La peste, l’horreur qu’on vécut nos ancêtres impuissants devant cette terrible maladie n’a pas toujours été aussi meurtrière. Ce qui est exceptionnel, ce sont des dents datées de 5 mille ont pu donner quelques brides d’informations sur la peste
Nuage
La peste frappait déjà l’humanité il y a 5.000 ans

Crâne datant de l’âge de bronze appartenant à la culture Yamna. Natalia Shishlina
Par Hervé Ratel
Selon de nouvelles analyses génétiques, la peste est beaucoup plus ancienne que les premières épidémies identifiées. Mieux, il y a 5.000 ans, elle était alors endémique parmi les populations humaines.
GÉNÉTIQUE. La peste a eu plusieurs vies. Bien avant que le pasteurien Alexandre Yersin ne la découvre en 1894, bien avant encore que la première pandémie identifiée vers l’an 600 – et dite « peste de Justinien » – n’endeuille une partie du bassin méditerranéen, la maladie faisait déjà des siennes. Une équipe internationale vient de publier dans la revue Cell, le résultat d’analyses génétiques effectuées sur des dents humaines provenant d’Asie et d’Europe et datées de 5.000 ans plus tôt. Le résultat est surprenant à plus d’un titre. Non seulement la bactérie Yersinia pestisétait déjà présente parmi ces populations ancestrales ; mais les chercheurs ont découvert qu’elle était loin d’avoir la virulence qu’on lui connut par la suite.
La peste se transmettait entre humains
« Avant la peste de Justinien, nous étions dans un flou assez complet concernant cette maladie. Cette étude a le mérite de remonter très loin dans le temps, au moins 2900 ans avant notre ère », explique Elisabeth Carniel, chef de l’unité de recherche Yersinia à l’Institut Pasteur de Paris.
A cette époque de l’âge de bronze, la peste était essentiellement transmise d’humain à humain et affectait principalement le système respiratoire des malades. La bactérie se propageait via la toux.
“C’est en tout cas l’hypothèse des chercheurs, réagit Elisabeth Carniel. Mais elle me semble peu probable. A mon avis, ce bacille était plutôt transmis d’homme à homme par voie digestive comme son ancêtre Yersinia pseudotuberculosis ».
Des différences majeures avec les épidémies modernes
En tout cas, rien à voir avec les épidémies modernes de peste transmises par les puces et les rats. Pour cela, révèle l’étude, il a fallu que la bactérie acquiert deux gènes, ymt et pla. Tandis que le premier lui a permis de survivre dans l’appareil digestif des puces, le second l’a autorisé à coloniser les différents tissus humains et passer dans le sang et la lymphe. Et ces deux ajouts ont changé la face de la bactérie et au-delà, celle de l’humanité.
« Sans le gène ymt, le bacille de la peste n’aurait pu se transmettre par les puces, analyse la chercheuse. Et sans le gène pla, il faut expérimentalement un million de bactéries pour tuer des souris. Lorsqu’il est présent, une dizaine suffisent… »
Ces mutations, qui ont dû se produire vers l’an 1.000 avant J.C., ont permis à la peste d’acquérir sa terrifiante forme bubonique. Devenant très vite l’avatar le plus fréquent de la maladie, la peste bubonique est notamment responsable de la « peste noire » qui éradiqua au 14e siècle près de la moitié de la population européenne.
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