C’est gens n’avait pourtant pas chercher à être contaminé et doivent supporter d’être exclus des autres en plus de ne pas avoir plus d’aide gouvernementale pour éviter la nourriture contaminée qui vient de leur environnement
Nuage
Tchernobyl : « les gens nous surnomment les lucioles »

Des résidentes du village de Novozybkok, contaminé par les radiations de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. PHOTO : ICI RADIO-CANADA/ALEXEY SERGEYEV
Les résidents de villages russes contaminés lors de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, il y a 30 ans, continuent d’être exposés aux radiations.
Un texte de Raymond Saint-Pierre
Le 26 avril 1986, un réacteur de la centrale de Tchernobyl, en Ukraine, explosait, provoquant la pire catastrophe nucléaire de l’histoire. Une zone d’environ 150 000 kilomètres carrés a été contaminée dans le nord de l’Ukraine, l’ouest de la Russie et le sud-est du Bélarus.
Le nuage radioactif s’est abattu, 160 kilomètres plus loin, sur le village de Novozybkov, dans la région de Briansk, en Russie, affectant la santé de trois générations de villageois.
Nous y avons été accueillis par un groupe de femmes en colère. Le gouvernement a récemment réduit ou éliminé les subventions qui les aidaient à se procurer des aliments sains, venus de l’extérieur, et à protéger leur santé.
Plusieurs ont tenté de quitter le village pour aller dans la grande ville de Briansk, mais ils se disent ostracisés, raconte Natasha Spiridonova.

Natasha Spiridonova, résidente du village de Novozybkok, contaminé par les radiations de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl PHOTO : ICI RADIO-CANADA/ALEXEY SERGEYEV
Où est-ce qu’on peut aller? On a essayé d’aller à Briansk, mais personne ne veut de nous. Ce n’est pas seulement une question d’argent. Les gens ont peur de nous, ils nous surnomment les lucioles, les mouches à feu. Natasha Spiridonova, résidente de Novozybkov
« Ils se méfient aussi de nos enfants, parce qu’ils sont de la zone », affirme-t-elle. « On est tous revenus ici, on n’a pas le choix. »
Le village a été décontaminé dans les années 90, mais il reste encore des zones où le taux de radiation demeure très élevé, par exemple devant l’école et tout autour, dans les champs et la forêt.
Malgré tout, Paulina Kotchevnikova s’est résignée à rester ici.

Paulina Kotchevnikova, résidente du village de Novozybkok PHOTO : ICI RADIO-CANADA/ALEXEY SERGEYEV
Dans ma famille, il y a plein de gens qui sont morts après cette tragédie. J’ai perdu six proches. Le dernier, c’était mon mari. Il a eu le cancer, comme ma mère, qui a eu un cancer du foie. Paulina Kotchevnikova
Elle doit s’occuper de ses trois petits-enfants devenus orphelins. Elle reçoit une maigre pension de vieillesse et compte donc sur son jardin pour se nourrir.
« La radioactivité est partout dans le sol, mais qu’est-ce qu’on peut y faire? » dit-elle. « Mes petits enfants préfèrent mes pommes de terre, alors j’en plante. »
Un taux élevé de cancers
À l’hôpital du village, on note un taux élevé de cancers. Le Dr Victor Khanayev estime qu’un patient sur trois a une maladie causée ou aggravée par les radiations. Il note un taux élevé de cancers de la thyroïde.
Le Dr Victor Khanayev, médecin à Novozybkov PHOTO : ICI RADIO-CANADA/ALEXEY SERGEYEV
On connaît ça depuis longtemps, ici. Mon collègue oncologue m’a dit qu’en deux mois, on a relevé huit cancers de la glande thyroïde.Victor Khanayev
Il croit que la population a encore grand besoin qu’on l’aide à bien s’alimenter.
« Nous, les gens du coin, vivons les effets des radiations et nous savons que ça va durer encore longtemps », pense-t-il. « Pour se protéger, il faut manger des aliments d’ailleurs. C’est pour ça qu’on espérait conserver l’aide financière de l’État. »
Des aliments contaminés
Bien des gens continuent d’aller en forêt, notamment pour cueillir des champignons, qui entrent dans la cuisine traditionnelle. On en vend même au marché.
Les champignons sont les aliments qui accumulent le plus de radiations et qui sont les plus dangereux pour la santé. Les gens le savent, mais ils les mangent quand même.

Ces femmes vendent des produits de la ferme et de la forêt au marché local. Les champignons, comme on en voit dans ces bocaux, sont les aliments qui accumulent le plus de radiations. PHOTO : ICI RADIO-CANADA/RAYMOND ST-PIERRE
Trente ans, c’est long et les vieilles habitudes ont tôt fait de reprendre le dessus. Après tout, les radiations, on ne les voit pas. C’est d’autant plus facile de les oublier, de faire comme si elles n’existaient pas.
Tenter d’alerter la population
Le groupe environnementaliste Greenpeace s’est donné comme mission d’alerter les populations et les autorités au danger toujours bien présent des radiations.
Alexei Kiselyev est expert en protection contre les radiations pour Greenpeace. Il a emmené un groupe de journalistes là où se trouvait le village de Svyats. À plusieurs endroits, le taux de radiation demeure très élevé, mais rien n’empêche les chasseurs ou les cueilleurs de venir à cet endroit.

Alexei Kiselyev, expert en protection contre les radiations pour Greenpeace. PHOTO : ICI RADIO-CANADA/ALEXEY SERGEYEV
Ici, en Russie, on a laissé cette contamination sans contrôle. On a essayé de déplacer des habitants, d’interdire la zone, puis c’est tout. N’importe qui peut venir ici. Alexei Kiselyev, expert en protection contre les radiations pour Greenpeace
À cause du degré de radiation, personne ne devrait rester ici plus de quatre heures. Pourtant, on y a retrouvé Victor Strelkov. Il a construit un site de culte, où reviennent plusieurs fois par année des centaines d’anciens résidents du village membres d’un groupe appelé Les vieux croyants. Il fait peu de cas des radiations.

Victor Strelkov PHOTO : ICI RADIO-CANADA/ALEXEY SERGEYEV
Si c’est dangereux? Oui, mais il y a plein de choses dangereuses dans la vie. Que peux-tu faire? Les gens sont tous attirés par leur terre natale. Viktor Strelkov
Il reste encore beaucoup de travail à faire auprès des populations. À Verishiky, nous avons vu une vieille dame qui avait perdu le contrôle du feu de broussaille qu’elle avait allumé, une pratique très courante, mais interdite. Une équipe de pompiers de Greenpeace est allée aider les sapeurs locaux à l’éteindre. Ce genre de feux peut causer une catastrophe.
C’est pour ça que cette équipe de Greenpeace va chaque jour sur le terrain voir s’il n’y a pas de feux de tourbe, un type de sol où se concentrent les particules radioactives. Anton Binislavsky dirige ce groupe de pompiers.

Anton Binislavsky dirige un groupe de pompiers dans la région de Briansk. PHOTO : ICI RADIO-CANADA/ALEXEY SERGEYEV
Si la tourbe brûle ici, cela peut causer une contamination secondaire, une recontamination, parce que les particules radioactives enfouies dans la tourbe sont extraites par le feu et transportées dans la fumée. Anton Binilavsky, pompier
L’autre crainte, c’est que le feu se répande dans la forêt, où les arbres sont aussi contaminés.
Le problème, dans la région de Briansk, c’est que la plupart des communautés qui se trouvent dans des zones dites « d’évacuation » n’ont pas été évacuées. Les autorités n’ont pas interdit l’accès à ces territoires, comme on l’a fait en Ukraine et au Bélarus.
Il s’agit de 120 000 à 200 000 personnes qui n’avaient pas les moyens d’aller ailleurs ou qui sont rentrées vivre dans leur village, toujours hanté par Tchernobyl, 30 ans plus tard et qui se sentent abandonnées par leur gouvernement.
http://ici.radio-canada.ca/