Une énigme médicale résolue grâce à une chercheuse montréalaise


Malheureusement, le cancer chez les enfants est une dure réalité. À Montréal, un lymphome a été diagnostiqué chez un enfant de 10 ans, puis plus tard chez sa soeur. Le même cancer dans une famille est, parait-il impossible. Ce cas a permis de découvrir que c’est une mutation d’un génome qui serait survenue, il y a environ 4 000 ans. Cette découverte a permis d’éviter la chimiothérapie et de soigner par l’immunothérapie simplement avec un médicament. Ce qui laisse a pensé que d’autres maladie comme la sclérose en plaques, le VIH et d’autres cancers pourront être soigné par de nouvelles formes d’immunothérapie.
Nuage

 

Une énigme médicale résolue grâce à une chercheuse montréalaise

 

La Dre Nada Jabado, hémato-oncologue pédiatre à l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, s'entretient avec Thomas et Meagan Trinh.

La Dre Nada Jabado, hémato-oncologue pédiatre à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, s’entretient avec Thomas et Meagan Trinh. Photo: Radio-Canada

Dominique Forget

Grâce à deux enfants montréalais, la Dre Nada Jabado a fait une découverte majeure. Elle a identifié une maladie génétique inconnue des médecins jusqu’à présent. Elle reçoit maintenant des appels de partout dans le monde.

En 2016, les médecins de l’Hôpital de Montréal pour enfants sont abasourdis. Deux enfants se sont présentés à l’urgence avec une forme étrange de cancer, qu’on arrive mal à soigner. D’abord, un garçon : Thomas Trinh. Puis, sa sœur Meagan.

« Même le docteur nous a dit : c’est impossible. Deux fois dans la même famille, c’est impossible », se rappelle King Trinh, le père des enfants.

Thomas a 10 ans lorsque les premiers symptômes se manifestent : une fièvre persistante, puis des bosses douloureuses sous la peau. Un test médical confirme le pire. Thomas est atteint d’un lymphome, un type de cancer qui touche les lymphocytes – ces cellules du système immunitaire chargées de nous protéger contre les infections. À cause de la maladie, les lymphocytes de Thomas se multiplient de façon effrénée.

La chimiothérapie s’avère inefficace. On fait donc appel à un traitement de dernier recours. On détruit toutes les cellules du système immunitaire de Thomas et on les remplace par celles de son frère aîné, Brandon. C’est ce qu’on appelle une greffe de moelle osseuse.

La greffe est un succès. Mais pour la famille, le répit est de courte durée. Quelques mois plus tard, Meagan développe les mêmes symptômes.

On voit les deux enfants, de profil.

Thomas et Meagan Trinh étaient atteints d’une forme rare de cancer. Une greffe de moelle osseuse a permis de les guérir. Mais tous n’ont pas la même chance. Photo : Radio-Canada

La Dre Nada Jabado, hémato-oncologue pédiatre, est appelée en renfort.

« Mes collègues, dès qu’il y a une histoire un peu bizarre, ils m’appellent », raconte cette médecin, rattachée à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill.

Gène défectueux

La Dre Jabado est une spécialiste du cancer du cerveau chez les enfants. Mais c’est aussi une experte en génétique. Elle propose à la famille Trinh de séquencer leur génome.

« Au moment où j’ai reçu les résultats, j’étais dans un congrès à Okinawa qui était ennuyant à un point inimaginable, se rappelle-t-elle. Alors j’ai ouvert. »

Sous ses yeux se trouve le génome des parents et des enfants Trinh : de longues chaînes d’ADN où se trouvent les gènes, ces recettes qui servent à fabriquer des protéines essentielles au fonctionnement du corps humain.

Chaque gène se trouve en deux copies : une héritée du père et une de la mère.

La Dre Jabado identifie rapidement un gène défectueux; une mutation, dans le jargon. Les parents Trinh – qui ne sont pas atteints de la maladie – en ont chacun une copie. Thomas et Megean ont deux copies défectueuses.

« Ce gène agit beaucoup dans le système immunitaire », explique la Dre Jabado.

Plus spécifiquement, la mutation empêche le corps humain de fabriquer une protéine appelée TIM3. Normalement, cette protéine agit comme un frein sur le système immunitaire. Quand elle ne fonctionne pas correctement, les lymphocytes T s’emballent.

Un ancêtre commun

En passant au crible les banques de données génétiques sur Internet, la Dre Jabado constate que la mutation est particulièrement répandue en Asie du Sud-Est. Plusieurs adultes sont porteurs d’une copie défectueuse et susceptible de donner naissance à des enfants malades.

« J’ai contacté une collaboratrice en Australie, un pays où se retrouvent beaucoup de patients qui viennent d’Asie du Sud-Est, partage la Dre Jabado. Je lui ai demandé si elle avait des enfants qui présentaient les mêmes symptômes que Thomas et Meagan. Elle en avait six. »

La Dre Jabado séquence le génome des enfants australiens. Ils ont la même mutation génétique que Thomas et Meagan. Grâce à d’autres collaborateurs, elle repère 32 cas similaires en France.

Elle n’est pas au bout de sa quête. Elle veut remonter jusqu’à l’origine de la mutation. Elle fait appel à Simon Gravel, expert en génétique des populations à l’Université McGill.

« On voyait la mutation au Japon, en Polynésie, chez les Maoris en Nouvelle-Zélande et en Chine, raconte le mathématicien. Si on essaie de remonter au dernier ancêtre commun de tous ces peuples, ça nous amène plusieurs milliers d’années en arrière. »

Selon les estimations, la mutation serait survenue il y a environ 4000 ans.

Une cible prometteuse pour l’immunothérapie

La bonne nouvelle pour les patients, c’est qu’ils éviteront désormais les chimiothérapies inutiles. La Dre Jabado a un traitement beaucoup plus efficace à leur proposer. Un simple médicament : la cyclosporine. Elle stoppe l’activation des lymphocytes T, permettant une rémission des patients.

La chercheuse reçoit maintenant des appels de médecins, de partout dans le monde.

Un frère et une sœur atteints d'une forme étrange de cancer, une énigme médicale

La famille Trinh a permis de faire avancer les connaissances sur cette forme rare de cancer. Photo : Radio-Canada

La portée de sa découverte va bien au-delà du traitement de lymphomes rares. Elle laisse croire qu’en bloquant le gène responsable de la protéine TIM3 chez certains malades, on pourrait donner un coup de fouet au système immunitaire. Cela pourrait ouvrir la voie à de nouvelles formes d’immunothérapie contre le cancer, la sclérose en plaques ou le VIH.

« La famille Trinh nous a donné un énorme cadeau, reconnaît la chercheuse. Pour aider d’autres patients atteints de la même maladie que Thomas et Meagan, mais surtout en montrant à la communauté scientifique que si on veut exciter le système immunitaire, c’est possiblement là qu’il faut travailler. »

https://ici.radio-canada.ca

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