Comment blanchir des défenses d’éléphant ? On les fait passer par des défenses de mammouth ! Avec les changements climatiques, des défenses de mammouths sont une vraie mine d’or et elles peuvent servir aux blanchiments de celles des éléphants ..
Nuage
Les mammouths pourraient devenir une espèce protégée

Les défenses des mammouths se vendent aujourd’hui à prix d’or, et servent au blanchiment des défenses d’éléphants. © Pixabay/ CC0 Public Domain/ N_Steffens
Par Johanne-Eva Desvages
Disparus depuis plus de 4000 ans, les mammouths pourraient bientôt figurer sur la liste des espèces protégées. Cette décision pourrait permettre de lutter contre le braconnage des éléphants.
DISPARITION. Longtemps après leur mort, les mammouths font aujourd’hui les frais des pilleurs. Si ces animaux se sont éteints il y a plusieurs milliers d’années, leurs restes ont été relativement bien conservés dans le pergélisol (sol en permanence gelé). En raison du réchauffement climatique et de la fonte des glaces, plusieurs centaines de tonnes de défenses de mammouths ont pu être extraites ces dernières années, accélérant leur commercialisation. Leur valeur a d’ailleurs considérablement augmenté, passant en moyenne de 350 dollars le kilo (environ 300 euros) en 2010 à 1900 dollars le kilo (environ 1400 euros) en 2014 pour de l’ivoire en bon état, indique un rapport de l’organisation Save the Elephants. Contrairement aux défenses d’éléphants, la vente et l’exportation d’ivoire de mammouth est légale. Des trafiquants ont pourtant déjà été sanctionnés en Russie, pays qui fournit à la Chine plus de 93 % de son ivoire de mammouth. En 2010, deux Russes ont ainsi été condamnés à 8 mois de prison avec sursis pour« trafic de valeurs culturelles » après avoir vendu plus de 100 tonnes d’ivoire de cette espèce en Asie.
L’ivoire de mammouth sert à blanchir celui des d’éléphants
Mais l’ivoire de mammouth, bien que considéré comme alternative éthique au commerce d’ivoire d’éléphant, sert aujourd’hui au blanchiment illégal d’ivoire d’éléphants. Ces pachydermes, en danger de disparition, sont actuellement protégés par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d’extinction (CITES) qui regroupe les animaux menacées en trois catégories appelées « annexes ». Pour les animaux figurant dans l’annexe 1, la protection est quasi totale, aucune commercialisation inter-pays n’est possible, sauf comme trophées de chasse.
« Les éléphants présents dans trois pays d’Afrique sont classés en annexe 2, qui autorise le commerce en quantité limitée et contrôlée de produits issus d’éléphants (notamment l’ivoire) », explique à Sciences et Avenir Florian Kirchner, chargé des espèces à l’UICN.
Les animaux sont classés en annexe 3 lorsqu’un seul pays décide d’interdire l’exportation d’une espèce.
Ainsi, des produits dérivés d’éléphant sont pour le moment autorisés à circuler en petit quota. Ce qui peut faciliter le blanchiment de l’ivoire.
« Dès qu’il y en a un peu qui circule légalement, il suffit d’avoir un faux permis pour faire passer des stocks d’ivoire illégal d’un pays à l’autre, ou les dissimuler dans un stock légal », nous détaille Florian Kirchner.
Actuellement, il est très difficile de déterminer à l’oeil nu si une défense commercialisée est celle d’un mammouth ou d’un éléphant. Seuls des tests ADN peuvent tracer l’origine de l’ivoire.
Et ainsi, « l’ivoire de mammouth se confond avec l’ivoire d’éléphants en voie de disparition », a déclaré le secrétaire général de la CITES, John Scanlon.
Interdire ou non l’ivoire de mammouth ?
La vente d’ivoire de cette espèce éteinte divise aujourd’hui les scientifiques. Certains chercheurs considèrent plutôt la commercialisation d’ivoire de mammouth comme une solution pour mettre fin au commerce illégal de défenses d’éléphants, à l’image de Naima Farah et John R. Boyce, auteurs d’une étude sur le sujet. Et craignent que la fin de sa commercialisation ne nuise davantage aux éléphants qu’elle ne les protège du braconnage. Quoi qu’il en soit, la question sera évoquée lors de la prochaine réunion de la CITES à Johannesbourg, en Afrique du Sud, du 24 septembre au 5 octobre 2016. Les Etats-Unis, la Chine et le Vietnam notamment, grands collectionneurs d’ivoire de mammouth, pourraient alors bientôt devoir s’en passer.
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