En Nouvelle-Zélande, ils ont fait une étude très intéressante sur la maladie mentale, ils ont suivi pendant 50 ans une génération, environs 1041 individus, tous nés dans la même ville. Le résultat est édifiant que 80 % ont souffert à un moment ou un autre une maladie mentale, certains étaient passager d’autres non, et seulement 17 % semble immuniser contre les maladies mentales. Il serait judicieux de faire un dépistage comme certaines autres maladies
Nuage
Maladies mentales : tous concernés ?

Une nouvelle étude révèle que nous souffrirons presque tous d’une maladie psychiatrique à un moment de notre vie. Heureusement, ce sera souvent temporaire.
Aaron Reuben et Jonathan Schaefer.
Nous connaissons presque tous quelqu’un dans notre entourage qui a déjà fait face à une dépression, un stress post-traumatique ou un autre trouble psychologique. Malgré leur banalité, cependant, ces épisodes sont souvent considérés comme exceptionnels et même honteux.
De nouvelles études, de notre laboratoire et d’ailleurs dans le monde, montrent que les maladies mentales sont si communes que presque tout le monde développera au moins un de ces troubles à une période de sa vie. Cependant, la plupart de ces personnes ne recevront jamais de traitement, alors que leur vie sociale, professionnelle ou familiale sera perturbée. Et que dire des individus jamais malades ? Ces individus « anormaux » durablement en bonne santé mentale permettront peut-être aux chercheurs de trouver les clés du bien-être, en tout cas de la stabilité mentale.
Selon les études épidémiologiques, environ 20 à 25 % de la population souffrent d’une maladie mentale à un instant donné. Mais une vaste enquête conduite du milieu des années 1990 au début des années 2000 aux États-Unis a suggéré que ce pourcentage était beaucoup plus élevé : près de la moitié de la population serait concernée. Cette étude impliquait des milliers d’Américains représentatifs de la population générale selon l’âge, le sexe, la classe sociale et l’origine ethnique. Elle était aussi rétrospective : on demandait aux sujets de se souvenir de leurs émotions et comportements des derniers mois, années, voire décennies. Mais la mémoire humaine est faillible et la science a montré que nous sommes particulièrement mal placés pour parler de notre propre santé mentale. En outre, jusqu’à un tiers des personnes contactées par l’institut chargé de l’enquête avaient refusé de participer. Un interrogatoire plus poussé avait alors révélé que ces non-répondants avaient plus tendance à souffrir d’un trouble trouble mental.
Pour notre étude, publiée cette année dans le Journal of Abnormal Psychology, nous avons donc utilisé une approche différente, dite longitudinale, afin d’estimer la proportion de personnes souffrant de maladies psychiatriques. Plutôt que d’interroger les sujets sur leurs souvenirs, nous avons suivi pendant 50 ans une génération de Néo-Zélandais rassemblant 1041 individus, tous nés dans la ville de Christchurch, et nous avons régulièrement vérifié s’ils souffraient d’une maladie mentale.
Avec cette méthode, le résultat est surprenant : le pourcentage de personnes qui développe un trouble psychique durant une période de sa vie bondit à plus de 80 %. Seuls 17 % des sujets de notre étude semblaient épargnés toute leur vie. Mais comme quelques années s’écoulaient entre chaque évaluation psychique, nous ne sommes même pas certains que ces personnes n’aient jamais eu de maladies psychiatriques. La proportion pourrait être encore plus élevée…
En d’autres termes, notre travail montre que vous avez plus de chances d’être victime d’un trouble psychiatrique que de développer un diabète, une maladie cardiovasculaire ou n’importe quelle forme de cancer. Un résultat confirmé par l’étude d’autres populations en Nouvelle-Zélande, en Suisse et aux États-Unis.
Si vous avez déjà développé un trouble psychique, vous savez certainement que beaucoup de personnes pensent que vous l’aurez à vie.
« Pourtant, les troubles mentaux sont souvent de courtes durées et peu graves », explique John Horwood, épidémiologiste et directeur de l’étude longitudinale Christchurch sur le développement et la santé en Nouvelle-Zélande.
D’ailleurs, Horwood a aussi mis en évidence que près de 85 % des participants de cette étude ont connu une maladie mentale avant l’âge de 50 ans.
C’est peut-être une information utile à diffuser : selon Jason Siegel, professeur de psychologie sociale à l’université de Claremont aux États-Unis,
« les gens ont tendance à être plus sympathiques et serviables quand ils croient que les problèmes de santé de leur ami ou collègue de travail sont temporaires ».
Et les individus souffrant d’un trouble mental ont besoin de soutien. Même des maladies de courtes durées ou peu graves ont parfois des conséquences dramatiques sur la vie d’une personne.
Pourtant, pour être reconnu comme « malade », « un individu doit présenter des symptômes assez précis et un dysfonctionnement psychologique assez important », signale Horwood.
Néanmoins, pour certains, ces nouvelles statistiques sur la proportion de maladies mentales ne reflètent qu’une « surmédicalisation » de l’être humain. Ce que réfutent les « défenseurs » des patients atteints de troubles psychiques.
« Je ne suis pas du tout surpris par cette découverte », commente Paul Gionfriddo, président du Mental Health America, une association américaine de défense des malades.
Cette organisation considère les maladies mentales comme communes, « bien qu’elles ne durent parfois pas longtemps ».
Il y a trois ans, elle a lancé un outil en ligne qui permet aux individus de déterminer s’ils souffrent de troubles psychologiques. Depuis, 2 millions de personnes se sont « autodiagnostiquées » et 3 000 se connectent chaque jour pour déterminer si elles remplissent les conditions nécessaires pour bénéficier d’un traitement.
Une autre conséquence de ces études longitudinales concerne la façon dont nous étudions et traitons les maladies psychiatriques.
Pour Gionfriddo, ancien législateur qui a vu son fils finir sans abri et incarcéré à cause d’une schizophrénie non diagnostiquée, « une implication de ces nouvelles études est que les sociétés tireraient avantage à ce que le dépistage des troubles psychiques soit systématique ».
Bien que les services de prévention américains recommandent actuellement un dépistage régulier de la santé mentale pour toutes les personnes de plus de 11 ans, c’est loin d’être le cas.
Gionfriddo précise : « À partir du moment où nous avons reconnu l’importance de la prévention pour le diabète, les cancers et les maladies cardiaques, pourquoi devrions nous dire : « bien, pour les maladies mentales, nous n’allons pas faire de dépistage ni de prévention ». Nous devrions pourtant les dépister chez les adultes aussi systématiquement que l’on vérifie la tension artérielle. Mettre la tête dans le sable et attendre une catastrophe n’est pas une politique de santé. »
Autre résultat remarquable de ces études : certains individus ne développeraient jamais de maladies psychiatriques. Ils sont en quelque sorte les équivalents en santé mentale des centenaires en pleine forme : des personnes qui, sans que l’on sache vraiment pourquoi, ont de la chance et vivent sans maladie plus longtemps que prévu. Peut-être qu’étudier ces sujets nous donnerait une idée de la façon dont nous pourrions aider plus de gens à vivre sans troubles psychiques.
Qui sont donc ces personnes hors du commun ? Dans notre étude menée en Nouvelle-Zélande, nous avons constaté que les individus ayant une bonne santé mentale ont tendance à présenter ces deux caractéristiques : premièrement, ils ont peu ou pas du tout d’antécédents de maladies mentales dans leur famille, et deuxièmement, ils ont ce que nous appelons une personnalité « avantageuse ». En d’autres termes, dès l’âge de cinq ans, les personnes qui parviendront à la cinquantaine sans épisode de trouble mental présentent en général peu d’émotions négatives, sont bienveillantes avec les autres et ont une meilleure maîtrise d’elles-mêmes. Et elles ne sont pas plus riches, ni plus intelligentes ou en meilleure santé physique, au moins durant leur enfance.
En fin de compte, l’enseignement le plus important de nos travaux est que les problèmes de santé mentale sont quasi universels. Les troubles psychiques ne sont pas si différents d’une fracture, des calculs rénaux ou d’un rhume… Reconnaître cette universalité permettra peut-être d’y consacrer les moyens nécessaires pour développer la prévention et les traitements. Cela nous aidera peut-être aussi à être plus bienveillants envers nous-même et envers nos proches quand, inévitablement, ils traverseront une période difficile.
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