Une énigme vieille de 64 ans d’un brouillard meurtrier à Londres a été résolue grâce au smog de la Chine
Nuage
Le brouillard meurtrier de Londres de 1952 enfin expliqué

Un épais brouillard s’étend sur la place Piccadilly Circus, à Londres, le 6 décembre 1952. Photo : Getty Images
Le 5 décembre 1952, un épais brouillard recouvre la ville de Londres. Jusque là, rien d’extraordinaire : Londres et le brouillard, ça va de pair. Le problème, c’est que lors des semaines qui ont suivi, des milliers de personnes sont mortes de problèmes respiratoires. Pourquoi?
Un texte d’Ève Christian
Cet épisode de pollution, le plus meurtrier de l’histoire européenne, n’a été expliqué que tout récemment, à la suite de recherches sur le smog en Chine.
Il était une fois…
Le 4 décembre, un vaste anticyclone recouvre la capitale du Royaume-Uni. Avec lui, une situation d’inversion de températures se produit; c’est-à-dire que la masse d’air chaud surplombe celle d’air froid, alors que la majorité du temps, c’est le contraire qui arrive.
Les températures chutent; il fait froid. Très froid. Les Londoniens utilisent alors grandement leur poêle à charbon pour se chauffer. La pollution qui s’en dégage s’ajoute à celle déjà omniprésente des usines et des centrales électriques alentour. Le ciel devient sombre.
Le vent étant léger, la fumée n’arrive pas à se dissiper et en raison de l’inversion thermique, l’air froid et la pollution sont cloués au sol.
Le phénomène dure cinq jours pendant lesquels les transports sont interdits tant la visibilité est réduite. La fumée pénètre même dans les édifices, causant l’annulation de plusieurs activités (cinéma, spectacles…)
Les hôpitaux se remplissent de dizaines de milliers de personnes qui éprouvent des difficultés respiratoires. Plusieurs semaines après, on dénombre plus de 12 000 morts de tous âges, certains présentant un haut niveau d’acide sulfurique dans le corps. Des milliers d’animaux aussi perdent la vie.
Un brouillard pollué
Que s’est-il passé cette fois-là? Londres est pourtant habituée aux brouillards; pourquoi celui-là a-t-il été aussi meurtrier?
D’abord, il a duré plusieurs jours et, puisqu’il faisait très froid, le chauffage au charbon a été utilisé en grande quantité. Mais pourquoi ce brouillard a-t-il été si nocif?
Jusqu’à tout récemment, les scientifiques n’avaient pas la réponse. Bien sûr, on savait que les émissions créées par la combustion du charbon étaient la cause de la plupart des décès. Mais le processus chimique exact qui a mené au mélange meurtrier de brouillard et de pollution n’a été découvert qu’en octobre dernier.
Le brouillard de Londres expliqué par le smog de Chine

Le smog obscurcit le jour à Pékin le 17 mars 2016. Photo : Getty Images
Ce sont des relevés pris dans l’atmosphère de deux grandes mégapoles parmi les plus polluées de Chine (Pékin et Xi’an) couplés à des expériences de laboratoire et analysés par une équipe de chimistes internationaux qui ont permis de trouver le coupable : le dioxyde d’azote.
Voici les explications chimiques
Données connues : Le sulfate contribue grandement au brouillard et des particules d’acide sulfurique se forment à partir du dioxyde de soufre libéré par la combustion du charbon.
Donnée inconnue : La façon dont le dioxyde de soufre se transforme en acide sulfurique.
À partir des recherches, on apprend que cette transformation est facilitée par le dioxyde d’azote, un autre sous-produit de la combustion du charbon, et qu’il se forme initialement sur le brouillard naturel. Ce dernier étant constitué de gouttelettes d’eau, ses particules sont plus grandes de plusieurs dizaines de micromètres et l’acide formé est donc suffisamment dilué.
Mais quand le brouillard s’est évaporé, à Londres en 1952, ce qui est resté au-dessus de la ville, était une brume constituée de fines particules acides. Un peu comme si une pluie acide sèche avait recouvert la ville.
Après le charbon, le diesel
À l’époque, les conséquences de ce brouillard funeste ont démontré qu’il était important et urgent de se préoccuper de la qualité de l’air. Quatre ans plus tard, afin d’améliorer la qualité du charbon de chauffage et de contrôler les sources domestiques de pollution, le Parlement britannique adopte une loi, le Clean Air Act.
Des mesures pour réduire la pollution ont été mises en place : comme le remplacement du charbon par du gaz naturel et l’éloignement des usines et des centrales électriques du centre-ville.
Évidemment, cela a aidé. Un temps. Mais Londres demeure l’une des villes les plus polluées d’Europe. En grande partie en raison du nombre croissant des voitures fonctionnant au diesel. Au début des années 2000, 18 % des véhicules fonctionnaient au diesel, alors qu’en 2013, c’était 42 % des véhicules qui roulaient avec ce carburant; sans pour autant que la technologie en matière de pollution ait évolué
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