’autre, conclut Mme Pinna.
« L’idée, ce n’est pas de récupérer tous nos plastiques en centre de tri, de faire des ballots et d’envoyer ça à l’étranger. C’est plutôt de conserver notre capital matière avec des plastiques à longue durée de vie et de les récupérer après usage. »
Cela permettrait de boucler la boucle et d’avoir des produits à usage multiple plutôt qu’à usage unique.
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