Dernièrement, une jeune femme de 18 ans est morte sous la colère de son petit ami de 22 ans, avec qui elle voulait rompre. La police était avec elle pour qu’elle puisse chercher ses affaires, mais probablement une erreur de procédure, la jeune femme est rentrée en premier. Erreur fatale ! Comment peut-on éviter de telle drame ! Comment les victimes (homme et femme) peuvent se prémunir contre la violence conjugale.
Nuage
Violence conjugale : comment prévenir le pire?

Le reportage de Sophie Langlois
À la lumière des révélations entourant le meurtre de Daphné Boudreault, une question surgit : comment peut-on prévenir un tel drame? Deux experts dressent le portrait-robot des cas de violence conjugale, tant du côté de la victime que de l’agresseur.
Les victimes de violence conjugale n’ont pas d’âge, s’empresse de dire Sylvie Langlais, présidente du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.
« Ce n’est pas parce que la femme est plus âgée qu’elle a plus d’expérience », précise-t-elle.
Jeunes et moins jeunes ne trouvent pas toutes le chemin vers les refuges, ajoute l’intervenante. Le fait que les maisons pour femmes victimes de violence gardent secrète leur adresse ne facilite pas la démarche. Par contre, selon Sylvie Langlais, le plus gros obstacle – la honte – demeure dans la tête des victimes.
Quand ces femmes découvrent que l’homme qu’elles ont choisi est violent, plusieurs se sentent coupables. Comme intervenant, on leur dit : vous n’êtes pas responsables de cette violence-là, c’est la responsabilité de votre conjoint. Sylvie Langlais, présidente du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale
Sentiment de culpabilité chez les victimes
C’est d’autant plus difficile pour la victime de tirer la sonnette d’alarme qu’elle se fait souvent accuser de briser le couple, explique l’intervenante.
« Il faut recentrer la personne sur elle-même, parce que c’est comme si elle n’existait plus, dit Mme Langlais. C’est juste lui, centré sur ses besoins. On doit rebâtir les besoins de la victime et ça ne se fait pas du jour au lendemain. »
Si la violence conjugale n’a pas d’âge, elle n’a pas plus de sexe. Même si les victimes qui font la manchette sont des femmes, les hommes aussi peuvent subir la même expérience.
L’homicide conjugal en chiffres
- 13 : le nombre de victimes au Québec en 2013 (toutes des femmes)
- 23 % : un ex-conjoint est impliqué près d’une fois sur quatre, au Canada entre 2000 -2011
- 50 % : la baisse des homicides conjugaux au Québec entre 2004 et 2013
Que faire pour récupérer ses effets personnels?
Lors d’une intervention avec la police, la victime demeure dans la voiture jusqu’à ce que les agents aient sécurisé la résidence, explique Mme Langlais qui a déjà accompagné quelques victimes.
« Si le conjoint est là, il y a un policier qui va rester avec lui dans une autre pièce et un autre policier qui accompagnera la femme le temps qu’elle ramasse ses effets. »
Dans aucun cas, la victime ne devrait entrer en premier dans le logement, recommande l’intervenante
« C’est le rôle des policiers d’assurer la sécurité des citoyens. »
Colère et peine insurmontable
Que se passe-t-il dans la tête d’un conjoint pour qu’il en vienne à commettre l’irréparable?
« Ces personnes […] vont vivre une peine tellement importante qu’ils vont croire que leur vie est finie, qu’ils ne peuvent vivre sans l’être aimé », illustre Gilles Chamberland, directeur des services professionnels de l’Institut Philippe-Pinel.
La colère contre le conjoint qui veut mettre fin à la relation est proportionnelle à la peine qu’ils vivent, selon ce psychiatre.
« Les personnes peuvent donc croire que sans leur conjointe, ils vont souffrir pour le reste de leurs jours. Ils vont tenir l’autre pour responsable de leurs souffrances », dit-il.
Dans bien des cas, c’est une période intense, mais moins longue qu’elle peut paraître.
La douleur peut être si intense qu’ils peuvent tuer l’autre personne. D’autres fois, ce sont aussi des désirs suicidaires plus ou moins importants. Gilles Chamberland, directeur des services professionnels de l’Institut Philippe-Pinel
Le Dr Chamberland souligne que la situation peut devenir particulièrement complexe si le conjoint en colère consomme de l’alcool ou des drogues afin d’étouffer sa peine. Il explique que les substances vont faciliter le passage à l’acte en amplifiant la peine et la colère.
Passé violent et maladie mentale
Plus l’ex-conjoint violent vit de la souffrance, plus il va trouver un bouc émissaire chez son ancien partenaire
« C’est là que le désir de vengeance apparaît », prévient le psychiatre.
Verser sa colère sur les réseaux sociaux peut aussi envenimer la situation. Au lieu de soulager, ce genre de défoulement amplifie les émotions.
M. Chamberland affirme que si la personne n’a pas d’antécédents mais un changement de personnalité, on peut avoir affaire à la maladie mentale.
« C’est au début de la vingtaine que se manifeste la schizophrénie, indique le Dr Chamberland. Ça peut être aussi un trouble délirant de jalousie qui évolue depuis longtemps. Des fois, on est surpris de découvrir que la personne est beaucoup plus troublée qu’on croyait. »
Les motifs d’homicides conjugaux au Canada
- 40 % : intensification d’une dispute
- 26 % : frustration, colère, désespoir
- 20 % : jalousie
Pour intervenir dans ce genre de situation, il faut demeurer prudent et évaluer le danger, rappelle le psychiatre. Une personne qui s’isole peut être un signe inquiétant
D’ailleurs, les agents de police peuvent dans une certaine mesure amener une personne souffrante à l’urgence contre son gré. Un examen permettra de déceler et soigner la maladie mentale ou, dans un cas de délinquance ou de frustration, d’aviser la personne et de dresser un portrait de la situation.
Pour les parents qui souhaitent intervenir, Gilles Chamberland conseille de ne pas être intrusif, au risque de voir le jeune se refermer sur lui-même ou de minimiser la situation.
« L’important, c’est de demeurer le plus ouvert possible, de montrer qu’on peut compter sur nous si ça ne va pas. Si on s’aperçoit que la personne n’est pas consciente du danger, là il faut agir, voire appeler les policiers. »
Pour obtenir de l’aide : SOS violence conjugale 1-800-363-9010
http://ici.radio-canada.ca